Des internautes accusent trois Israéliens d'être de jeunes "acteurs" simulant leur peine.Dans la vidéo incriminée, les enfants évoquent leur deuil après la mort de leurs parents lors de l'attaque du Hamas contre l'État hébreu.Nous avons retrouvé les extraits en question.
Le deuil d'adolescents détourné pour servir la désinformation. Trois Israéliens sont accusés d'être des "acteurs de crise engagés par Israël pour servir la propagande". Dans la vidéo, publiée ce dimanche 22 octobre et devenue virale, des zooms sont réalisés sur le visage de deux des jeunes femmes, qui seraient en train "d'étouffer leurs rires", alors que leur frère témoigne, devant les caméras de médias, du décès de leurs parents lors de l'attaque perpétrée par des commandos du Hamas. Nous avons voulu en savoir plus sur ces allégations.
Plusieurs éléments concordants
À l'origine, la vidéo a été publiée par un compte Instagram qui promet de "révéler la propagande sioniste". Suivi par plus de 15.000 personnes, il a notamment partagé cette fausse information, dont nous vous parlions ici, selon laquelle une journaliste roumaine aurait mis en scène le moment où elle se jette au sol "pour échapper aux roquettes". Si sa vidéo sur lesdits "acteurs" israéliens a été retirée d'Instagram ce mercredi 25 octobre, elle était en revanche toujours partagée sur le réseau social X.
Alors que cherche-t-elle à révéler ? Au début de la séquence, une jeune femme aux cheveux longs est vue en train de "passer d'un visage fermé à se retenir d'un sourire", selon le commentaire qui l'accompagne. "Leur mauvais jeu d'acteurs et leurs rires révèlent le mensonge", poursuit le message, alors qu'une adolescente aux cheveux bruns et bouclés lance un sourire vers sa droite. Sur l'une des images, on aperçoit que l'extrait a été récupéré dans l'émission "Good Morning America", diffusée par ABC News. Disponible sur YouTube, il relate le témoignage de cet "adolescent israélien qui a vu ses parents mourir lors d'une attaque du Hamas". D'après nos recherches, l'autre extrait utilisé vient d'un reportage de CNN diffusé le 12 octobre.
L'adolescent qui parle sur la vidéo est Rotem Mathias, 16 ans. Jeune Israélo-Américain, il raconte comment ses parents, Deborah et Shlomi Mathias, ont été tués par des hommes armés du Hamas en Israël. Sa mère serait morte en essayant de le protéger de son corps, si bien que le jeune n'a reçu qu'une balle dans l'abdomen. Il s'est ensuite caché pendant plus de douze heures, envoyant des SMS à ses deux sœurs, Shakked et Shir. Dans son récit, il est accompagné de son grand-père, Ilan Troen, qui était au téléphone avec Deborah au moment de sa mort.
Au-delà de la crédibilité de ces deux chaines américaines, nos recherches montrent que ce reportage n'a rien d'une mise en scène. Tout d'abord, Rotem Mathias a bien été hospitalisé après avoir été touché par une balle, comme en témoignent de nombreux articles de presse à ce sujet. Certains médias ont également montré les messages envoyés par le jeune homme à ses sœurs, dans lesquels il évoque justement le décès de ses parents. Ensuite, l'homme sur les images avec les enfants est bien Ilan Troen, professeur émérite de l'Université Brandeis dans le Massachusetts, ce que prouve le site de l'établissement.
Or, c'est lui qui a dévoilé, dès le lendemain de l'attaque du Hamas, avoir perdu sa fille. Le 8 octobre, avant même le témoignage de ses petits-enfants, l'universitaire révélait à la presse qu'une Israélo-Américaine avait été tuée par les commandos terroristes. "L'homme a déclaré qu'il était au téléphone avec elle au moment où elle a été abattue et qu'il avait utilisé son corps pour protéger son fils de 16 ans", lisait-on par exemple dans le direct de CNN.
Une information confirmée par les autorités du kibboutz Holit. Ainsi, dès le 8 octobre, le village dans lequel habitaient les parents a publié la liste de tous ses résidents morts lors de l'attaque perpétrée la veille. Et on y retrouve précisément le nom des deux époux. Information corroborée par le porte-parole du Département d'État, Matt Miller. Cité par la presse américaine, il annonçait que Deborah Mathias faisait partie des 32 Américains tués par le Hamas.
Par ailleurs, de nombreux hommages à Shlomi, professeur de musique, sont rapidement apparus dans la presse israélienne. "Je n'aurais jamais cru qu'un professeur pouvait aussi être un si bon ami. Tu m'as appris toutes les plus belles chansons country que je connaisse", écrit par exemple une ancienne élève, quand un autre évoque les "trois enfants restés orphelins" qu'il laisse derrière lui.
Ces trois enfants sont ceux qui ont témoigné, comme en attestent les nombreuses photos de la famille. Alors comment expliquer les "sourires" évoqués par les internautes ? Le premier ne semble être qu'une grimace pour retenir des larmes. Quant au deuxième, il s'agit bien d'un sourire, esquissé l'espace de quelques instants par Shakked lorsque son frère explique que ses parents "ne mourront pas là-bas" car "ils resteront et vivront dans les souvenirs et dans les histoires".
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