"La clim' de la planète" pourrait faire son retour : on vous explique le phénomène La Niña

Publié le 2 mai 2024 à 18h25

Source : JT 20h Semaine

Alors que le phénomène El Niño touche à sa fin, sa petite sœur devrait faire son retour cette année.
Selon les prévisions de l'Agence océanographique américaine et de l'Organisation météorologique mondiale, La Niña pourrait se développer entre juin et août prochains.
Avec des conséquences plus ou moins positives.

La petite sœur de "l'enfant terrible du climat" devrait être de retour. Selon les prévisions de l'Agence océanographique américaine, la NOAA, publiées le 29 avril dernier, La Niña a 60% de chances de se développer entre juin et juillet prochains et 90% de chances d'ici cet automne. Ce phénomène océanographique est le pendant d'El Niño, apparu en fin de printemps 2023 et associé à une hausse globale des températures mondiales. À l'inverse, La Niña est réputée pour entraîner le mercure à la baisse. Si son arrivée peut représenter une bonne nouvelle dans le contexte du changement climatique, après une année 2023 record, le phénomène peut également engendrer une hausse des ouragans dans les Caraïbes et des conditions plus sèches au Moyen-Orient. Explications.

C'est quoi "La Niña" ?

La Niña est un phénomène océanographique souvent associé à une baisse des températures à travers le globe. Il survient lorsque "les alizés de sud-est sont bien établis sur la face nord de l'anticyclone de l'île de Pâques (l'équivalent de l'anticyclone des Açores dans l'Atlantique nord)", précise Météo-France. En soufflant d'est en ouest, ces vents réguliers entraînent les eaux chaudes de surface, provoquant une montée des eaux profondes – et donc plus froides – à l'est du Pacifique, le long du Pérou. 

Certaines années, ces caractéristiques sont particulièrement marquées, on parle alors d'un événement La Niña. "Un La Niña correspond à un renforcement de ces conditions, les alizés sont plus forts que d'habitude, l'upwelling (remontée d'eau vers la surface, ndlr) est plus fort et les eaux dans le centre du bassin sont un peu plus froides que d'habitude", détaille à TF1info Jérôme Vialard, spécialiste de l’océanographie et directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Cet événement peut durer plusieurs années, contrairement à un El Niño, qui ne dure généralement qu'un an. Ainsi, le dernier La Niña enregistré a eu une durée exceptionnelle de trois ans, entre 2020 et 2023. 

Graphique de l'Agence océanographique américaine, la NOAA, sur les probabilités d'arrivée de La Niña cette année
Graphique de l'Agence océanographique américaine, la NOAA, sur les probabilités d'arrivée de La Niña cette année - NOAA

S'il est déjà possible de prédire son arrivée "très probable", c'est parce que La Niña est plus facile à prévoir que son grand frère et que ses premiers signes sont déjà visibles dans l'océan Pacifique tropical. "On est relativement confiants sur un retour de La Nina", explique Jérôme Vialard. "Si on regarde la surface, en ce moment, dans l'océan Pacifique tropical, il y a une petite tâche froide près des côtes sud-américaines, qui n'est pas encore très claire. Mais si on regarde sous la surface, il y a de l'eau plus froide que d'habitude, quasiment sur tout le pacifique équatorial".

Une zone propice au phénomène d'upwelling – des remontées d'eau froide vers la surface"et donc, la dynamique océanique nous dit que ces anomalies froides vont arriver à la surface dans les semaines qui viennent", signant le début du phénomène La Niña qui devrait s'installer "d'ici la fin de l'été", précise Jérôme Vialard. 

Une bonne nouvelle pour l'Australie... moins pour les Caraïbes

L'arrivée de la Niña pourrait être une bonne nouvelle pour le climat mondial, car il est souvent associé avec une baisse des températures. Toutefois, le phénomène ne touche pas toutes les régions de la même manière. Parmi ses effets positifs : une diminution des typhons dans le Pacifique ou encore des précipitations plus importantes, notamment sur l'Australie. "C'est plutôt une bonne nouvelle, car il y a beaucoup d'élevage dans ce pays, et pour nourrir le bétail, il faut cultiver de bons rendements agricoles et avoir de bonnes conditions de pluies. Donc La Niña est plutôt une bonne nouvelle pour l'Australie," détaille le chercheur de l'IRD. Même situation pour l'Asie du Sud ou dans le nord de l'Amérique du Sud.

À l'inverse, La Niña entraîne moins de précipitations au Pérou ou au Brésil, ainsi qu'au Moyen-Orient et au sud des États-Unis. Elle est généralement synonyme de hausse des ouragans dans l'océan Atlantique, dont la saison s'étend de juin à novembre avec une activité particulièrement intense ente août et octobre, soit la période de montée en puissance de La Niña cette année. "Les cyclones tropicaux n'aiment pas ce qu'on appelle le cisaillement vertical de l'atmosphère. Des vents très différents en surface et en altitude empêchent en effet les cyclones de se développer. Et pendant La Niña, ce cisaillement vertical diminue au-dessus des Caraïbes et on devrait avoir plus de cyclones tropicaux qui vont se développer dans cette région-là", explique Jérôme Vialard.

Ainsi, l'équipe de recherche sur la météo tropicale et le climat de la Colorado State University anticipe 23 tempêtes significatives, dont 12 ouragans et 5 d'une force majeure pour la saison 2024. L'organisme n'avait jamais prévu un tel nombre auparavant, la moyenne se situant autour de 14 tempêtes tropicales, dont sept se transformant en ouragan durant la saison, ces 30 dernières années.

Des températures plus basses avec La Nina ?

L'arrivée de la Niña pourrait également signifier un léger ralentissement dans la hausse des températures liée au changement climatique, alors que l'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée sur la planète. Mais il faudra attendre, car malgré sa fin, "le maximum d'impact d'un El Niño sur les températures mondiales se déroule l'année qui suit, c'est-à-dire à peu près la période actuelle", prévient Jérôme Vialard. "Cette année, et cet été, on aura encore les effets d'El Niño. Donc, on peut s'attendre à enregistrer de nouvelles températures très fortes et il est possible que l'on batte le record de 2023 dès cette année", précise-t-il. "Par contre, on aura probablement un répit en 2025, si effectivement le La Niña qui est en train de pointer son nez se confirme et se développe bien d'ici la fin de l'année". 

Reste que cette "pause" ne sera pas aussi forte que l'impact d'El Niño sur les températures mondiales. Si ce dernier peut se transformer en "super El Niño", comme ce fut le cas en 2015/2016, ce n'est pas le cas de La Niña. "Un El Niño peut entraîner des anomalies de températures dans le Pacifique central allant jusqu'à +3/3,5°C, voir +4°C pour les plus forts. La Niña, on va rarement dépasser les -2°C. Donc il y a une asymétrie assez forte et l'effet 'radiateur' des années El Niño est plus fort que l'effet 'clim' des années La Niña", détaille le chercheur à l'IRD.

Par ailleurs, dans le contexte du changement climatique, La Niña ne peut avoir qu'un effet limité. "Ces phénomènes sont juste des variations naturelles qui viennent se superposer au changement climatique", résume Jérôme Vialard. "Donc un La Niña pourra légèrement compenser la hausse des températures liées au changement climatique, mais ce sera très peu et très temporaire".


Annick BERGER

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