Environnement : l'évolution rapide des plantes pourrait menacer la survie des abeilles et des papillons

Publié le 20 décembre 2023 à 7h00

Source : JT 20h WE

Les fleurs ont modifié leur mode de reproduction, ces dernières années.
C'est le résultat d'une étude publiée mercredi et menée par des chercheurs du CNRS et de l'université de Montpellier.
Une modification qui serait liée au déclin des insectes pollinisateurs, mais qui pourrait, à son tour, menacer l'avenir des abeilles, fourmis et autres papillons.

Les fleurs des années 2020 ne sont plus les mêmes que celles des années 1990. C'est la conclusion d'une étude, publiée mercredi 20 décembre, dans la revue New Phytologist. Menée par des scientifiques du CNRS et de l'université de Montpellier, elle montre que "dans un environnement appauvri en insectes pollinisateurs, les plantes à fleurs qui se développent dans les cultures agricoles, tendent à s'affranchir des pollinisateurs", selon un communiqué du CNRS. 

Selon les données collectées par les scientifiques, les fleurs de pensée des champs poussant actuellement en région parisienne sont ainsi 10% plus petites que celles qui poussaient dans cette même zone dans les années 1990-2000, produisent 20% de moins de nectar et sont moins visitées par les pollinisateurs qu'il y a 30 ans. "Le fait que ce soit uniquement les fleurs des plantes et les traits qui les relient aux pollinisateurs qui aient changé nous laisse penser que c'est le déclin de ces insectes qui a entraîné les modifications", explique à TF1info Samson Acoca-Pidolle, doctorant à l'Université de Montpellier et l'un des auteurs de l'étude.

Un cercle vicieux

"Les plantes produisent moins de nectar, car c'est la récompense du pollinisateur. Et s'il n'y a plus de pollinisateur, il n'y a plus d'intérêt à en produire, ça coûte juste cher à la plante", résume de son côté Pierre-Olivier Cheptou, chercheur au CNRS, qui a participé à l'étude. Et pour continuer à se reproduire en se passant des insectes, les plantes à fleurs ont privilégié l'autofécondation, c'est-à-dire que la plante, à la fois mâle et femelle, se féconde elle-même. Si ce mode de reproduction était déjà présent dans les années 90, son taux dans la reproduction des plantes étudiées est passé d'environ 50% à près de 80%.

Une évolution "rapide" qui peut paraître "étonnante" mais que "l'on observe de plus en plus souvent", pointe Pierre-Olivier Cheptou. Mais ces modifications pourraient, à leur tour, menacer les insectes pollinisateurs. "Dans notre étude, on émet l'hypothèse qu'il y ait une boucle de rétrocontrôle positive, un cercle vicieux, qui se mette en place. Comme il y a des plantes qui produisent moins de nectar, les pollinisateurs ont moins de nourriture, et cela peut représenter une menace pour ces insectes", explique Samson Acoca-Pidolle.

Un risque de plus pour les pollinisateurs, dont les populations sont déjà en forte baisse, pour des insectes pourtant cruciaux pour la biodiversité. Selon l'IPBES, surnommé le "Giec de la biodiversité", l'entomogamie - ou pollinisation par les insectes - concerne 90% des espèces de plantes à fleurs à travers le monde. Au niveau européen, ce sont 84% des espèces végétales cultivées qui dépendent directement de ces petits animaux. "En France, la part de la production végétale destinée à l’alimentation humaine que l’on peut attribuer à l’action des insectes pollinisateurs représente une valeur comprise entre 2,3 milliards et 5,3 milliards d’euros", indique de son côté l'Office français de la biodiversité (OFB).

Des interactions vieilles de plusieurs millions d'années menacées

Si les abeilles sont les pollinisateurs les plus connus, beaucoup d'autres insectes assurent cette fonction, comme les guêpes, les moustiques ou encore les papillons. Mais depuis plusieurs années, leurs populations diminuent, une étude en Allemagne ayant estimé que plus de 75% de la biomasse d'insectes volants a disparu des aires protégées au cours des trente dernières années. Un déclin lié aux activités humaines, et notamment à l'agriculture intensive, à l'utilisation de pesticides, à l'artificialisation des sols et au changement climatique dû à nos émissions de gaz à effet de serre.

Face à ce constat, l'étude publiée par la revue New Phytologist souligne l'importance de mettre en place des mesures pour enrayer le plus rapidement possible la chute des populations de ces insectes et "permettre le maintien des interactions entre plantes et pollinisateurs, vieilles de plusieurs millions d'années". 


Annick BERGER

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