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Une loi européenne va-t-elle obliger les réseaux sociaux à supprimer "les contenus qui appellent à la révolte" ?

Publié le 11 juillet 2023 à 19h17

Source : JT 20h Semaine

À partir du 25 août, dans l'UE, les plateformes seront contraintes d’effacer plusieurs types de contenus problématiques publiés sur les réseaux sociaux.
Ce qui pourrait s’appliquer à des cas comme celui des violences urbaines en France, a affirmé le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton, lundi.
Explications.

Ils ont été pointés du doigt pendant les violences qui ont secoué la France. Les réseaux sociaux seront-ils bientôt contraints d’agir sous peine de fermeture ? Ce lundi 10 juillet, le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton a prévenu l’ensemble des plateformes au micro de France Info : "Dès qu’il y aura des contenus haineux, des contenus qui appellent à la révolte, qui appellent également à tuer, elles auront l’obligation dans l’instant de les effacer. Si elles ne le font pas, elles seront immédiatement sanctionnées", a-t-il affirmé. Une disposition qui entrerait en vigueur dès le 25 août. 

Ses propos ont suscité de vives critiques. Certains, comme Nicolas Dupont-Aignan parlent de "censure massive", tandis que d’autres invoquent la mémoire des révolutions arabes de 2011, qui n’auraient pas pu exister sans les appels formulés sur les réseaux sociaux. 

À quoi Thierry Breton faisait-il référence dans son avertissement ? Le commissaire européen renvoie au Digital Services Act (DSA), ou règlement sur les services numériques, en passe d’être appliqué dans l’Union européenne (UE). Le règlement européen doit entrer en vigueur en février 2024, mais son application aux plateformes est avancée, donc, au 25 août.  

Qui est concerné ?

La participation des réseaux sociaux au projet a été formellement mentionnée par la Commission européenne en avril dernier. Les récents événements en France ne sont qu’un hasard du calendrier. Dans le détail, 17 plateformes en ligne et deux moteurs de recherche vont être concernés par le texte : Alibaba AliExpress, Amazon Store, Apple AppStore, Booking.com, Facebook, Google Play, Google Maps, Google Shopping, Instagram, LinkedIn, Pinterest, Snapchat - particulièrement cité durant les violences urbaines -, TikTok, Twitter, Wikipedia, YouTube et Zalando, mais aussi Bing et Google Search. 

Selon le règlement européen, l’ensemble des réseaux sociaux et autres plateformes seront contraints de proposer un outil à leurs utilisateurs pour signaler les contenus illicites, susceptibles d’être effacés. Après le signalement d’un contenu, son retrait ou son blocage devra être effectué par les plateformes. 

Violences urbaines : Emmanuel Macron songe à "couper" les réseaux sociauxSource : TF1 Info

Quels contenus ?

Thierry Breton a évoqué des "contenus qui appellent à la révolte". Or, cette catégorie n’est pas explicitement prévue par le règlement, qui évoque quatre catégories de "risques systémiques" que les plateformes doivent anticiper. À savoir la diffusion de "contenus illicites par l’intermédiaire de leurs services" (pédopornographie, vente de produits illégaux), de contenus ayant un "effet négatif réel ou prévisible pour l’exercice des droits fondamentaux", sur "le discours civique, les processus électoraux et la sécurité publique" et "lié aux violences sexistes et à la protection de la santé". 

Des définitions très larges qui intégreraient donc, au troisième point, les publications appelant à "la révolte". Difficile de savoir quels posts seraient précisément visés : cela vaudra-t-il par exemple pour les simples appels à manifester ? Interrogée sur ce point, la Commission européenne n'est pas revenue vers nous pour le moment. 

Quelles sanctions ?

C'est bien à la Commission européenne qu'il appartiendra de vérifier la bonne application du texte dès le mois d’août. Des coordinateurs seront ensuite nommés dans chaque État membre. En France, le nom de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) est proposé dans le cadre d’un projet de loi discuté au Sénat. Mais, "à aucun moment, l’Arcom n’est partie prenante dans ces discussions sur le bien-fondé de retirer des contenus", comme elle le souligne à TF1info. Si cela se fait, cette autorité aura essentiellement pour rôle de "veiller à la cohérence du DSA (règlement des services numériques en français, NDLR) dans le pays, avec les autres acteurs de régulation du numérique, comme la Cnil". 

Si des manquements sont constatés, des sanctions sont prévues. D’après Vie publique, "pour les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche, la Commission pourra infliger des amendes pouvant aller jusqu'à 6% de leur chiffre d'affaires mondial". Cela pourra aller jusqu’à leur bannissement de l’UE puisqu’"en cas de violations graves et répétées au règlement, les plateformes pourront se voir interdire leurs activités sur le marché européen".


Caroline QUEVRAIN

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