VIDÉO - Logements sociaux : peut-on vraiment expulser des délinquants ?

par Virginie FAUROUX Reportage TF1 : François-Xavier Ménage et Quentin Trigodet
Publié le 28 août 2023 à 16h17

Source : JT 20h WE

Dans le Val-d'Oise, la famille d’un jeune homme, condamné pour sa participation aux violences urbaines, a été expulsée de son logement.
Une opération qui a suscité de vives critiques.
De telles expulsions sont-elles vraiment légales ?

L’émeutier, jeune adulte, habitait au rez-de-chaussée d’un HLM du Val-d'Oise avec sa mère et ses frères et sœurs. La semaine dernière, toute la famille a été expulsée. Pour éviter tout retour, la porte a même été scellée. La famille ne payait plus de loyer depuis plusieurs mois. C’est la raison légale de l'expulsion. 

La majorité des gens sont déçus comme moi de savoir que les parents ont été punis à la place des enfants.
Une riveraine

Mais sa mise en œuvre, en présence de la police, a été décidée par le préfet, quand ce dernier a découvert le profil de l’émeutier. Il a déjà dans son casier judiciaire quinze condamnations, dont plusieurs pour faits de violence et extorsion. Surtout, il a écopé de douze mois de prison avec sursis pour le pillage, en juin dernier, d’un magasin à 100 mètres du domicile. Le préfet s'est justifié par ces mots : "C’est une question de justice sociale, pour les habitants, qui veulent juste vivre tranquillement". 

Parmi les voisins, beaucoup trouvent injuste que toute la famille ait été expulsée. "La majorité des gens sont déçus comme moi de savoir que les parents ont été punis à la place des enfants", déplore ainsi une riveraine dans la vidéo du JT de 20H en tête de cet article. En revanche, c’est un tout autre sentiment devant le magasin où a eu lieu le pillage fin juin. "En tant que citoyenne, je comprends tout à fait l'expulsion. Les logements sociaux, c'est nous qui les payons quand même. Il y a plein de gens qui sont à la rue parce qu'ils n'ont pas de logements sociaux. Donc zéro tolérance", se défend de son côté une habitante. 

"Pas une réalité juridique"

Pas si simple, répond l'association Droit au logement, qui rappelle qu'en matière de justice, ce n'est pas aux proches de payer. "C'est une double peine, c'est-à-dire que c'est faire peser sur toute la famille les agissements d'un membre. D'abord, pour nous, c'est illégal, et moralement, c'est complètement scandaleux", s'insurge Marie Huiban. Le gouvernement, lui, assume "pour la tranquillité publique", a déclaré vendredi la secrétaire d'État chargée de la Ville, Sabrina Agresti-Roubache. Après les violences urbaines, l'État a plusieurs fois rappelé vouloir mettre davantage la pression sur les parents de mineurs délinquants. 

Au point d'expulser les locataires de logements sociaux ? Pour maître Elise Arfi, avocate, membre du conseil de l'ordre du barreau de Paris, c'est formellement impossible. "La communication qui est faite, qui est une communication, on a bien compris qui est politique, pour essayer certainement de donner l'image d'une justice ferme, peut être de rassurer les électeurs, ne correspond pas à la réalité juridique. On ne peut pas expulser toute une famille parce qu'il y a un des enfants qui va commettre des faits, des infractions pénales ou qui va tomber dans la délinquance", affirme-t-elle. 

Si le gouvernement veut renforcer les menaces d'expulsion, c'est in fine la loi qu'il faudrait changer. Dans le droit, ce n'est pas le préfet qui ordonne une expulsion, mais une décision de justice, à l'issue d'une longue procédure. Elle ne peut être motivée que par le non-respect du bail, comme des loyers impayés, des troubles de jouissance ou des faits de délinquance par des locataires (mécanique sauvage, vente de stupéfiants, tapage). 


Virginie FAUROUX Reportage TF1 : François-Xavier Ménage et Quentin Trigodet

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