Les compagnies aériennes peuvent-elles vous obliger à être vacciné pour embarquer ?

Publié le 25 novembre 2020 à 13h36
La perspective de vol conditionnés à une preuve de vaccination n'est pas du tout farfelue.
La perspective de vol conditionnés à une preuve de vaccination n'est pas du tout farfelue. - Source : Illustration Red Dot via Unsplash

À L'ÉTUDE - Des compagnies aériennes songent aujourd'hui très sérieusement à imposer la vaccination à leurs futurs voyageurs. Une mesure tout à fait envisageable mais qui ne fait pas l'unanimité

Les propos du dirigeant de la compagnie australienne Quantas ces derniers jours ont été largement commentés. S'exprimant à la télévision australienne lundi matin, Alan Joyce a confirmé qu'une fois que le vaccin tant attendu sera disponible, sa compagnie aérienne demandera à chaque passager de présenter une preuve de vaccination avant d'embarquer sur son vol. "Nous envisageons de modifier nos conditions générales pour dire que, pour les voyageurs internationaux, nous demanderons aux gens de se faire vacciner avant de pouvoir monter à bord de l'avion", a-t-il ainsi déclaré.

Durement touchés par la crise sanitaire les professionnels du secteur aérien explorent actuellement cette hypothèse. Ils espèrent en effet une réouverture rapide des frontières afin que reprennent les vols commerciaux aujourd'hui impossibles. Pour eux, l'arrivée prochaine d'un vaccin est une aubaine, même si toutes les compagnies ne semblent pas pour l'heure prête à exiger une preuve de vaccination afin de laisser leurs clients embarquer.

Une réflexion qui progresse

En théorie, rien n'empêche une compagnie d'exiger une preuve de vaccination au moment de l'embarquement. "Elles peuvent mettre à jour leurs conditions générales de transport et ainsi l'exiger", explique à LCI l'avocat Thierry Mazoyer, membre du cabinet Chevrier et spécialisé dans le droit aérien. "Si un pays exige que sa population soit vaccinée, les voyageurs n'auront de toute façon pas le choix et les compagnies devront s'assurer que les voyageurs auront eux aussi reçu un vaccin". Il doute néanmoins que les compagnies réclament des vaccins pour des destinations où les textes législatifs locaux ne l'imposent pas. "Si certaines le demandent, les voyageurs risquent en effet de se tourner vers les concurrents, plus permissifs et qui ne rendront pas obligatoire le vaccin", glisse-t-il. 

La question n'est en tout cas pas taboue dans le secteur puisque l'Association internationale du transport aérien (IATA), planche aujourd'hui sur une "application mobile qui aidera les voyageurs à prouver leur absence de contamination", rapporte Al Jazeera. L'organisation explore toutes les pistes possibles, déterminée à faire cesser au plus vite la crise actuelle. IATA, cette semaine, a fait savoir que pour 2020, des pertes cumulées de 118 milliards de dollars sont à craindre, soit près de 100 milliards d'euros.

Sollicitée par LCI, Star Alliance (qui regroupe 26 compagnies dans le monde) indique qu'il est "possible, voire probable, que davantage de compagnies aériennes dans le monde adoptent une politique telle que celle annoncée par Qantas". Pour autant, à ce jour, "aucune politique spécifique d'une compagnie aérienne membre de Star Alliance n'a encore été annoncée", et une "décision à l'échelle de l'Alliance (c'est-à-dire collective) n'a pas encore été discutée". Pour l'heure, un "protocole de test harmonisé" est développé, "combiné au développement d'une technologie de laissez-passer sanitaire qui pourrait être intégrée au voyage des passagers, afin de faciliter la connectivité mondiale".

Les compagnies low-cost disent déjà "non"

Rien ne permet aujourd'hui de prédire une adoption massive de ces exigences par les compagnies. Certaines ont en effet déjà émis quelques réserves, à l'instar de Japan Airlines qui assure "ne pas avoir le projet" de demander aux voyageurs étrangers de se faire vacciner. RTL note que  Korean Air, pour sa part "préfère attendre le développement d'un vaccin", quand Air France fait preuve de prudence et "attend d'abord les décisions gouvernementales". Un représentant de l'entreprise tricolore indique que la firme "participe activement aux discussions avec les gouvernements français et internationaux et les autorités sanitaires et suivra les recommandations ou obligations qui seront émises pour le transport des passagers".

Du côté des low-cost, on annonce d'ores et déjà qu'un vaccin ne sera pas demandé. "Aucun certificat de vaccination ne sera exigé pour les vols court courrier dans l'UE", a précisé à Euronews un porte-parole de Ryanair. "Dans le cadre du régime de libre circulation de l'UE, nous pensons que les restrictions de quarantaine seront levées au printemps 2021, une fois que des vaccins efficaces seront disponibles pour protéger les groupes à haut risque contre le Covid-19." Son concurrent Easyjet se trouve sur la même longueur d'ondes, comme le souligne le Financial Times.

Miser sur les tests plutôt que sur les vaccins soutient par ailleurs l'idée d'un "passeport sanitaire numérique", pour lequel plaident également la Chambre de commerce internationale ou l'Organisation mondiale du tourisme. Celui-ci permettrait de regrouper numériquement les données des passagers relatives à l'épidémie, et notamment  de lister les différents tests réalisés. Des travaux sont déjà à l'étude pour le développer, soutenus entre autres par une large cohorte d'aéroports à travers le monde. Se posera néanmoins la question de la sécurisation des données personnelles associées à ce passeport d'un nouveau genre.

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Thomas DESZPOT

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