"Les Trois Mousquetaires" de retour au ciné : "Alexandre Dumas, c'était un visionnaire"

Publié le 5 avril 2023 à 13h39, mis à jour le 5 avril 2023 à 17h36

Source : JT 13h WE

En salles ce mercredi, "Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan" est le premier volet d'un ambitieux diptyque.
Porté par un casting all-stars, le résultat est à la hauteur, revisitant avec humour et respect l'oeuvre de Dumas.
TF1info est allé à la rencontre de Martin Bourboulon, le réalisateur de l'un des plus gros budgets de l'année.

Alexandre Dumas serait-il le parrain du blockbuster à la française ? Après une multitude d’adaptations au siècle dernier, chez nous comme à Hollywood, ses personnages fétiches sont de retour ce mercredi en salles avec Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan, la première partie d’un dytique à 60 millions d'euros dont la suite, Milady, sortira le 13 décembre.

Sous l’impulsion de Pathé et du producteur Dimitri Rassam, le réalisateur Martin Bourboulon s’est associé aux scénaristes Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte pour revisiter les aventures de D’Artagnan (François Civil), un jeune homme pauvre qui se rend à Paris pour rejoindre la compagnie chargée de la protection du roi Louis XIII (Louis Garrel) et de la reine Anne d’Autriche (Vicky Krieps).

Un résultat à la hauteur des attentes

Après avoir réchappé à des bandits de grand chemin qui l’ont enterré vivant, il offusque sans le savoir ses futurs compagnons d’armes qui le demandent tour à tout en duel : le tourmenté Athos (Vincent Cassel), le dandy Aramis (Romain Duris) et l’épicurien Porthos (Pio Marmaï). Très vite, ils vont devoir faire équipe pour sauver la couronne des manigances de Richelieu (Eric Ruf) et de la mystérieuse Milady (Eva Green).

Action, romance, humour… Le résultat est à la hauteur des attentes grâce à l’enthousiasme des comédiens, une mise en scène généreuse  et une intrigue qui avance à un rythme d’enfer, sans rien céder à la qualité de la reconstitution historique. C’est un Martin Bourboulon un peu fatigué mais très heureux qui a raconté à TF1info les coulisses de ce projet pas tout à fait comme les autres… 

François Civil incarne un D'Artagnan candide et prêt à l'action.
François Civil incarne un D'Artagnan candide et prêt à l'action. - Pathé

Vous avez conçu cette nouvelle adaptation sous la forme de deux films, tournés à la suite, ce qui se fait souvent à Hollywood, mais presque jamais en France. Qu’est-ce qui vous est passé par la tête ? 

Déjà je ne suis pas tout seul à l’avoir eu en tête, ce projet ! (Sourire). Cette adaptation est née sous l’impulsion de Pathé et du producteur Dimitri Rassam, mais aussi des co-auteurs du scénario Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte… On a tous eu envie de s'emparer des œuvres du patrimoine français, de réinvestir le cinéma d’aventure et en particulier le film de capes et d’épées, un peu délaissé ces dernières années, pour y amener un nouveau regard, un aspect visuel plus contemporain aussi. Quant à la fabrication en deux films, elle a été pensée dès le début, avec la volonté de penser au public. Pour lui proposer quelque chose de spectaculaire sous forme de rendez-vous. C’est ça notre motivation principale.

Au moment où les salles sont confrontées à la concurrence des plateformes, elles doivent rester un endroit où on propose ce genre de rendez-vous
Martin Bourboulon

En général on tourne une suite quand le premier a marché. Là c’est un vrai pari, à la fois artistique et économique, non ? 

Oui mais c’est bien les paris ! Dans la vie et en particulier au cinéma. Et ils ont du sens lorsque la démarche est extrêmement sincère. Sur ce projet, on ne réagit pas à un éventuel succès. On considère que s’attaquer à Dumas, de la manière qu’on souhaitait, c’était faire deux films en même temps pour réussir l'œuvre la plus dense possible. Et essayer de proposer encore une fois une forme de rendez-vous aux spectateurs, comme peuvent le faire les séries. Mais en considérant que la salle de cinéma n’est pas moins légitime qu’un écran de télé ou un iPad pour offrir ce type d’expérience.

Qu’est-ce qui fait d’Alexandre Dumas un auteur "cool" pour le public d’aujourd’hui ? 

L’essence même de son écriture, lorsqu’il travaille au XIXe siècle sur Les Trois Mousquetaires, c’est le récit sous forme de feuilleton. C’est une œuvre avec des événements qui s’enchaînent, des fins qui renvoient à l’épisode suivant. Au fond il a été extrêmement visionnaire en anticipant la période qu’on est en train de vivre avec la mode des séries, des personnages qu’on retrouve non seulement d’un épisode à un autre mais d’une saison à une autre. C’est d’ailleurs pour ça qu’on a souhaité faire ces deux films en même temps. Au moment où les salles de cinéma sont confrontées à la concurrence des plateformes, elles doivent rester un endroit où on propose ce genre de rendez-vous aux spectateurs.

Une approche moderne par petites touches

Comment avez-vous pensé le casting des personnages ? J’ai l’impression que chaque comédien a été utilisé dans son registre de prédilection, notamment les mousquetaires...

Exactement ! Et c’est quelque chose qu’ils ont dû ressentir lorsqu’on leur a proposé les rôles d’ailleurs. Parce qu’en réalité on n’a pas eu à faire de casting, ni à choisir parmi une liste. On a tout de suite eu ces noms-là en tête parce qu’on sentait que chacun correspondait dans sa personnalité aux personnages de Dumas. J’ajoute que voir un groupe se constituer avec des acteurs qui répondent présents à un projet d’envergure, ça motive et ça donne de la force pour aborder le défi. 

Personne ne "joue" la comédie en réalité. Il n’y a pas vraiment de contre-emploi…

Non, il n’y a pas de contre-emploi. Même si c’est toujours intéressant. Je dirais plutôt qu’il y a des compositions comme ce que fait Eva Green avec Milady. Louis Garrel aussi en fabriquant une espèce de roi à mi-chemin entre différentes couleurs. Il y a Vicky Krieps aussi dont j’adorais le travail. Et c’est génial de les voir tout à coup, comme par magie, se présenter sur le tournage. Pour un metteur en scène, c'est une chance inouïe.

Dumas fusionnait des choses, il inventait des événements. Il y avait des incohérences et des anachronismes
Martin Bourboulon

La modernité de cette adaptation, elle se trouve aussi dans la bisexualité de Porthos, un aspect qui n’existe pas dans l’œuvre Dumas, non ? 

Ce sont des petites choses, des idées qu’on glisse au fil du scénario. Dans le cas de Porthos, c’est un épicurien, un homme qui aime tout, un homme qui aime vivre. Pio Marmaï raconte ça aussi je trouve. On se disait que ce mousquetaire, c’est un homme qui a faim lorsqu’il sort de table. Lui rajouter un goût pour la fête, pour la conquête, nous paraissait amusant. Et puis dans ce genre de film où il y a beaucoup de personnages, il faut trouver quelque chose pour "caractériser" les uns et les autres de la manière la plus pertinente possible.

Vous n’avez pas peur que les historiens et les experts de Dumas vous tombent dessus en vous accusant d’avoir fait Les Mousquetaires "woke" ? 

Non, parce que Dumas lui-même ne respectait pas l’histoire du XVIIe siècle à la lettre. Il fusionnait des choses, il inventait des événements. Il y avait des incohérences et des anachronismes. Je ne pense pas qu’on puisse nous le reprocher. Lorsqu’on se lance dans une adaptation, on a le droit de le faire librement, en abordant les sujets qui nous intéressent. On a pris beaucoup de choses dans l’œuvre de Dumas, on y a greffé des éléments qui n’existaient pas comme la tentative d’attentat contre le roi, du moins à ce moment-là. Libre à chacun de voir les choses comme il l’entend. Nous, ça ne nous a pas empêché d’avancer.

Et puis adapter c’est trahir, n’est-ce pas ? 

C’est ce que disait Dumas : "Si j'ai violé l'Histoire, je lui ai fait de beaux enfants" !

Le deuxième volet est-il déjà terminé ? Pourrait-il être retouché en fonction de l’accueil du premier ? Par exemple en renforçant un personnage que le public adorerait ?

On ne s’est pas posé la question même si rien n’est impossible. Mais ce sont deux films écrits et conçus à part entière. On a essayé de se tenir à un planning de travail cohérent et on n’a pas le luxe d’avoir une matière disponible. Le tournage a duré huit mois et tout ce qui a été tourné est à l’image. On n’a pas une petite boite bonus dans laquelle on pourrait puiser au cas où !

Les producteurs vont-ils proposé d’enchaîner sur l’adaptation du Comte de Monte-Cristo avec Pierre Niney ? Ou bien avez-vous dit "Stop ! je suis épuisé" ?

Non, non la question ne s’est pas posée. Le Comte de Monte-Cristo, ce sera Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte qui vont réaliser. C’est une œuvre qui viendra se mettre dans la roue du travail qu’on vient de faire ensemble sur Les Trois Mousquetaires. Étant proches d’eux, je participe à des discussions. Mais c’est vraiment leur film.

>> Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan de Martin Bourboulon avec François Civil, Vincent Cassel, Eva Green. 2h01. En salles


Jérôme VERMELIN

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