Interview

Qu'est-ce que la fièvre de Lassa, dont un cas a été détecté en France ?

par A.B.
Publié le 3 mai 2024 à 17h08

Source : Sujet TF1 Info

Le ministère de la Santé a annoncé, jeudi, l'hospitalisation d'un patient touché par la fièvre de Lassa.
L'individu est un militaire rentré de l'étranger.
Cette fièvre hémorragique virale est endémique dans certains pays d'Afrique.

C'est une maladie rarement détectée en Europe. Le ministère de la Santé a indiqué, jeudi 2 mai, qu'un militaire rentré de l'étranger avait été hospitalisé après avoir été confirmé comme malade de la fièvre de Lassa. Si son "état de santé n'inspire pas d'inquiétude", une "enquête épidémiologique approfondie est en cours pour déterminer les personnes qui auraient été en contact avec le patient", a indiqué le ministère dans un communiqué. Origine, transmission, symptômes et risques, TF1info fait le point sur cette maladie avec Sylvain Baize, responsable du CNR des fièvres hémorragiques virales à l'Institut Pasteur. 

Un patient a été diagnostiqué avec la fièvre de Lassa en France ces derniers jours. De quoi parle-t-on ?

Sylvain Baize : C'est une maladie qui a été découverte en 1969 pour la première fois au Nigéria et qui circule à ce jour en Afrique de l'Ouest. Elle est présente dans une zone qui va de la Guinée-Conakry au Mali, jusqu'au Nigéria. Il s'agit d'une fièvre hémorragique virale qui est causée par un virus appartenant à la famille des "Arénavirus". Il cause une maladie similaire à celle que l'on peut rencontrer par exemple avec le virus Ebola ou celui de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo ou même certaines formes hémorragiques de la dengue ou bien les infections qui sont induites par le virus de la fièvre jaune. Elle est toutefois bien moins létale qu'Ebola qui va tuer 60 à 90% des gens cliniquement malades. 

La fièvre Lassa a cette particularité d'être une maladie qui n'est visible que chez 20 à 30% des patients infectés, la plupart sont asymptomatiques ou paucisymptomatique, c'est-à-dire avec des signes très faibles, qui n'évoquent pas toujours cette maladie, et qui ne seront jamais diagnostiqués. Si on avance un taux de mortalité de 1% pour cette fièvre, on parle d'une modélisation par rapport au nombre total de personnes infectées, qu'elles aient des symptômes ou non. Mais il faut plutôt se pencher sur le taux de létalité parmi les gens avec une maladie clinique bien démontrée et un diagnostic biologique posé. Chez ces personnes-là, on estime que le taux de létalité de 15 à 30%, d'autant que le seul traitement disponible est un antiviral qui était auparavant utilisé pour le traitement de l'hépatite - la Ribavirine - et qui est donné systématiquement, mais dont l'efficacité est relativement modérée, voire nulle. 

Quels sont les symptômes de la maladie ?

Le problème de Lassa, mais qui touche toutes les fièvres hémorragiques, c'est qu'elle va évoluer en deux phases chez ceux qui présentent des signes cliniques. La première entraîne des symptômes peu spécifiques proches d'un syndrome pseudo-grippal avec des céphalées, une fatigue, une perte d'appétit et des maux de tête, des douleurs abdominales ou encore des vomissements et des diarrhées. Les malades qui présentent ces symptômes, notamment dans les pays africains, ne pensent souvent pas à la fièvre de Lassa, mais vont associer toute cela avec des maladies beaucoup plus fréquentes comme le paludisme.

Ce n'est que quand l'état du patient s'aggrave qu'il va réellement consulter et que commence la deuxième phase avec des signes plus évocateurs qui vont se manifester, et notamment des saignements de nez, de gencives, du sang dans la conjonctive ou encore des saignements digestifs, oraux… Après, il faut garder en tête que Lassa n'est pas une maladie qui induit des hémorragies aussi sévères qu'Ebola ou la fièvre de Crimée-Congo. Mais on a le même syndrome et lors des formes très graves qui conduisent au décès, le patient va mourir dans le même contexte avec une défaillance de tous ses organes. 

Comment se transmet cette fièvre hémorragique ? 

C'est ce qu'on appelle une zoonose, c'est-à-dire que le virus se transmet de l'animal vers l'homme. Dans le cas de Lassa, il est présent chez un rongeur qui s'appelle "Mastomys natalensis". C'est un petit rongeur qu'on retrouve dans toute l'Afrique subsaharienne et pas uniquement dans la zone où circule la fièvre Lassa. Ce qu'il se passe, c'est que le rongeur permet le maintien du virus dans la nature, il se propage à l'intérieur des populations sans les rendre malades, c'est que ce qui permet de maintenant le virus dans la nature avec des animaux qui vont être virémiques (charge virale dans le sang pour un virus donné, ndlr) ou excréter le virus, ce qui permettra de contaminer d'autres rongeurs. 

Le franchissement d'espèce se passe entre le rongeur de l'homme quand ce dernier rentre en contact étroit avec l'animal. Cela peut être via les déjections du rongeur qui, desséchées, peuvent être inhalées via des particules de poussières en suspension ou lorsque les personnes chassent le rongeur pour le manger, ils peuvent alors être en contact avec le tissu, et donc les fluides biologiques du rongeur infecté et être contaminés. Enfin, il peut y avoir une transmission interhumaine, mais elle reste assez faible et ne peut se faire que via des contacts physiques très étroits, via des vomissements, des saignements ou la diarrhée. Un simple contact avec la peau d'un malade ne va pas être contaminant. 


A.B.

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