Il y a 50 ans, le 15 janvier 1973, le premier micro-ordinateur de l’histoire était commercialisé en France.Sans clavier ni écran, le Micral N n'avait pas grand-chose en commun avec le PC d'aujourd'hui.Retour sur cette innovation tricolore qui s’est finalement traduite par un échec commercial.
C’était il y a tout juste cinquante ans, le 15 janvier 1973. Bien avant l'Apple II ou Lisa, précurseur du Mac, l'entreprise française Réalisations d'études électroniques (R2E), fondée par les ingénieurs André Truong et François Gernelle, lance le Micral N, le premier ordinateur commercial au monde. Cet ancêtre du PC n'avait pas grand-chose en commun avec ceux qu’on utilise aujourd'hui au quotidien. D'un poids de 8,2 kg, le Micral N n'avait ni clavier ni écran, mais un télétype et un magnétophone. La machine ne disposait que de 51 instructions et embarquait un processeur Intel 8008 de 8 bits avec une fréquence de 0,2 à 0,8 MégaHertz (MHz). À titre de comparaison, les processeurs actuels fonctionnent sur une fréquence comprise entre 1,5 et 4 GigaHertz (GHz). Il n’en demeurait pas moins révolutionnaire pour l’époque.
On rembobine : nous sommes en 1972, lorsqu'une petite entreprise américaine dénommée Intel commercialise le premier micro-processeur, l’Intel 8008. Ce petit morceau de silicium permet à lui seul de remplacer des dizaines de composants. Sentant la révolution à venir, une poignée de visionnaires, dont François Gernelle, alors âgé de 28 ans, entrevoient la possibilité de mettre au point un ordinateur plus compact et moins énergivore destiné à un usage personnel. À cette époque, l'informatique est encore une technologie balbutiante et même le plus petit des ordinateurs a une taille comparable à celle de deux gros frigos positionnés l’un à côté de l’autre. En 1972, l'entreprise R2E dont François Gernelle est salarié, reçoit une commande de l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) pour développer des modèles plus petits.
Le premier prototype est présenté en décembre 1972 et la production est lancée dans les mois qui suivent dans les ateliers d'une société normande du nom de Normerel. Les premiers appareils, achetés par les sociétés de péage d'autoroute, sont livrés dès le 15 janvier 1973. Le Micral N est alors vendu à un prix très bas pour l'informatique de l'époque : 8500 francs, soit un peu plus de 9000 euros aujourd'hui. En juin 1973, le magazine américain Byte invente le mot "microcomputer" pour baptiser l'appareil, dont plus de 90.000 exemplaires sont fabriqués dans différentes versions. Malgré ces débuts encourageants, la belle histoire s'arrête toutefois là et la société ne parvient pas à traduire son avance technologique en un succès industriel.
Dans les années qui suivent, le Micral N devient clairement un échec commercial. En cause, notamment, sa difficulté d'utilisation. "Lorsqu'en 1975 j'ai rencontré Bill Gates, qui était très intéressé par ma petite machine, je n'avais pas encore compris que ce qui mène le monde, c'est le logiciel", confiait l'AFP André Truong, à la fin des années 1990. Pour les historiens de l’informatique, le Micral a néanmoins donné des idées aux Américains. En 1975, l’IBM 5100 dépasse le cadre des entreprises et arrive dans les foyers. Puis, en 1977, né le premier micro-ordinateur conçu par Steve Jobs, l’Apple II, auquel succéderont dix ans plus tard le Lisa, précurseur du Mac, qui propose pour la première fois une interface graphique proche de celle que l'on connaît aujourd'hui avec souris et icônes... pour la modique somme de 10.000 dollars.