Locations de vacances : un propriétaire a-t-il réellement le droit de placer une caméra dans le logement ?

par Maëlane LOAËC | Reportage TF1 Sophie Chevallereau, Aurélie Erhel et Stéphane Deperrois
Publié le 24 juillet 2023 à 18h04

Source : JT 20h WE

Dans les locations de vacances, de nombreux propriétaires installent des caméras à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur du logement.
Une pratique autorisée, mais sous certaines conditions très strictes, pour éviter de mauvaises surprises aux locataires.
Tour d'horizon des obligations qui incombent aux propriétaires s'ils veulent installer un dispositif de surveillance.

La caméra est installée contre la façade, juste au-dessus de la porte d'entrée. Christophe, Jeanne-Marthe et leurs enfants ont ainsi été filmés dès leur arrivée dans leur maison de location de vacances au Cailar, dans le Gard. Un dispositif de surveillance destiné à éviter les mauvaises surprises, justifie le propriétaire. "On a l'image en instantané sur le téléphone, on peut voir ce qu'il se passe en direct", explique Guillaume Rivière, dans le reportage du 20H de TF1, en tête d'article. 

"Les gens respectent beaucoup plus le règlement : j'ai une capacité de six personnes, donc cela ne doit pas dépasser. Quand j'ai commencé à louer il y a quelques années, on comptait parfois plus de dix, voire vingt personnes", poursuit le propriétaire des gîtes du Mas du grand Bourry. "Maintenant, tout cela s'est calmé, c'est beaucoup mieux." Les locataires, eux, étaient informés de la présence d'une caméra dans leur location. Ils n'y voient aucun inconvénient, au contraire : "Lors d'un déplacement, d'une sortie ou une balade, c'est quand même rassurant de savoir qu'il y a une caméra à l'entrée", souligne Jeanne-Marthe. 

En revanche, il est impossible pour eux d'imaginer être filmés à l'intérieur du logement. "Cela laisse l'impression de passer les vacances avec les propriétaires", constate Christophe, sans compter le risque d'être surpris en train de sortir de la salle de bains "en soutien-gorge ou en serviette, ça peut être dérangeant", renchérit sa compagne.

Une pratique interdite sans le consentement du locataire

Larissa a vécu encore pire : la jeune femme, qui témoigne aussi dans le reportage, affirme avoir découvert par hasard dans sa location de vacances un objectif pointé sur elle dans la salle de bain, alors qu'elle se douchait, dissimulé dans une horloge numérique, ainsi qu'une deuxième caméra cachée dans une multiprise orientée vers le lit de la chambre. Dans une carte mémoire, elle découvre des images d'elle nue. "Je suis restée bloquée pendant des heures. Je me suis dit : il a vu ça ? Alors que je ne l'ai jamais autorisé", lâche-t-elle, encore traumatisée, un témoignage à retrouver plus en longueur dans la vidéo ci-dessous. Ce type de pratique est strictement interdit par la loi. 

TÉMOIGNAGE - Filmée par une caméra cachée dans sa location Airbnb : "Je me suis sentie salie"Source : TF1 Info

Si jamais un propriétaire souhaite poser une caméra dans sa location, qu'elle soit saisonnière ou non, il doit se conformer à plusieurs règles, à commencer dans le droit français par l'article 9 du code civil, qui pose ainsi le principe du respect de la vie privée. "L’installation de dispositifs de surveillance est autorisé uniquement pour des raisons de sécurité des biens et des personnes et à condition que l’enregistrement ne concerne que les espaces communs (sortie de garage, pallier d’immeuble, parking) et que les personnes filmées aient été clairement prévenues de la présente de l’existence de ce dispositif", explique à TF1info Me Xavier Demeuzoy, avocat au barreau de Paris et expert en droit de la copropriété et des locations saisonnières de type Airbnb. En revanche, "tout dispositif caché ou dissimulé" est interdit, ajoute-t-il. 

La règle d'or pour un propriétaire qui tient à son système de surveillance est donc d'en informer le locataire. Dans le cadre d'une annonce postée sur une plateforme de location, la présence de caméras doit donc être clairement stipulée dans l'offre. Il doit aussi bénéficier d'un "droit d’accès aux enregistrements", insiste par ailleurs l'avocat. Un locataire qui choisirait le logement en toute connaissance de cause donnerait donc de fait son consentement. "Le respect de la vie privée prévaut, mais à partir du moment où le locataire accepte d’être filmé des moyens de vidéosurveillance, cette possibilité existe", résume également Me Avner Doukhan, avocat à Paris et spécialiste en droit immobilier.

Quant à la position de la caméra, la disposer dans des espaces privatifs est strictement interdit, mais cela peut toutefois être possible dans certaines pièces, tant que les locataires y consentent. Les sites peuvent stipuler à ce sujet des conditions spécifiques, comme Airbnb et Abritel par exemple, qui précisent que les dispositifs de surveillance, même connus des vacanciers, ne sont pas autorisés dans les salles de bain, chambres et dans toutes pièces avec un couchage. 

Des peines jusqu'à deux ans de prison et 60.000 euros d'amende

Si vous découvrez malgré tout une caméra dissimulée, il faut le signaler rapidement à la plateforme de location, "afin que des mesures puissent être adoptées contre le propriétaire ou le loueur, dont le logement est le plus souvent retiré de la location", souligne Me Xavier Demeuzoy. Dans le cas de Larissa, Airbnb, qui hébergeait l'annonce du logement, a assuré à TF1 avoir "immédiatement suspendu le compte de l'hôte en question" et avoir remboursé le montant versé par la locataire.

Il est aussi recommandé de porter plainte contre le propriétaire, qui encourt plusieurs sanctions en fonction de la gravité du délit. Il risque jusqu'à un an de prison et 45.000 euros d'amende pour atteinte à la vie privée, des peines pouvant être alourdies à deux ans de prison et 60.000 euros d'amende si les images volées présentent un caractère sexuel. "Un propriétaire est également soumis à un 'obligation de jouissance paisible', ce qui signifie qu'il doit garantir au locataire un séjour tranquille et sans problème dans le logement", ajoute Me Avner Doukhan. "On peut donc aussi attaquer le loueur en civil à ce titre, devant le tribunal compétent." Mais si ces garde-fous judiciaires existent, "il va falloir se constituer des preuves, en prenant en photo les caméras et en justifiant qu'elles filment à son insu", poursuit l'avocat. "Et cela prend du temps." 

D'autant que dans certains cas, une fois ces images intimes volées, les propriétaires ne les gardent pas pour eux. "Les victimes vont parfois se retrouver en grande détresse, parce qu'il arrive que ces images soient diffusées sur Internet, par exemple sur des sites pornographiques", explique dans la vidéo Me Rachel-Flore Pardo, avocate au Barreau de Paris et co-fondatrice de l'association "Stop Fisha" engagée contre les violences sexistes et sexuelles en ligne. "Et une fois que des images sont diffusées sur un site, elles sont reproduites sur d'autres, et c'est très compliqué pour les victimes d'obtenir leur suppression." Pour éviter ces scénarios du pire, il est donc conseillé d'inspecter les pièces de la location dès l'entrée dans le logement, en particulier les parties privatives, pour s'assurer qu'aucune caméra n'a été dissimulée. 


Maëlane LOAËC | Reportage TF1 Sophie Chevallereau, Aurélie Erhel et Stéphane Deperrois

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