Rammstein : qui est vraiment Till Lindemann, le sulfureux chanteur du groupe allemand ?

Publié le 9 juin 2023 à 21h48, mis à jour le 3 novembre 2023 à 17h34

Source : Sujet TF1 Info

Le chanteur Till Lindemann est accusé d'agressions sexuelles par une dizaine de jeunes femmes, dans le cadre des concerts du groupe Rammstein.
Après la parution de plusieurs enquêtes dans la presse allemande, il vient de nier les faits par l'intermédiaire de ses avocats.
L'occasion pour TF1info de revenir sur le parcours étonnant de ce musicien excentrique, des bassins de natation aux plus grandes scènes du monde.

C’est après une folle semaine où son visage est apparu à la une de tous les médias allemands que Till Lindemann a démenti jeudi, via ses avocats, les accusations d’agressions sexuelles d’une dizaine de jeunes femmes à son encontre. Fans de son groupe, Rammstein, elles affirment toutes avoir été victimes d’un système de prédation mis en place avec l’aide d’une directrice de casting russe, en amont des concerts de la formation.

Depuis sa naissance au milieu des années 1990, cette formation qui vend des millions d’albums est habituée aux polémiques. Mais jusqu’ici, elles visaient davantage leur musique et leur univers visuel extrême. Aussi fantasque sur scène qu’il est discret dans sa vie privée, son chanteur n’avait jamais été mis ainsi sous le feu des projecteurs. Son parcours atypique en fait pourtant l’une des stars les plus singulières de l’histoire du rock.

Une carrière sportive manquée

Comme ses camarades de Rammstein, Till Lindemann est un enfant de l’ex-Allemagne de l’Est, né à Leipzig d’un père écrivain et d’une mère journaliste qui auront également une fille, de six ans sa cadette. Enfant, le futur chanteur s'initie à la natation dans le club de la ville de Rostock, où il est scolarisé, lorsque ses parents se séparent l’année de ses 12 ans. Son père tente de l’élever seul mais son alcoolisme détruit ses relations avec l’adolescent.

En 1978, Till Lindemann participe aux championnats européens junior de natation à Florence. Après avoir décroché la 7ᵉ place sur 400 mètres, il fait partie des candidats aux Jeux Olympiques de Moscou. La légende dira longtemps qu’il a été contraint d’abandonner à cause d’une blessure à l’abdomen. Mais dans un entretien accordé en 2006 à Playboy, il livre une version plus croustillante.

En 1994, les musiciens de Rammstein posent torse nu pour la promo de l'album "Herzeleid".
En 1994, les musiciens de Rammstein posent torse nu pour la promo de l'album "Herzeleid". - Motor Music Records

"À Florence, j’ai quitté l’hôtel. Pas pour m’enfuir, mais juste parce que je voulais faire un tour en ville. Voire les voitures, les motos, les filles. On m’a rattrapé et je me suis fait virer de l’équipe", rectifie-t-il. "Et puis aussi parce que je n’avais pas les résultats suffisants". Sans regret ?

"J’ai toujours tremblé trois jours avant la compétition", explique-t-il trois ans plus tard à Bild. "À l’époque, tout me stressait : cette focalisation stricte, cette attente infinie jusqu’à ce que l’on soit enfin sur la ligne de départ, puis le soulagement lorsque le signal arrive. Un concert, en comparaison, c’est un jeu d’enfant."

Un professionnel de pyrotechnie

Till Lindemann ne va pas tout de suite se tourner vers la musique, contraint d'enchaîner les jobs alimentaires pour survivre. D’après plusieurs biographies en ligne, il aurait décroché son premier contrat de travail dans une entreprise d’extraction de tourbe avant d’en être licencié trois jours plus tard après avoir provoqué un incendie. Info ou intox ?

L'anecdote est savoureuse puisque des années plus tard, il décrochera un diplôme de pyrotechnie qui lui servira à concevoir les shows apocalyptiques Rammstein, comme lorsque son manteau prend feu sur "Mein Hertz Brennt" (Mon cœur brûle), le tube qui ouvre Mutter, l'album qui les fera exploser sur la scène internationale en 2001.

Durant les performance de la chanson "Mein Herz Brennt", Till Lindemann se produit avec un manteau qui s'enflamme.
Durant les performance de la chanson "Mein Herz Brennt", Till Lindemann se produit avec un manteau qui s'enflamme. - AFP

C’est derrière une batterie que Till Lindemann fait ses premiers pas dans la musique. En 1986, il joue au sein du groupe First Arch, qui comprend les deux futurs guitaristes de Rammstein, Paul Landers et Richard Z. Kruspe. C’est ce dernier qui va le convaincre de passer derrière le micro en 1993, alors qu’il travaille sur un nouveau projet avec le bassiste Olivier Riedel et le batteur Christopher Schneider.

Rejoints par Paul Landers et Christian "Flake" Lorentz aux synthés, ils donnent naissance à Rammstein. Un patronyme qui est aussi le titre d’une chanson consacrée à la catastrophe aérienne survenue six ans plus tôt sur la base américaine de Ramstein, faisant 70 morts et 346 blessés. C’est par inadvertance que les musiciens ont doublé le "m". Leur carrière commençant déjà à décoller, ils préfèrent ne pas rectifier l'erreur.

Une rapide ascension mondiale

Après avoir remporté un concours organisé par le Sénat allemand, Rammstein joue son premier concert le 14 avril 1994, à Leipzig, la ville de naissance de Till Lindemann. Vite répérés par le manager Emmanuel Fialik, qui devient le septième membre non-officiel du groupe, ils enregistrent l’album Herzeleild, dont deux morceaux figurent sur la B.O. du tortueux Lost Highway de David Lynch.

Musicalement, Rammstein officie dans le registre du metal industriel, popularisé par des formations anglo-saxonnes comme Ministry, Godflesh et autres Nine Inch Nails. À la différence de leurs compatriotes de KFMDM, Till Lindemann & co, se distinguent par leur goût de la mise en scène et de la provocation. Et leur décision de privilégier la langue de Goethe, malgré les pressions du marché international. C'est l'une des clés d’un succès unique en son genre puisqu’avec 35 millions d’exemplaires écoulés, il s’agit du groupe germanophone le plus lucratif de l’Histoire de la musique.

Des mises en scène toujours plus chocs

Au sein de grand théâtre qui marie imagerie morbide, humour noir et métaphores scabreuses, Till Lindemann officie tel un Monsieur Loyal inquiétant, physique de colosse et timbre guttural. Rammstein filtre avec le mauvais goût ? Son public adore. On pense notamment à l'explicite "Mein Teil" ("Ma partie" ou "mon membre" - ndlr), inspirée par les méfaits du cannibale de Rottenbourg. Sur scène, cette chanson sert de prétexte à une mise en scène hallucinante au cours de laquelle le chanteur passe Flake Lorentz au chalumeau... avant de le faire bouillir dans une marmite.

Chez Rammstein, les métaphores se font aussi politiques. Dans le clip de l’épique "Deutschland", extrait de l’album éponyme de 2019, les musiciens se déguisent en prisonniers d’un camp de concentration, avant de se venger de leurs tortionnaires nazis, une mise en scène à la Tarantino dénoncée par les organisations juives, qui accusèrent le groupe de détourner la souffrance de millions d’individus à des fins de divertissement… 

Côté privé, les membres de Rammstein se font plutôt discrets, adeptes du vivons heureux, vivons cachés. Forts d’un pacte passé au début de leur carrière, ils partagent l’intégralité des crédits et des gains du groupe via une société commerciale qui leur aurait rapporté 500 millions d’euros à ce jour, expliquait cette semaine le quotidien Bild. Tous pères de famille, ils semblent a priori loin des frasques qu’on prête aujourd’hui à leur chanteur.

À 60 ans, Till Lindemann est le plus âgé des six. Et de son propre aveu celui qui a poussé le plus loin le bouchon du triptyque sexe, drogue et rock n’roll. Marié à quatre reprises, il a un fils aîné de 38 ans et une fille de 30 ans. "Je n’ai jamais aimé me sentir attaché", confiait-il à Playboy. "C’est pourquoi je suis toujours celui qui décide de s’en aller. La seule chose positive, c’est qu’à chaque fois, je me suis servi de la douleur pour donner un élan à ma créativité."

En parallèle de Rammstein, son leader a enregistré deux albums avec un projet solo sobrement baptisé Lindemann. Il est également l’auteur de trois recueils de poésie dont Nuits Silencieuses, paru en France en 2021 chez L’Iconoclaste. Des textes où la sexe et la mort se mêlent parfois de manière dérangeante. Trop ? La semaine dernière, son éditeur allemand a décidé de mettre fin à leur collaboration, l’un des ouvrages du chanteur figurant dans une vidéo porno qui circule sur Internet.


Jérôme VERMELIN

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