Accident de Baltimore : comment un porte-conteneurs a-t-il pu percuter un pont ?

Publié le 26 mars 2024 à 13h08, mis à jour le 26 mars 2024 à 20h33

Source : TF1 Info

L'imposant pont Francis Scott Key de Baltimore, sur la côte est des États-Unis, s'est effondré tôt ce mardi matin après avoir été percuté par un porte-conteneur.
Dans sa chute, il a entraîné des véhicules et plusieurs personnes dans la rivière.
On a demandé à Emmanuel Chalard, officier de la Marine marchande, comment un tel accident peut se produire.

Les images de vidéosurveillance sont spectaculaires. Comme un fétu de paille, le "Francis Scott Key Bridge" de Baltimore, un pont d'une longueur de 2,5 kilomètres, s'est effondré en quelques secondes tôt ce mardi matin après qu'un de ses piliers a été heurté par un porte-conteneur de 300 mètres – l'équivalent de trois terrains de football – battant pavillon de Singapour.

 

Des véhicules et "possiblement un semi-remorque" circulaient sur ce pont à quatre voies, avant qu'il ne se déforme et tombe par morceaux, ont indiqué les pompiers qui sont à la recherche de plusieurs personnes dans la rivière. Pour tenter de comprendre comment un tel accident a pu se produire, on a interrogé Emmanuel Chalard, secrétaire général de la Fédération des Officiers de la Marine Marchande CGT.

"Une avarie de barre ou de propulsion"

Les causes exactes de l'incident restent "à déterminer", a affirmé la compagnie dans un communiqué. Selon vous, que s'est-il passé ?

La source de l'erreur peut être multiple, mais au vu des images, l'hypothèse la plus probable est une avarie de barre ou de propulsion. Ce sont en effet des navires peu manœuvrant et on peut comprendre qu'une avarie de barre pour gouverner le cap ou de propulsion pour battre en arrière seraient fatales à la manœuvre.

Pour autant, tous les navires de marine marchande sont censés subir chaque année des contrôles pour vérifier qu'ils sont en bon état de fonctionnement. De plus, peu importe le pavillon, ils sont tous équipés au minimum d'un radar, d'un GPS et d'un système qu'on appelle l'ECDIS contenant une carte électronique, certifiée par les compagnies et le fabricant, sur laquelle la route est tracée. Ce sont des cartes sur lesquelles il ne peut pas y avoir d'erreur. Et en général un pont est là depuis un petit moment, donc il est forcément sur la carte. 

Le commandant reste le seul responsable de la manœuvre.
Emmanuel Chalard, secrétaire général de la Fédération des Officiers de la Marine Marchande CGT

L'erreur humaine peut donc être possible ?

L'erreur humaine intervient le plus souvent dans un enchainement de causes. Et puis, les manœuvres au port ne sont pas si courantes sur ce type de navire et restent des moments où une grande partie de l'équipage est en passerelle de navigation. Par ailleurs, quand on est dans un port, il y a généralement un pilote maritime qui monte à bord (dans ce cas, le navire était sous le contrôle de deux pilotes américains, ndlr). Il est là parce qu'il connait bien le secteur, les courants, les obstacles et les routes à prendre pour ce type de navire, même s'il n'a pas la responsabilité de la navigation. Son rôle est de donner des consignes de vitesse et de cap, notamment de nuit, mais c'est le commandant qui reste le seul responsable de la manœuvre. Ce deuxième pilote est d'autant plus précieux que le GPS est plutôt utilisé sur des routes importantes, car on n'est pas toujours au centimètre près et avec des gros navires, ça peut être problématique dans un port. Même si là, ça ne s'est vraisemblablement pas joué à un centimètre. 

D'autres hypothèses sont-elles vraisemblables, même si le chef la police de Baltimore précise qu'il "n'y a absolument aucune indication qu'il s'agisse d'un acte terroriste ou que ce soit un acte délibéré" ?

On peut penser à un acte de piraterie par prise à distance du contrôle du navire. Mais c'est peu plausible. Comme on est dans un port, il peut aussi y avoir un effet de courant ou de marée. Entre la force du courant du fleuve et l'effet de marée, on peut avoir des courants inattendus qui changent au dernier moment. Du coup, il peut y avoir un déroutement qui n'était pas forcément attendu, même sur des bateaux de cette envergure. 

"Boîtes noires"

Saura-t-on ce qui s'est passé ?

L'enquête permettra d'en savoir plus, car comme dans les avions, ces navires sont équipés de boîtes noires sur lesquelles l'ensemble des conversations entre le pilote et le commandant et entre le commandant et le port sont enregistrés, ainsi que la route qui a été rentrée sur le GPS, et tous les éléments des appareils de navigation. 

Selon vous, comment un navire peut-il faire chuter un pont de la sorte ?

À part le vent qui est pris en compte, les ponts ne sont pas faits pour être résistant en transversale. Ils sont faits pour être résistants sur les efforts longitudinaux, dans le sens de la circulation et en compression sur les véhicules qui passent dessus. Surtout lorsqu'il s'agit d'une collision sous le centre de gravité avec l'inertie considérable d'un navire de cette taille-là. Car plus la masse est importante, plus la vitesse l'est, même si elle parait faible. 

Ce type d'accident est-il rarissime ?

Oui complétement. Des accidents peuvent arriver à quai, mais c'est vraiment exceptionnel. 


Virginie FAUROUX

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