REPORTAGE - "Aberrant" : en pleine sécheresse, la construction d'un méga-golf sème la discorde dans les Pyrénées-Orientales

par N.K | Reportage TF1 Antoine Cazabonne, Emma Alonso, Loïc Germin
Publié le 21 mars 2024 à 18h18, mis à jour le 22 mars 2024 à 10h53

Source : JT 20h Semaine

Villeneuve-de-la-Raho, dans les Pyrénées-Orientales, doit accueillir un golf de 160 hectares.
Mais ce projet est très contesté dans la commune, touchée par une grande sécheresse depuis deux ans.
Une équipe de TF1 s'est rendue sur place.

Comment faire le projet immobilier le plus controversé des Pyrénées-Orientales ? Prenez Villeneuve-de-la-Raho, une petite commune touchée par la sécheresse depuis deux ans, et construisez-y un golf de 160 hectares. Les travaux ont déjà commencé sur cet immense terrain vierge. Un golf de 18 trous, un hôtel et 600 logements doivent y voir le jour.

"C'est aberrant, parce que ne serait-ce que pour avoir cet espace 'green', vert, on va consommer l'équivalent de 7 000 habitants, alors que nous, nos 7 000 habitants ont besoin d'eau", fustige Jean Codognès, président de l'association Pays Catalan Écologie, dans le reportage de TF1 en tête de cet article.

4 000 opposants dans la rue

Samedi dernier, 4 000 opposants se sont rassemblés pour dénoncer un projet jugé "insensé", en pleine période de sécheresse. Des militants, mais aussi des agriculteurs, ont fait partie de la mobilisation. C'est le cas de Joan Alies, viticulteur et arboriculteur à Pollestres (Pyrénées-Orientales). Dans son verger, ses figuiers bourgeonnent. Sans eau l'an dernier, il a perdu la moitié de sa récolte. 

"Nous, agriculteurs, on se sert la ceinture et beaucoup plus. Beaucoup d'exploitations sont au bord de la faillite et à côté, on va faire un golf", déplore Joan Alies. Face au mouvement de contestation, les investisseurs promettent de réutiliser les eaux usées pour arroser le golf. La maire (LR) de Villeneuve-de-la-Raho, Jacqueline Irles, a elle aussi assuré, le 16 mars dernier, auprès de France Bleu Roussillon, que "le golf sera arrosé à 100% grâce à l'eau de la station d'épuration, qui sera retraitée"

Deux visions s'affrontent

"On me dit : 'Le golf tombe mal en ce moment, c'est la sécheresse'. Mais jamais il n'est tombé aussi bien ! C'est lui qui va apporter des solutions !" a déclaré l'édile de la commune, citée par l'AFP. Pour elle, en puisant dans les eaux usées, le 18 trous montre "que ça n'est pas dangereux" et ouvre la voie à la réutilisation de cette ressource pour l'agriculture. 

Une tribune de 92 enseignants et employés de l'université de Perpignan, publiée début février dans L'Indépendant, dénonçait déjà un projet "emblématique d'une vision dépassée". Les opposants y voient une injustice flagrante en faveur des privilégiés qui fouleront le "green" et auxquels les restrictions d'eau ne s'appliqueraient pas, comme le dénonçait Jean Codognès auprès de l'AFP. En revanche, certains habitants de Villeneuve-de-la-Raho, eux, y voient une opportunité pour la commune. "Ce sera un plus pour le loisir", affirme un habitant au micro de TF1, tandis qu'une passante confie que "faire des logements, ça apporte des plus, obligatoirement".

Plusieurs recours ont été déposés pour annuler le permis de construire, y compris devant le gouvernement. Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, a annoncé vouloir s'entretenir avec les porteurs du projet, dans une quinzaine de jours. Il a également rencontré jeudi la maire de la commune, à qui il a exprimé son "émotion de voir un projet de ce type (...) à un moment où le stress hydrique réel est présent sur le territoire".  


N.K | Reportage TF1 Antoine Cazabonne, Emma Alonso, Loïc Germin

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