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Les vacances d’été creusent-elles les inégalités sociales à l’école ?

Publié le 8 juillet 2023 à 21h10, mis à jour le 24 août 2023 à 18h40

Source : TF1 Info

Le président veut écourter les deux mois et demi de vacances estivales, qui favoriseraient les inégalités entre les élèves.
Si le constat est effectivement vrai, le sujet est plus vaste et comprend le rythme scolaire ou encore le temps passé à l’enseignement.

C'est l'un des grands projets de la rentrée pour Emmanuel Macron. Dans une interview au Point, publiée mercredi 23 août, le président de la République a dit souhaiter que les élève "qui en ont besoin" puissent rentrer à l'école "dès le 20 août" pour "faire du rattrapage". Une idée déjà évoquée fin juin par le chef de l'État, au cours d'un déplacement à Marseille, où il avait déjà estimé que les vacances scolaires étaient trop longues. "Quand on a des vacances de trois mois, l'inégalité revient", avait-il alors affirmé. 

Une donnée qui a bien été mesurée par l’Éducation nationale. Dans une note rendue publique en avril, la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) s’est penchée sur le cas d’élèves entrés en CP en 2020. Si les écarts de performances se réduisent au cours de l’année scolaire, ils augmentent une fois les deux mois d’été terminés. En mathématiques, "les écarts de performances entre les élèves selon leur secteur de scolarisation augmentent dans tous les domaines au détriment de ceux scolarisés en éducation prioritaire" et surtout ceux en REP+. Le constat est le même en français, en lecture et en écriture.

Des vacances "plus ou moins enrichissantes"

"En fonction des parents et de leur profession, les vacances sont plus ou moins enrichissantes. Huit semaines, ça peut poser un problème pour des enfants qui n’ont pas d’ouverture sur la culture ou la nature. Après six semaines, il y a une déperdition de savoir", abonde pour TF1info Corinne Heckmann, analyste à la direction de l’éducation et des compétences à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). 

Si le chef de l’État formule le souhait de raccourcir la pause estivale pour rétablir de la justice à l’école, il ne s’attaque pas ici aux causes. À savoir le fait que certains enfants ne partent pas en vacances, et n’approfondissent pas suffisamment les compétences acquises au long de l’année scolaire. En 2019, 39% des Français interrogés par la Fondation Jean Jaurès disaient avoir souvent renoncé à partir en vacances ces cinq dernières années pour des raisons financières et 26% de manière plus épisodique. 

L'étude s'appuie sur les résultats des évaluations en mathématiques et en français de 20 000 élèves entrés en CP dans le secteur public en 2020.
L'étude s'appuie sur les résultats des évaluations en mathématiques et en français de 20 000 élèves entrés en CP dans le secteur public en 2020. - Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance

Et les inégalités ne se creusent pas seulement dans des compétences scolaires puisque l’Insee constate que "plus les élèves partent longtemps en vacances d’été et plus ils ont l’occasion de pratiquer de nouvelles disciplines sportives, ce qui diversifie et renforce leur intérêt pour le sport pendant leurs loisirs". La durée des vacances, et la forme qu’elles prennent, jouent donc un rôle indéniable dans l’écart de l’apprentissage entre élèves favorisés et défavorisés. Mais pour de nombreux spécialistes, ce sujet, qui revient sans cesse dans le débat public, n’est pas le plus urgent à traiter face aux inégalités. "En réalité, c’est un échec de l’école", soutient Corinne Tapiero, présidente de l'Observatoire des parents et de l'école. "Le facteur réel d’inégalités, c’est que l’école ne joue plus le rôle d’ascenseur social et que des enfants ne savent plus lire en rentrant en classe de 6e." 

Il est vrai que milieu scolaire accentue lui-même les inégalités sociales, d’après les travaux du Programme international de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves (PISA) qui pointent que "la France est l'un des pays de l'OCDE où le lien entre le statut socio-économique et la performance dans PISA est le plus fort avec une différence de 107 points entre les élèves issus d’un milieu favorisé et ceux issus d’un milieu défavorisé. Cette différence est nettement supérieure à celle observée en moyenne dans les pays de l’OCDE (89 points)".

Pour mieux consolider les acquis de chaque élève, d’autres améliorations du calendrier scolaire pourraient être envisagées. Avec 8,2 semaines, la France n’a pas les vacances d’été les plus longues, se situant plutôt dans la moyenne basse européenne. Mais avec 120 jours sur une année, elle totalise plus de congés que de nombreux voisins. C’est aussi le cas de l’Estonie, de la Grèce, de l’Italie, de la Lettonie, de Malte et de la Roumanie, comme le montre la Commission européenne.

Et ces nombreux jours de repos sont parfois mal répartis de septembre à juin, souligne Corinne Tapiero. "Les congés interviennent parfois dans l’année de manière très rapprochée, pour certaines zones. Quand on reprend l’école cinq semaines et que l’on a des congés de deux semaines, des acquisitions peuvent ne pas être consolidées dans les petites classes. Et dans les collèges et lycées, du fait de cette mauvaise organisation de l’année, les élèves sont en évaluation permanente. Cette évaluation ne reflète pas ensuite les acquis." Autre écueil du rythme scolaire, selon Laurent Frajerman, chercheur à la Fédération Syndicale Unitaire (FSU) au micro de France culture : "La nouveauté, c’est que le temps d’enseignement, proprement pédagogique, n’est pas si important". A contrario, le temps passé à l’école, lui, augmente au fils des ans. 

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Caroline QUEVRAIN

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