VIDÉO - Expulsion des parents de délinquants : Nice teste le dispositif

par V. F | Reportage TF1 : Lucas Zajdela et Vincent Pierron
Publié le 25 juillet 2023 à 8h00

Source : JT 20h Semaine

Après les violences urbaines, Emmanuel Macron avait indiqué qu’il souhaitait responsabiliser les familles.
Autrement dit, sanctionner les parents dont les enfants sont en infraction avec la loi.
Des dispositifs existent déjà dans certaines villes, comme à Nice, où les procédures d'expulsion se multiplient dans les logements sociaux.

Pendant de longs mois, une jeune mère de famille rencontrée par le 20H de TF1 a vécu avec la peur de finir à la rue. Tout est parti de ce qu’elle appelle "une petite bêtise" de sa fille. Elle ne veut pas en dire plus, mais son bailleur a jugé l’affaire suffisamment sérieuse pour engager une procédure d'expulsion. "Cette peur-là d'être virée de chez soi du jour au lendemain, avec mes quatre enfants, dont un à l'époque, avait deux ans, je ne le souhaite à personne", dit-elle dans le reportage visible en tête de cet article. 

La demande du bailleur a finalement été rejetée par la justice et la mère de famille a pu garder son logement, mais elle reste marquée par cet épisode. "J'ai toujours été une personne correcte et j'ai toujours payé mon loyer à temps", assure-t-elle. Et d'interroger : "Si on fait une bêtise, est-ce qu'on doit réprimander toute la famille ? Parce que dans une famille, il y en a un qui fait une bêtise, mais il y en a un qui peut avoir bac +5. Est-ce que lui est obligé d'avoir les mêmes sanctions à cause de son frère ?"

150 procédures d'expulsion engagées

Selon la mairie de Nice, près de 150 procédures d'expulsion de logements sociaux ont été engagées depuis deux ans. Le fondement juridique, c’est le nouveau règlement intérieur du principal bailleur social de la ville, qui précise qu’"en cas de condamnation pénale d’un locataire ou d’une personne vivant sous son toit, Côte d’Azur Habitat engagera toute action en justice, en vue de l’expulsion des résidents". Et grâce à cette convention, les condamnations sont transmises directement par la justice au bailleur. 

Dans l’un des principaux quartiers de Nice, au Moulin, les habitants sont partagés. "C'est plutôt normal quand même. Les parents sont responsables de leurs enfants. Il faut vraiment assumer sa responsabilité, sinon tu ne mets pas un enfant au monde, je suis désolée", s'insurge une jeune femme. Quand un père de famille est de l'avis inverse : "Moi, je trouve ça scandaleux parce qu'on ne condamne pas toute une famille pour une bêtise d'un enfant. Après, les parents, c'est vrai qu'ils sont là pour éduquer leurs enfants, mais après, il faut voir l'entourage et les fréquentations", nuance-t-il.

Effet dissuasif

Sanctionner une famille pour un acte individuel, le maire, Christian Estrosi, assume le principe et se félicite de l'effet dissuasif. Selon lui, c'est même ce qui explique le calme relatif à Nice pendant les dernières violences urbaines. "Moi, je ne vois qu'une chose, c'est qu'à Nice, nous n'avons quasiment rien eu à relever, qui ait pillé, qui ait cassé et qui ait créé les désordres publics auxquels notre pays a été confronté dans la plupart de ses grandes cités", insiste-t-il. 

Pourtant, il y a une limite à ce dispositif, fixé par la loi : pour pouvoir expulser, il faut une atteinte à la tranquillité du voisinage. Tandis que le délit doit avoir été commis à l'intérieur ou au pied de l'immeuble. "Absolument puisque que nous n'avons une responsabilité que dans le cadre du parc résidentiel dont nous avons la charge. Donc c'est uniquement dans ce cadre-là que cette convention s'applique", confirme l'édile.

Impossible, par exemple, d'expulser la famille d'un jeune qui aurait participé à un pillage loin de chez lui. Autre limite, selon David Nakache, président d'une association de quartier, "Tous citoyens !", le droit au logement. "En effet, si demain Côte d'Azur Habitat exclut toute une famille parce que le grand frère est tombé dans la drogue et dans la délinquance, que vont devenir les enfants ? Qui va les reloger ? Ils vont taper à la porte des associations de la ville et il faudra trouver un hébergement d'urgence. Donc c'est bien de toute façon la collectivité qui va devoir aider ces familles en difficulté et ces enfants vulnérables. Donc, on expulse d'un côté, mais on devra reloger demain", dénonce-t-il. 

Depuis le lancement de cette convention, 31 ruptures de bail ont été prononcées par la justice. Mais le nombre d'expulsions effectives reste un secret bien gardé. Ni la préfecture ni la mairie n'ont souhaité communiquer cette information à TF1. 


V. F | Reportage TF1 : Lucas Zajdela et Vincent Pierron

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