Pleut-il du plastique en Arctique ?

par Cédric STANGHELLINI
Publié le 17 août 2019 à 17h59, mis à jour le 17 août 2019 à 21h54

Source : TF1 Info

À LA LOUPE – Du plastique jusque dans les glaces de l'Arctique ? C'est en tout cas qu'affirment plusieurs études récentes menées au Pôle Nord. Aux Etats-Unis, des particules de plastique ont même été retrouvées dans les eaux de pluie. Après avoir totalement envahi les océans, le plastique a-t-il envahi le ciel ?

Du plastique retrouvé dans les terres les plus reculées de la planète ? C'est ce que révèlent les résultats de deux études menées au Pôle Nord. Des micro-plastiques, disent-elles, ont été retrouvés dans cette région considérée comme l'un des derniers environnements immaculés au monde. 

Invisibles à l’œil nu, les microplastiques sont issus de la dégradation des composés plastiques. Plusieurs études et prélèvements ont déjà démontré l'omniprésence de ces particules dans les mers et les océans. Jusqu'à 10% des plastiques fabriqués finiraient leur vie dans les océans chaque année. Des polluants qui sont ingérés par les organismes aquatiques et qui se retrouvent dans la chaîne alimentaire. 

Mais la découverte de microplastiques dans les terres les plus reculées de la planète est une grande première. À La Loupe fait le point sur cette pollution insoupçonnée. 

Comment a été réalisée cette triste découverte ?

Le relevé de microplastiques a été réalisé à bord d'un navire suédois, un brise-glace qui réalise actuellement une expédition scientifique dans les eaux du Pôle Nord. Baptisé Northwest Passage Project, ce voyage a pour but d'évaluer comment le réchauffement climatique affecte la biochimie et les écosystèmes de l’archipel arctique canadien. C'est dans ce cadre que les experts présents à bord ont décidé de prélever une carotte de glace provenant d'un morceau de banquise dérivant dans l'océan Arctique depuis le Groenland.  

Contacté par l'AFP, Alessandra d’Angelo, scientifique partie prenante de l'expédition, se dit très choquée par la quantité de plastiques retrouvés. "Il y en a tellement et de toutes sortes, des billes, des filaments, du nylon."  

Quelques jours auparavant, une étude menée par des chercheurs Suisses et Allemands avaient déjà démontré la présence de microplastiques dans les terres les plus reculées de l'Arctique. Les relevés ont été effectués sur l'archipel de Svalbard, ensemble d'îles appartenant à la Norvège et situées bien au Nord du cercle polaire Arctique. Parmi les éléments retrouvés, des particules de plastique divers, des fragments de pneus en caoutchouc, de vernis, de peinture et éventuellement de fibres synthétiques.

Mais une question se pose : comment tout ce plastique a-t-il pu arriver jusqu'ici ? 

Comment ce plastique est-il arrivé ici ?

Pourquoi retrouve-t-on autant de particules de plastiques sur un morceau de glace au beau milieu de l'océan Arctique, une zone supposée vierge de toute pollution humaine ? Les scientifiques qui ont analysé l'échantillon tournent les yeux vers le ciel. Oui, les microplastiques sont transportés par les vents et retombent au sol avec la pluie et la neige. 

Une situation qu'avait déjà mis en avant une étude franco-britannique publiée en mai 2019 dans la prestigieuse revue scientifique Science. Les scientifiques ont souhaité vérifier si un lieu isolé de toutes activités anthropiques pouvait être contaminé, lui aussi, par les microplastiques. Pour cela, ils ont choisi de mener leur étude dans les Pyrénées françaises, à proximité de la station météorologique de Bernadouze en Ariège. 

Durant cinq mois, des échantillons ont été régulièrement prélevés à trois endroits différents au sein de la zone d'étude. Bilan inquiétant : la présence de microplastiques a été détectée pour l'ensemble des prélèvements. "Une analyse de trajectoire de masse d'air montre le transport de microplastiques dans l'air sur une distance allant jusqu'à 95 kilomètres. Les microplastiques peuvent atteindre et affecter les zones isolées et peu peuplées par le biais du transport atmosphérique", conclut l'étude. 

Ces résultats inquiètent la communauté scientifique car, d'après l'étude, "les régions montagneuses des Pyrénées sont considérées comme une zone de nature sauvage en raison du développement limité, de la difficulté d'accès des hommes et de l'éloignement des populations principales ou des centres industriels." Pis, les concentrations de plastique relevées sont équivalentes à celles qui ont été mesurées dans une ville comme Paris. 

"Il pleut du plastique"

Autre étude inquiétante, celle menée par des scientifiques américains qui ont retrouvé des particules de microplastiques dans l'eau de pluie. L’Institut d'études géologiques des États-Unis et le Département de l'Intérieur des États-Unis, deux agences gouvernementales américaines intervenant dans le domaine de l’environnement, ont publié en 2019 une étude au titre explicite : 'Il pleut du plastique'

Comment ont-ils procédé pour arriver à cette conclusion ? L'eau de pluie a été récupérée aux alentours de la ville de Denver dans l'Etat du Colorado, durant l'été 2017. Ces échantillons ont ensuite été filtrés à plusieurs reprises et observés au microscope. Résultat : les plastiques ont été identifiés sur plus de 90% des filtres. Plus inquiétant, ils ont également retrouvé des microplastiques au sein des prélèvements de pluie réalisés dans le Parc national des Montagnes Rocheuses, sur le site de Loch Vale et situé à plus de 3.000 mètres d'altitude. Cela "suggère que les dépôts de plastiques sont omniprésents, et pas seulement en milieu urbain." 

Reste une grande inconnue : quels sont les effets réels de toutes ces quantités de microplastique dans l'environnement pour les organismes vivants ? Ainsi, les scientifiques américains appellent à compléter leur étude. "Les effets potentiels de ces matières sur le biotope ne sont pas compris. Il est difficile de savoir comment ces matières plastiques s'accumulent et sont assimilées dans l'environnement."  

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Cédric STANGHELLINI

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