"The Zone of Interest", Léa Drucker, Tye Sheridan... Voici notre palmarès du 76e Festival de Cannes

par Jérôme VERMELIN à Cannes
Publié le 27 mai 2023 à 11h06, mis à jour le 27 mai 2023 à 11h12

Source : TF1 Info

Le 76e Festival de Cannes s'achève ce samedi avec la révélation des prix du jury présidé par Ruben Östlund.
Vingt-et-un films venus du monde entier étaient en lice cette année pour la prestigieuse Palme d'or.
Voici notre palmarès entièrement subjectif, après deux semaines d'une compétition très relevée.

On vous prévient tout de suite, les lignes qui suivent ne préfigurent en rien le palmarès du 76e Festival de Cannes. Comme chaque année, la Croisette a ses favoris, pas toujours les mêmes lorsqu'on lit la presse française et étrangère. Mais la cuisine d'un jury est un mystère tellement insondable qu'on se gardera bien de faire un pronostic, à quelques heures du verdict. Même si on connaît le goût de Ruben Östlund pour les films qui attaquent les méninges et l'estomac...

Lors de la traditionnelle conférence de presse qui précède l'ouverture du festival, le président suédois avait expliqué qu'il encouragerait les membres de son jury à ne pas essayer d'être "trop intelligents". Et à "suivre leur instinct" pour juger les 21 films qui leur ont été présentés. C'est ce que nous avons essayé de faire, en toute modestie...

Palme d’or : "The Zone of Interest" de Jonathan Glazer

La production n’ayant pas mis le moindre extrait de The Zone of Interest à disposition pour se replonger dans l’atmosphère du film de Jonathan Glazer, on ferme les yeux et on se remémore le trouble qui nous a envahi dès les premières secondes. Sur un écran noir qui semble durer une éternité, une musique dissonante laisse place aux bruits d’une nature enchantée. Et puis une première image apparaît. Celle d’une famille qui profite d’un été au bord du lac. Un père le torse bombé dans son slip moulant. La mère attentionnée aux mollets blancs et les bambins blonds comme les blés. Une certaine idée du bonheur. Sauf que le père en question n’est autre que Rudolf Höss, le commandant en chef du camp de concentration d’Auschwitz.

undefinedundefinedA24

En adaptant le roman de son compatriote Martin Amis, le réalisateur de Under the skin porte un regard inédit à l’écran sur la Shoah. S’il nous embarque du côté des bourreaux, l’horreur est omniprésente hors champ, derrière les murs qui jouxtent la demeure des personnages. Dans nos oreilles qui perçoivent les souffrances des déportés grâce à une bande-son stupéfiante. Dans notre imaginaire aussi, nourri par nos connaissances historiques et les grands films qu’on a pu voir auparavant. The Zone of Interest fera date grâce à ce dispositif de mise en scène puissant. Mais aussi par sa volonté d’interroger la nature humaine dans ce qu’elle peut avoir de plus abject, à l’heure où la guerre est revenue frapper aux portes de l’Europe.

Grand Prix : "Les Feuilles Mortes" de Aki Kaurismäki

Pour contrebalancer avec la noirceur de The Zone of Interest, difficile de faire mieux que le dernier opus du truculent réalisateur finlandais. Holappa, un ouvrier porté sur la bouteille, est traîné de force dans un karaoké par son collègue et fait la rencontrer de Ansa, une employée de supermarché un brin timide. Ces deux accidentés de la vie font se revoir, se perdre et se retrouver sur fond de chansons pop entraînantes, de références cinématographiques savoureuses et d’échos lointains de la guerre en Ukraine, autour d’un poste radio qu’on éteint pour ne pas devenir fou. C'est l'un des seuls films qui nous a donné la banane pendant quinze jours. Et rien que pour ça...

La bande-annonce du film "Les Feuilles Mortes"Source : TF1 Info

Prix d’interprétation masculine : Tye Sheridan dans "Black Flies"

Cette plongée en apnée dans le quotidien des urgentistes de New York nous a captivé. Grâce la mise en scène hantée de Jean-Stéphane Sauvaire. Mais aussi la performance habitée de bout en bout du jeune acteur américain Tye Sheridan. On le découvre haletant et hébété à l’arrière d’un camion qui file à cent à l’heure sur une scène de crime. Et puis son regard se voile, son sourire s’efface et la violence s’immisce en lui, l’entraînant à la lisière de folie. En deux semaines de projection, aucun comédien masculin ne nous a fait une impression aussi durable.

undefinedundefinedMetropolitan

Prix d’interprétation féminine : Léa Drucker dans "L’Été dernier"

La comédienne française s’est jetée à corps perdu - au propre comme au figuré - dans le nouveau film de Catherine Breillat qui divise tant la Croisette depuis jeudi. Tour à tour fébrile et déterminée, glaciale et brûlante de désir, elle livre sans doute la performance la plus complexe de sa carrière dans le rôle d'une femme d'âge mûr qui vit une liaison incestueuse avec son beau-fils mineur. La plus osée, avouons-le aussi. Après le César pour Jusqu’à la garde, le prix d’interprétation lui tend les bras dans une compétition où Sandra Hüller, la vedette troublante de Anatomie d’une chute, a pour nous longtemps fait figure de favorite indiscutable. C'est dire !

La bande-annonce de "L'Été dernier" de Catherine BreillatSource : TF1 Info

Prix de la mise en scène : Hirokazu Kore-Eda pour "Monster"

Le réalisateur japonais nous raconte la même histoire sous trois angles différents, celle d’un adolescent mutique dont la mère est persuadée qu’il est victime d’un professeur violent. Si le scénario est une merveille, il ne fonctionne que grâce à la mise en scène subtile de son auteur. Kore-Eda nous mène par le bout du nez durant la première demi-heure puis effectue un virage à 180° qui remet en question toutes nos certitudes. Pour au final réaliser que tous les indices du drame qui se noue à l’écran étaient présents dès les premiers instants. Magistral.

undefinedundefinedFestival de Cannes

Prix du scénario : "Anatomie d’une chute" de Justine Triet

Après Victoria et Sibyl, la réalisatrice française passe à la vitesse supérieure avec ce vrai-faux thriller qui renferme une auscultation minutieuse du délitement d’un couple. Des joutes verbales des avocats joués par Swann Arland et Antoine Reinartz à l’incroyable dispute conjugale entre les époux incarnés par Sandra Hüller et Samuel Theïs, Anatomie d’une chute se repose sur d’exceptionnels dialogues, les plus beaux, les plus justes, les plus cruels aussi qu’on ait entendus durant ce festival.

Un extrait de "Anatomie d'une chute" avec Sandra HüllerSource : TF1 Info

Prix du jury : "Banel et Adama" de Ramata-Toulaye Sy

La jeune réalisatrice franco-sénégalaise est entrée sur la pointe des pieds dans la compétition face à des mastodontes confirmés comme Nanni Moretti, Wim Wenders et Ken Loach. Ce récit d’un amour maudit dans un petit village d’Afrique renferme quelques-uns des plans les plus sublimes de la sélection, un travail pictural et symbolique qui révèle un talent à suivre puisqu’il ne s’agit que d’un premier film. Qui mériterait d’être salué ce soir.

La bande-annonce de "Banel et Adama"Source : TF1 Info

>> Les stars, les films, les polémiques... Retrouvez toute l'actualité du 76ème Festival de Cannes sur notre page spéciale


Jérôme VERMELIN à Cannes

Tout
TF1 Info