Incendie de Notre-Dame de Paris : retour sur les dérapages et les intox

par Claire CAMBIER
Publié le 16 avril 2019 à 19h08, mis à jour le 17 avril 2019 à 16h08

Source : Sujet JT LCI

À LA LOUPE - Un violent incendie a frappé Notre-Dame de Paris, un des symboles de la capitale et de la France. Anonymes et personnalités du monde entier ont fait part de leur tristesse, mais le drame n'a pas manqué de conduire à des dérapages. À La Loupe revient point sur point sur les éléments qui ont fait trembler les réseaux sociaux.

L'incendie qui a touché la cathédrale Notre-Dame faisait encore rage ce lundi 15 avril au soir, mais cela n'a pas empêché les réactions les plus folles. A La Loupe revient sur les contre-vérités avancées et les dérapages de certaines personnalités.

L'utilisation de Canadairs aurait-elle sauvé Notre-Dame de Paris ?

Dans la soirée, de nombreuses personnes se sont interrogées sur l'utilité de mobiliser des Canadairs pour lutter plus efficacement contre l'incendie. Parmi elles, le président américain Donald Trump qui a tweeté : "Peut-être que des bombardiers d'eau pourraient être utilisés pour l’éteindre", tandis que la porte-parole des Républicains Lydia Guirous évoquait le manque de "moyens adaptés, notamment aériens".

De nombreux spécialistes ont expliqué dans la soirée que cette option avait été écartée d'emblée. "Le largage d'eau par avion sur ce type d'édifice pourrait en effet entraîner l'effondrement de l'intégralité de la structure", a ainsi expliqué sur Twitter la Sécurité civile. "Hélicoptère ou avion, le poids de l'eau et l'intensité du largage à basse altitude pourraient en effet fragiliser la structure de Notre-Dame et entraîner des dommages collatéraux sur les immeubles aux alentours", a-t-elle ajouté.

Un homme était-il sur l'échafaudage quand l'incendie a éclaté ?

Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes se sont interrogés sur une photo prise lors de l'incendie. Il pointe ce qui semble être un homme debout sur un échafaudage. "On m'explique ?" demande le compte Facebook "Photos prises au bon moment". Pourquoi un homme serait-il présent sur cette structure ? Est-il responsable de l'incendie qui a ravagé la toiture et la flèche du monument ?

En réalité, il s'agit d'un trompe-l’œil. Lorsque l'on regarde la cathédrale d'un autre point de vue, on réalise que ce qui semble au premier abord être un homme sur la première photo est en réalité... une statue, dominant la façade nord de la cathédrale.

Comme nos confrères de l'AFP le soulignent, photos à l'appui (ci-dessous), on aperçoit trois statues (en rouge, jaune et violet) encadrant le dernier étage de la façade, le pignon qui s’élève au-dessus de la rosace de 13 mètres de diamètre et qui est lui-même percé d’une rose ajourée. Il date de 1527.

Contrairement à ce qu'avancent nos confrères, il ne s'agit pas cependant de la statue de la Vierge du trumeau du portail du Cloître. Le trumeau étant la partie d'un mur comprise entre deux fenêtres, autrement dit un pilier qui supporte le linteau d'un portail ou d'une fenêtre.

Un "Gilet jaune" était-il présent sur les lieux (et que faisait-il) ?

Sur Facebook et Twitter, une vidéo montrant une personne, à priori en Gilet jaune, marcher sur une traverse d'une des tours de Notre-Dame, alors que l'incendie est en cours. A droite, on observe distinctement le haut des lances à incendie projeter de l'eau sur la tour sud. Des flammes sont visibles en arrière-plan. La vidéo est présentée dans différents posts comme étant une capture vidéo d'une chaîne de télévision espagnole. En bas de l'écran, on devine effectivement le logo de la chaîne d'information continue espagnole 24 Horas, ainsi que le celui de RTVE.es, le groupe auquel elle appartient.

Selon nos confrères de CheckNews, cet extrait a ainsi été posté en premier lieu sur le web hispanophone. La première occurrence qu'ils ont retrouvée provient du compte d'un internaute espagnol, datant de 20h51. "Qui est ce type qui marche dans Notre-Dame pendant qu’elle brûle ? Il n’a pas une tête de pompier, il se promène seul, sans équipement respiratoire, il semble seulement porter un casque d’ouvrier et un gilet jaune." Vue 155.000 fois, elle a été partagée plus de 2900 fois, conduisant à un effet boule de neige.

La vidéo complète dont est issue l'extrait est visible sur YouTube. La chaîne CNBC était, elle-aussi, en direct lors de cette tragédie. Sur l'extrait ci-dessous à 42', on voit bel et bien cet individu casque sur la tête et ce qui semble être un gilet jaune sur le dos. Cependant, à cet instant, les pompiers sont déjà affairés à combattre les flammes. A la 30e minute, soit 12 minutes plus tôt, l'on voit ainsi un groupe de pompiers passer sur cette même traverse. 

Quelques minutes après le passage de l'individu pointé du doigt, on le retrouve d'ailleurs suivant un autre pompier (42'55). En toute logique, il s'agit donc d'un combattant du feu.

Une information confirmée ce mercredi par le lieutenant-colonel Gabriel Plus lors d'une conférence de presse :  "Il s’agissait du commandant des opérations de secours qui porte une chasuble jaune sur laquelle il est écrit ‘commandant des opérations de secours’. Régulièrement, le commandant fait un tour du feu, pour vérifier que les équipes sont bien en intervention".

Incendie accidentel ou criminel ?

Cette photo n'est pas la seule à avoir insufflé le doute dans l'esprit des Français sur l'origine du sinistre. Beaucoup ont pensé à un incendie criminel. Parmi eux, un élu municipal divers droite de Neuilly-sur-Seine, Philippe Karsenty. L'homme politique est intervenu en direct sur la chaîne américaine Fox News, pour témoigner de la scène.

Affirmant être proche des lieux quand l'incident est survenu, il raconte : "J’ai quitté les lieux pour laisser les gens travailler. Tout le monde est vraiment sous le choc en France. Je vais vous dire quelque chose : même si personne n’est mort, c’est un peu le 11 septembre français. C’est un énorme choc. Notre-Dame est là depuis plus de 850 ans. Même les nazis n’ont pas réussi à la détruire." Mais rapidement, il avance la piste criminelle : "Il faut savoir aussi que depuis quelques années, des églises sont vandalisées en France, toutes les semaines. Bien sûr, le politiquement correct va vous faire croire que c’est un accident."

Des propos immédiatement contredits par l'animateur, Shepard Smith. "Monsieur, on ne va pas commencer à spéculer ici des causes de quelque chose, alors qu’on ne sait rien", a-t-il dit. "Si vous avez vu quelque chose, ou savez quelque chose, nous serions heureux de l’entendre." Philippe Karsenty persiste : "J'essaye juste de dire que nous devons être prêts à... " Un entêtement qui n'a pas plu au journaliste qui a préféré interrompre l'interview. "Monsieur, nous n’allons pas faire ça ici, pas avec moi."

Il a ensuite tenu à expliquer la situation à ses téléspectateurs : "Nous sommes à des milliers de kilomètres, et l’homme au téléphone avec nous n’a absolument aucune information sur l’origine de ce feu, et moi non plus." Avec en prime une petite leçon de morale : "les théories du complot sont inutiles, contre-productives" et "dangereuses pour la société".

Ce mardi, Remi Heitz, le procureur de Paris, a rappelé qu'"une enquête pour destruction involontaire par incendie avait été ouverte. Elle est confiée à la brigade criminelle, qui a mobilisé 50 enquêteurs." Et d'ajouter : "C'est la thèse accidentelle qui est privilégiée, avec un départ de feu depuis la charpente en lien avec les travaux. Rien ne va dans le sens d'un incendie volontaire."

Philippe Karsenty n'est pas le seul à avoir avancé cette thèse. Le chef de file de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, est allé encore plus loin, en réclamant une commission d'enquête pour "savoir si c'est un accident ou un attentat." Il a cependant avoué n'avoir aucun élément pouvant étayer la piste terroriste. 

"Si la brigade criminelle est saisie (pour l'enquête), c'est car elle a les moyens humains et techniques nécessaires", a précisé le procureur de Paris pour mettre fin aux doutes. "Des investigations vont débuter par des auditions de témoins, car cinq entreprises intervenaient sur le site. Une quinzaine de personnes sont entendues." "Ce que nous savons, c'est qu'il y a eu une première alerte à 18h20, suivi d'une procédure de levée de doute, mais aucun départ n'a été constaté. Il y a eu une seconde alerte, vers 18h43, et le feu a cette fois-ci été constaté au niveau de la charpente, a-t-il ajouté. Entre-temps, l'église avait été évacuée."

Sur le plateau de LCI, Ivan Rioufol, éditorialiste au Figaro, a de son côté demandé à "lever cette hypothèse d'un attentat", parlant d'une Eglise catholique "cible aujourd’hui d’un choc des cultures, des civilisations, plus singulièrement la cible de l’islam politique."  "Je n’ose croire naturellement croire que cet acte ait été perpétré par un terroriste, ou par quelqu’un qui ait voulu naturellement mettre le feu à la cathédrale pour ce qu’elle représentait", a-t-il cependant nuancé. En plateau, le journaliste a tenu à rappeler qu'il n'y avait actuellement aucune "information en ce sens".

Dans un autre style, Gilles Breton s'est illustré sur Twitter. L'eurodéputé RN  y a dressé un parallèle entre le bâtiment historique en flammes et l'Etat de la France sous Macron. Si le tweet a été supprimé depuis, de nombreux internautes avaient pris le temps de conserver une capture d'écran.

Un message assez similaire à celui de Christine Boutin, présidente d'honneur du Parti Chrétien Democrate. "Comment ne pas voir le lien entre l'incendie de ce chef d'oeuvre du patrimoine religieux français et le président de la République", questionne-t-elle dans un tweet supprimé depuis.

Des membres de l'Unef se sont-ils moqués de l'incendie ?

De nombreux internautes ont également été choqué par des propos délivrés sur Twitter par des membres du syndicat étudiant l'Unef. Hafsa Askar - effectivement vice-présidente de l’Unef Lille - a réagi une heure après le drame sur le réseau social : "Je m’en fiche de Notre-Dame de Paris car je m’en fiche de l’histoire de France je sais pas quoi", avant d'ajouter quelques minutes plus tard : "Jusqu’où les gens vont pleurer pour des bouts de bois? Wallah, vous aimez trop l’identité française alors qu’on s'en (fout), objectivement c’est votre délire de petits blancs". 

Une demi-heure plus tard,  Édouard Le Bert, membre du bureau national se fendait d'un tweet moqueur sur l'incendie en cours : "Ça y est drame national, une charpente de cathédrale brûle".

Dans la soirée, la présidente de l’Unef, Mélanie Luce, a ainsi dû réagir, face au tollé et a demandé à ses deux camarades de supprimer leurs tweets. Mais la jeune femme n'a pas condamné leurs propos, indiquant que "rien ne justifie d'insulter, de harceler, de menacer de viol' "les personnes qui ne sont pas d’accord". Un tweet qui n'a pas été très bien perçu par l'opinion publique.

Ce mardi matin, elle a reconnu après de nos confrères du Figaro ne pas avoir été "assez claire". Elle dénonce des "positions qui ne sont pas celles de l’Unef", et des "propos inacceptables, sur le fond et sur la forme". "La cathédrale représente un symbole pour tous les Français, qu’ils soient catholiques ou non, souligne-t-elle. Elle reflète le travail de nombreuses personnes pendant 200 ans et on se désole évidemment de l’incendie d’hier soir." 

La présidente a annoncé une réunion "dans les prochains jours" pour statuer sur le cas de Hafsa Askar et Édouard Le Bert.

L'association Avocats Sans Frontières a de son côté annoncé qu’elle allait porter plainte contre le syndicat étudiant. "Une présidente voilée, des camps racisés et une membre de son bureau national qui moque la douleur du peuple français et insulte les blancs, moi je trouve l’Unef en parfaite cohérence, a -t-il écrit. Avocats Sans Frontières portera donc plainte avec la même cohérence."

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Claire CAMBIER

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