Quatrième inculpation pour Donald Trump : pourquoi la loi anti-mafia RICO est-elle utilisée contre lui ?

Publié le 15 août 2023 à 17h42, mis à jour le 15 août 2023 à 17h53

Source : TF1 Info

L'ancien président américain vient d'être inculpé pour la quatrième fois depuis le mois d'avril.
Il est accusé d'avoir tenté d'inverser le résultat du scrutin présidentiel de 2020 en Géorgie.
La procureure de l'État s'appuie sur la loi RICO, au départ utilisée contre la mafia.

C'est la quatrième inculpation pénale de l'ancien président américain en autant de mois. Poursuivi en avril pour le versement illicite de 130.000 dollars à une ancienne star du porno, en juin pour avoir conservé chez lui des documents confidentiels, et au début du mois d'août pour ses tentatives pour inverser le résultat de l'élection présidentielle de 2020, Donald Trump a cette fois été inculpé par un jury populaire du comté de Fulton, en Géorgie.

Il est poursuivi, avec 18 autres personnes, pour avoir tenté de manipuler le résultat de l'élection dans cet État décisif du Sud. La procureure Fani Willis s'appuie pour cette inculpation sur la loi "RICO", au départ créée pour lutter contre la criminalité en bande organisée. Cet outil juridique redoutable permet d'agréger les multiples délits commis dans un même dessein criminel, faisant encourir à chacun des inculpés des peines très lourdes. Un mécanisme qui incite les uns à témoigner contre les autres, et a permis à la justice américaine de porter des coups fatals à la mafia dans les années 1980.

Une loi contre la mafia

Lors d'une conférence de presse donnée ce lundi à Atlanta, la procureure a donné aux 19 co-inculpés jusqu'au 25 août pour "se livrer volontairement" à la justice de l'État de Géorgie, disant tabler sur un procès dans les six mois. Si cette inculpation est la quatrième depuis fin mars pour le président américain, elle présente plusieurs particularités. La première d'entre elles est l'outil juridique utilisé par Fani Willis : la loi RICO avait en effet été créée au tout début des années 1970 pour lutter contre le crime organisé. RICO est l'acronyme de Racketeer Influenced and Corrupt Organizations, c'est-à-dire en substance une loi contre les organisations fondées sur l'extorsion et la corruption.

Elle avait permis de condamner des parrains la mafia que rien n'impliquait directement dans les crimes de leurs organisations, si les divers actes commis n'étaient pas rapportés à un plan d'ensemble. Les co-inculpés risquant tous des peines de 5 à 20 ans de prison pour leur participation, même mineure, ils étaient plus enclins à témoigner les uns contre les autres pour éviter la condamnation. 

Un des procès les plus retentissants permis par la loi RICO avait permis de faire tomber simultanément les chefs de cinq "familles" new-yorkaises en 1985-86. Le jeune procureur à l'origine de ces condamnations spectaculaires n'était autre que Rudy Giuliani. Celui qui devint ensuite maire de New York, grâce à la popularité acquise lors de cette affaire, est aujourd'hui avocat... et co-inculpé dans le dossier d'Atlanta aux côtés de son client Donald Trump. 

Dessein criminel

Si la loi "Rico" évoque plutôt le film Le Parrain que des responsables politiques en col blanc, son application à l'affaire de Géorgie n'est pas complètement une surprise. La version géorgienne de la loi RICO avait servi, dès sa promulgation dans l'État au début des années 1980, à poursuivre des politiciens locaux qui avaient essayé de se cramponner au pouvoir après des élections perdues. La procureure Fani Willis elle-même a déjà plusieurs fois eu recours à cette loi, dans des affaires qui semblaient éloignées de son champ d'application initial

Dans le cas de la tentative de modifier le résultat du scrutin présidentiel, la loi Rico permet aussi d'agréger au dossier des actes analogues perpétrés dans sept autres États que la Géorgie, pour établir la cohérence de l'intention criminelle d'ensemble. Donald Trump avait notamment passé des coups de fil au secrétaire d'État de Géorgie, Brad Raffensperger, lui demandant de "trouver des voix" manquantes après le scrutin. La loi utilisée par Fani Willis permettrait ici de relier cette tentative de persuasion au projet plus général d'inverser le résultat de l'élection. Autre particularité, liée à l'État de Géorgie : les audiences au tribunal y sont filmées, ce qu'a évité Donald Trump jusqu'ici.

En dépit de ces quatre inculpations successives depuis la fin mars, Donald Trump continue de dominer largement les sondages des primaires. Non seulement la majorité des électeurs républicains continue d'en faire son champion pour la prochaine présidentielle, mais le candidat Trump capitalise même sur ses mises en cause par la justice. À la veille de l'inculpation d'Atlanta, il a ainsi envoyé un message appelant ses partisans à mettre la main au portefeuille... pour le sauver de la "prison à vie".

Si ni la série d'inculpations, ni même une incarcération, ne l'empêchaient de se présenter à l'élection présidentielle, Trump ne pourrait cependant pas s'auto-amnistier en cas de victoire, ni empêcher la Justice d'aller à son terme. C'est la dernière spécificité de la procédure engagée à Atlanta : puisqu'elle relève de l'État de Géorgie, elle est hors de la juridiction du président américain.


Frédéric SENNEVILLE

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