FTX : la chute vertigineuse de Sam Bankman-Fried, le Bernard Madoff des cryptomonnaies

par F.S. avec AFP
Publié le 22 décembre 2022 à 12h09, mis à jour le 28 mars 2024 à 18h26

Source : Sujet TF1 Info

Le fondateur et ex-patron de FTX a été condamné jeudi à 25 ans dans l'une des plus grosses affaires de fraude financière de l'histoire récente.
Le juge a estimé que Sam Bankman-Fried avait commis plusieurs parjures à la barre.
Portrait d'un génie des cryptomonnaies à la chute vertigineuse.

Il y a un an et demi, l'entrepreneur était encore considéré comme le digne successeur de Warren Buffett, cet investisseur devenu milliardaire grâce à ses placements boursiers. Désormais, on l'affuble d'un tout nouveau surnom. Celui de Bernard Madoff, du nom de l'auteur de la plus grande escroquerie financière de l'histoire. Ce jeune homme, c’est Sam Bankman-Fried. Le fondateur et ancien patron de la plateforme d'échanges de cryptomonnaies FTX a été condamné ce jeudi à 25 ans de prison dans l'une des plus grosses affaires de fraude financière de l'histoire récente. 

Il avait déjà été reconnu coupable par un jury en novembre 2023 des sept chefs d'accusation retenus contre lui lors d'un procès à l'issue duquel le procureur de New York, Damian Williams, avait réclamé entre quarante et cinquante ans de réclusion. Lors de l'audience devant un tribunal de New York ce jeudi, le juge fédéral Lewis Kaplan a estimé que le jeune homme n'avait "jamais eu un mot de remords pour avoir commis un crime terrible". Le juge a aussi considéré que Sam Bankman-Fried avait commis au moins trois parjures lorsqu'il avait témoigné, ainsi qu'une subornation de témoin. 

De "philanthrope" à "psychopathe"

"SBF", son surnom, c'est l'ancien PDG de la plateforme FTX. Deuxième plus grosse plateforme d'échange de cryptomonnaies au monde avant sa faillite, elle a permis à son créateur de se forger, en seulement quelques années, une réputation de patron à succès. Et devenir le visage des devises virtuelles. Originaire de Palo Alto, en Californie, il a débuté par la voie royale de Wall Street, après des études au Massachusetts Institute of Technology (MIT). En 2017, il lance Alameda Research, une société de trading de cryptomonnaies, et FTX deux ans plus tard. Fort de son succès éclair, il a noué de prestigieux partenariats avec la légende du football américain Tom Brady, la top-modèle brésilienne Gisèle Bundchen, ou encore le comédien Larry David, apparu dans une publicité pour FTX notamment diffusée pendant le Super Bowl.

Cheveux bouclés et touffus, simple T-shirt sombre et bermuda, il faisait partie de ses entrepreneurs à succès que le monde s'arrache. Devenu coqueluche des médias, il était en effet un interlocuteur privilégié pour quiconque cherchait à en savoir plus sur les cryptomonnaies, lui qui a popularisé ces actifs numériques virtuels. Popularisé et défendu. Véritable chevalier blanc de ce secteur parfois à la dérive, il aimait venir à la rescousse de sociétés en difficulté. Il était également considéré comme un généreux philanthrope. Végan revendiqué, il était une figure de proue de cet "altruisme efficace" qu'on trouve chez les grosses fortunes américaines. Derrière cette expression, une doctrine qui consiste à inciter les plus riches à redistribuer leur argent pour des causes qu'ils jugent primordiales. Avant que sa richesse ne s'effondre en quelques jours, le trentenaire avait promis de faire don de la majorité de sa fortune à des causes philanthropiques. 

9 milliards introuvables

Mais derrière ses airs de startuppeur au génie financier, la brutale implosion en novembre de FTX a révélé un personnage aux pratiques managériales déconcertantes et au train de vie dispendieux. Changpeng Zhao, le patron de la plateforme concurrente de cryptomonnaies Binance, l'a qualifié de "psychopathe", quand le député démocrate Ritchie Torres l'a accusé d'être un "menteur compulsif". Derrière ces noms d'oiseaux, un chef d'entreprise au comportement erratique. En novembre, John Ray, celui qui a eu la lourde tâche de remplacer Sam Bankman-Fried à la tête de FTX après le dépôt de bilan, a fustigé le fonctionnement déroutant de cette entreprise dans un document judiciaire. "Jamais dans ma carrière, je n'ai vu un échec aussi complet des mécanismes de contrôle d'une entreprise et une absence aussi flagrante d'informations financières fiables", pouvait-on lire dans le document. Entre autres exemples cités par celui qui a supervisé plusieurs procédures de faillite, des notes de frais validées par des emojis, et des employés qui piochaient dans la caisse pour acheter des résidences aux Bahamas. 

Comble de cette désorganisation, le patron de la société a été accusé d'avoir détourné l'argent des utilisateurs pour financer des paris risqués sur le fonds spéculatif qu'il avait lancé en 2017. Si bien qu'à l'heure du dépot de bilan, 9 milliards de dollars apportés par des clients de FTX restaient introuvables. 

À l'audience qui s'était tenue mercredi fin décembre 2022 à Nassau, la capitale des Bahamas, où se trouvait le siège de FTX, le jeune homme a d'ailleurs fait part de son "désir de s'assurer que les clients concernés récupèrent leur argent". Face au risque d'une très lourde peine, ses avocats avaient tenté de dépeindre le jeune homme en une personne "désintéressée, altruiste", "jamais motivé par la cupidité ou la soif de prestige". Ils avaient également avancé la piste de troubles du spectre de l'autisme à propos de leur client. 

Des arguments qui n'ont manifestement pas amadoué la justice. "Il comprenait les règles, mais a décidé qu'elles ne lui étaient pas applicables", a indiqué le bureau du procureur dans un document transmis au juge, pointant une "mégalomanie pernicieuse" et "un complexe de supériorité"

L'ancien patron de FTX a annoncé son intention de faire appel, après avoir présenté ses excuses et reconnu avoir pris "une série de mauvaises décisions". 


F.S. avec AFP

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