Henri d’Anselme est devenu la cible de thèses développées en ligne par la complosphère.Cet étudiant en philosophie a tenté d’arrêter l’attaquant présumé à Annecy, le 8 juin.
En quelques heures, Henri d’Anselme est passé de parfait anonyme à héros national. Après l’attaque au couteau qui s’est déroulée à Annecy le jeudi 8 juin, et qui a fait six victimes, dont quatre jeunes enfants, cet étudiant en philosophie a fait l’objet d’une large couverture médiatique. Plusieurs portraits élogieux lui ont également été consacrés. Et pour cause : ce dernier a tenté de stopper l’assaillant présumé en le pourchassant avec les seuls moyens à sa disposition : ses deux sacs à dos, qui l’accompagnaient durant son périple religieux pour découvrir les cathédrales de France. Les images de cette course-poursuite ont très vite circulé sur les réseaux sociaux.
Mais cette notoriété fulgurante a valu à Henri d’Anselme d’être la cible de la complosphère, qui a fabriqué plusieurs théories visant à décrédibiliser le jeune homme et le courage dont il a fait preuve. Ces thèses ont infusé de nombreux réseaux sociaux, de TikTok à Twitter en passant par Telegram. Le fil tiré est toujours le même : la version officielle du "héros au sac à dos" présenterait des incohérences. Ni le but recherché, ni les origines de ces théories ne sont clairs. Mais une chose est sûre, ces théories ne reposent sur rien et visent un étudiant en pèlerinage, qui se trouvait par hasard sur les lieux d’un drame.
Une interview donnée 13 jours plus tôt
Mais c’est justement ce hasard qui est interrogé. En cause, l’existence d’un article du Dauphiné Libéré consacré à Henri d’Anselme et paru deux semaines avant l’attaque. "Quelle est la probabilité pour qu'un journal détenu par un macroniste publie la photo et l'interview d'un FUTUR "héros" de l'actu salué par Macron ?", s’interroge un compte Twitter. Le 26 mai, le journal local a bien consacré un article au périple entamé par le jeune croyant, qu’il documente lui-même sur Instagram.
Le jour de l’attaque, la rédaction du Dauphiné Libéré est d’ailleurs revenue sur ce concours de circonstances dans un autre article, où elle explique qu’"il y a une dizaine de jours, (Henri d’Anselme) était déjà dans les colonnes du Dauphiné Libéré parce qu'il a décidé de faire un voyage de neuf mois, à travers la France, à pied et en stop, pour aller de cathédrale en cathédrale". Rien de prémédité là-dedans, mais simplement le choix éditorial d’un journal qui avait voulu mettre en avant le voyage religieux entrepris par ce citoyen, encore inconnu du grand public.
Un policier du RAID sous couverture
Autre "doute" exposé aux internautes, le fait qu’un jeune homme sans formation ait été capable de se confronter à un autre homme armé d’un couteau. Selon une thèse très relayée sur Twitter et Telegram, l’homme au sac à dos ne peut être qu’un policier du RAID, sous couverture. Deux preuves sont brandies pour étayer cette théorie farfelue : la première concerne le tee-shirt arboré par Henri d’Anselme au moment des faits et le jour suivant, lors de sa rencontre avec Emmanuel Macron.
Ainsi, on explique que son tee-shirt, qui présente un drapeau français sur une manche, "a été réalisé par l'Aérographe Fockeur, peintre aérographe situé à Etampes ayant pour clients beaucoup de policiers voulant personnaliser leur arme, dont ceux du RAID". Si la marque en question a bien collaboré avec les policiers du RAID, comme le montre cette archive de 2020, cela ne prouve rien.
Autre élément retenu par la complosphère, le discours tenu par le jeune pèlerin au moment d’être interviewé par les médias. Sur LCI, il aurait fait un lapsus révélateur, selon certains, en parlant de l’attaque comme d’une "opération". Dans l’entretien, à retrouver en tête de cet article, Henri d’Anselme raconte avoir "fait une longue déposition à la police, qui a duré trois heures, où il fallait re-rentrer dans les détails de l’opération... de l’attaque". Un terme qu’il corrige aussitôt et qui ne constitue pas, là non plus, un aveu de son appartenance au RAID. Qu’importe, le mot "opération" se retrouve accolé à son nom en un temps record sur TikTok, avec de nombreuses vidéos à l’appui repassant l’extrait.
Des liens familiaux "étranges"
Certaines chaines Telegram, de sensibilité conspirationniste, ont entrepris de fouiller les réseaux sociaux de l’étudiant en philosophie, en quête de détails compromettants sur sa vie et son passé. Son CV publié sur LinkedIn a été épluché, tout comme ses liens familiaux. "Qui est Henri d'Anselme, le preux chevalier qui a donné tous les "détails de L'OPÉRATION" d'Annecy ?", interroge une chaine Telegram, qui renvoie rapidement au père du jeune homme, présenté comme un salarié d’Atos International, une entreprise symbolisant les dérives du Big data pour la complosphère.
L’identité d’un autre homme, présenté cette fois comme un cousin d’Henri d’Anselme, est mise en avant pour son poste au sein du Service national universel (SNU), lancé par le gouvernement en 2019. Là encore, les finalités derrière ces arguments sont obscures. Elles serviraient surtout à exposer les relations, très indirectes, qu’entretient le jeune homme avec les sphères de pouvoir.
Les théories complotistes n’ont pas été circonscrites aux anonymes héroïques dans ce drame. L’attaquant présumé a également fait l’objet de rumeurs, tout aussi infondées. Par exemple, et alors que l’information se confirmait au fil des heures, des comptes d’extrême droite ont refusé de croire qu’il s’agissait d’un Syrien de confession chrétienne.
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