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Est-il vraiment possible "d'interdire les grèves dans les transports pendant les vacances" ?

par J.F.
Publié le 2 février 2023 à 19h09, mis à jour le 15 février 2024 à 16h41

Source : JT 13h Semaine

Avec la grève annoncée des contrôleurs ferroviaires ce jeudi, la question de l'interdiction des grèves pendant les vacances scolaires refait surface.
En 2023, la députée non-inscrite de Vendée, Véronique Besse, avait déposé un projet de loi dans ce sens.
Mais est-il vraiment possible d'interdire les grèves sur certaines périodes en France ?

Mettre fin à ce que plusieurs élus qualifient de "prise d'otage". Alors que les contrôleurs de la SNCF font grève à compter de jeudi 15 février, en pleines vacances scolaires, des voix s'élèvent au sein de la classe politique pour demander l'interdiction de ces mouvements lors de certaines périodes stratégiques. Une volonté qui revient sur le devant de la scène à chaque grève des agents de la SNCF en périodes de vacances, et au fil des années, plusieurs propositions de loi dans ce sens ont été déposées par des sénateurs ou des députés.

Dès février 2020, les Sénateurs Républicains avaient déposé une proposition de loi pour "assurer l'effectivité du droit au transport, à améliorer les droits des usagers et à répondre aux besoins essentiels du pays en cas de grève". Trois ans plus tard, c'est la députée non-inscrite de Vendée, Véronique Besse, qui avait évoqué la possibilité d'interdire "toute grève dans le secteur des transports les veilles de vacances scolaires, durant les vacances scolaires et les jours fériés". Une proposition de loi qu'elle entend bien aujourd'hui faire voter par le Parlement. Mais est-il vraiment possible en France d'interdire une grève sur une période donnée ? Pas si simple.

Dans l'Hexagone, le droit de grève est protégé par le préambule de la Constitution, mais il n'est pas accordé à certains agents publics comme les militaires, les policiers, les agents pénitentiaires ou les magistrats. D'autres bénéficient d’un droit de grève limité et doivent assurer un service minimum, c'est le cas des agents publics des transports collectifs. Toutefois, il est possible pour le pouvoir exécutif de décider de limiter le droit de grève, au nom de l'article L1111-2 du Code de la défense, qui autorise la mobilisation générale de tout ou une partie de la population "en cas de menace portant notamment sur une partie du territoire, sur un secteur de la vie nationale ou sur une fraction de la population"

Il peut aussi être limité si l'intérêt général à interdire la grève est démontré. C'est là toute la difficulté, selon le chargé de recherche au CNRS en droit social et membre du collectif des Surligneurs Pascal Caillaud. Selon lui, la proposition de loi de Véronique Besse ne peut "pas passer constitutionnellement". "C'est trop disproportionné par rapport à l'intérêt général", pointe-t-il auprès de TF1info, constatant que le texte engloberait, selon ses calculs, "20 semaines de vacances scolaires et 11 jours fériés. Interdire le droit de grève sur presque la moitié de l'année me semble disproportionné". Aussi, "la question des vacances part d'un présupposé que tout le monde a des enfants. Cela me paraît difficile à mettre en avant pour limiter le droit de grève d'agents publics", complète le spécialiste.

Suivre l'exemple de l'Italie ?

"Est-ce que les vacances scolaires de ceux qui ont des enfants ou ceux dont les grands-parents sont encore vivants, c'est de l'intérêt général ? Personnellement, je ne suis pas sûr que cela puisse être considéré comme tel. D'autant que tout le monde ne prend pas les transports collectifs pour se retrouver", argumente-t-il. "Cela voudrait dire que les gens qui partent hors saison et qui n'ont pas d'enfants ne seraient pas couverts par cette protection." Selon lui, la proposition de la députée aurait eu plus de chances d'avoir une issue positive si elle proposait un aménagement du droit de grève ou du service minimum. 

Autre piste régulièrement évoquée pour limiter les grèves durant les vacances : la mise de place de "périodes préservées" comme en Italie, qui interdit par exemple aux employés des réseaux de transports de faire grève pendant la période des fêtes de Noël, ou encore à Pâques. Mais Pascal Caillaud y voit une autre difficulté : le caractère religieux des dates qui pourraient être choisies. "Je ne sais pas comment est rédigée la Constitution italienne, mais les jours choisis en Italie présentent un caractère religieux, et seraient plus difficiles à faire accepter en France. Je ne vois pas comment le choix lié à certaines fêtes auxquelles on donnerait un caractère de rassemblement de famille pourrait passer."

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