Reproduite sur l'affiche de la Semaine sainte de Séville, une représentation du Christ est jugée trop suggestive par les conservateurs espagnols.De son côté, la gauche au pouvoir dénonce des attaques à caractère "homophobe" et "haineux".Pour son auteur, l'artiste Salustiano Garcia, il faut "être malade" pour voir de la sexualité dans cette œuvre.
Ce Christ serait-il trop "hot" pour l’Espagne ? Réalisée par l’artiste sévillan Salustiano Garcia pour illustrer l’affiche de la Semaine sainte de la ville, une représentation de Jésus provoque de vives discussions dans tout le pays. Sur ce tableau dévoilé samedi dernier, le fils de Dieu apparaît torse nu, couvert d’un linceul blanc qui dissimule son sexe mais laisse apparaître ses hanches.
Dans un communiqué, les responsables de la manifestation expliquent que ce tableau représente "la partie lumineuse de la Semaine sainte" dans le "style propre à ce peintre prestigieux". Mais pour l'Institut de politique sociale, une association ultra-conservatrice qui exige son retrait, ce Christ "efféminé" et "maniéré" est "une véritable honte et une aberration".
CARTEL DE LA SEMANA SANTA DE SEVILLA 2024 #SSantaSevilla24 pic.twitter.com/310PG5Hyfo — Pasión de Sevilla 🕯️ (@PasionDSevilla) January 27, 2024
En Espagne, ces critiques ont été relayées par le responsable du parti d'extrême droite Vox à Séville, Javier Navarro, qui a jugé sur X "cette affiche provocante". Une pétition a par ailleurs été lancée sur le site Change.org. Appelant à défendre la "tradition" et la "ferveur religieuse" de Séville, elle avait été signée par près de 10.000 personnes ce lundi.
De leur côté, les socialistes au pouvoir ont pris la défense de l'affiche, dénonçant le caractère "homophobe et haineux" des attaques, selon les termes de leur responsable en Andalousie, Juan Espadas, qui a tenu à défendre l'alliance de "tradition et de modernité" caractéristique de cette région, ex-bastion de la gauche.
Les personnes qui ont dit du mal de mon travail ont besoin d'un peu de culture artistique
Salustiano Garcia
Mais qu’en dit l’auteur de l’œuvre en question ? "Pour voir de la sexualité dans mon Christ, il faut être malade", a déclaré Salustiano Garcia auprès du quotidien conservateur ABC. "Les personnes qui ont dit du mal de mon travail ont besoin d'un peu de culture artistique", s’est moqué l’intéressé, rappelant que Jésus était régulièrement représenté dénudé dans l'art classique.
Si les attaques des conservateurs le font sourire, c’est aussi en raison de l’identité de son modèle puisque cet artiste de 52 ans, exposé dans les galeries du monde entier, s’est inspiré… de son propre fils. "Nous avons tous les deux ri en découvrant cette polémique et nous sommes très surpris de la politisation du tableau", a-t-il confié.
Cette polémique peut surprendre, dans un pays qui a dépénalisé l'homosexualité en 1978, soit trois ans après la mort du dictateur Franco. L'Espagne est devenue depuis lors l'une des nations européennes les plus ouvertes vis-à-vis de la communauté LGBT+, autorisant dès 2005 le mariage homosexuel et l'adoption pour les couples de même sexe.
Reste qu'une vague conservatrice a surgi ces dernières années avec l'émergence du parti d'extrême droite Vox. Après avoir doublé le nombre de ses représentants au Parlement en 2019, il a toutefois essuyé un revers électoral lors des élections générales de 2023, échouant à faire tomber le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez.