Absentéisme et grève : y en a-t-il plus à Marseille que dans d'autres grandes villes ?

Publié le 4 septembre 2021 à 20h14, mis à jour le 6 septembre 2021 à 10h20

Source : JT 20h WE

ÉCLAIRAGE - Lors de son séjour à Marseille, Emmanuel Macron a pointé du doigt des dysfonctionnements au sein de la fonction publique de la cité phocéenne. Un constat que les acteurs locaux ne contestent pas, mais qui se révèle très difficile à étayer par des données précises.

En déplacement à Marseille cette semaine, le président de la République a présenté une stratégie de soutien de l’État à la cité phocéenne. Lors d'un discours prononcé depuis le palais du Pharo, Emmanuel Macron a listé des défaillances sur lesquelles la municipalité devra agir à l'avenir, pointant par exemple un "problème" avec les "personnels municipaux". Chez ces agents, on observe selon lui "trop de grèves", tandis que le secteur éducatif  souffrirait particulièrement de "l'absentéisme". 

Des dysfonctionnements

Un sujet, a-t-il lancé, "dont il faut se parler en toute franchise parce que l'État ne vient pas investir pour que, en quelque sorte, certains viennent prélever leur dîme". 

Des données permettent-elles d'étayer les déclarations d'Emmanuel Macron ? Si des études ont été réalisées, leurs conclusions restent sujettes à caution. La faute, notamment, à une certaine opacité : les villes se montrent réticentes à communiquer sur le sujet, quand les services de l'État reconnaissent tout simplement ne disposer d'aucun élément pour analyser la situation en détails.

Afin de savoir si les grèves et l'absentéisme étaient plus fréquents à Marseille qu'ailleurs parmi les agents municipaux, l'équipe des Vérificateurs a commencé par contacter la municipalité. Celle-ci, malgré de multiples échanges, n'a jamais communiqué de chiffres. Les mairies de Lyon et de Paris, également sollicitées afin de disposer d'éléments comparatifs, n'ont pas été plus coopératives. Pour disposer d'éléments, il faut effectuer ses propres recherches, et se pencher sur les bilans sociaux publiés par les villes. Des rapports annuels dans lesquels sont censés figurer des chiffres relatifs aux effectifs, aux répartitions par services, mais aussi aux absences.

Problème : les derniers rapports disponibles ne portent pas tous sur la même année. 2020 pour Marseille, année marquée par le Covid, et seulement 2018 pour Paris. Plus embêtant encore, les éléments communiqués par les municipalités diffèrent, si bien que les documents se révèlent bien souvent compliqué à comparer. Quand une municipalité évoque "un taux d'absentéisme" des agents municipaux, une autre préférera mettre en avant un "nombre total d'absences déclarées en jours ouvrés". 

En suivant la méthodologie décrite par la municipalité lyonnaise, des calculs permettent toutefois d'aboutir à un taux d'absentéisme d'environ 11% à Marseille. Un chiffre obtenu en multipliant par 100 le nombre cumulé de jours d'absences pour motifs médicaux (524.704), puis en le divisant ce total par le nombre d'agents municipaux permanents (13.000) lui-même multiplié par le nombre de jours d'une année (365). 11% pour 2020 à Marseille, c'est plus que les 8,1% affichés par Lyon en 2019, ou que les 7,6% de Paris en 2018. Méfiance tout de même, puisque le Covid est passé par là l'an passé. 

Du côté des ministères en charge de la Fonction publique et des collectivités territoriales, malgré des recherches poussées, aucun élément n'est disponible. Seul le chiffre de 9% d'absentéisme est communiqué, relatif à l'ensemble de la fonction publique territoriale. "Il y a une opacité importante des élus sur ce genre de données" déplore-t-on dans l'entourage d'une ministre, "et des problèmes de gestion des ressources humaines dans bon nombre de collectivités". Derrière ce "gros bazar", comme le nomme une source ministérielle, seuls figurent les chiffres fournis dans les bilans sociaux. Des documents jugés "pas forcément hyper fiables", nous indique-t-on, mais qui demeurent les seuls auxquels se raccrocher.

Ce sont d'ailleurs eux que l'Ifrap a épluché dans son "palmarès de l'absentéisme dans les grandes villes". Le think tank libéral a classé les métropoles par rapport à une moyenne du nombre de jours d'absence sur une année pour les agents municipaux. Si Marseille affiche 35,8 jours, elle se trouve derrière Lyon (26,8), Nice (28,9) ou Lille (30,9), mais elle est loin devant Montpellier, Toulouse ou Toulon, avec plus de 40 jours d'absence par agent. 

Des constats au-delà des chiffres

Que ce soit dans les cabinets ministériels ou du côté de la municipalité de Marseille, on ne nie pas que des dysfonctionnements existent. Si les données relatives aux grèves sont encore plus difficile à obtenir, en raison du contexte social très variable d'une année à l'autre et des mobilisations nationales qui se greffent aux enjeux locaux, les différents acteurs s'accordent sur certains points.

Le fait, notamment, que l'absentéisme touche plus spécifiquement certaines catégories d'agents. Ceux de catégorie C notamment, dont les métiers sont généralement ceux les plus concernés par la pénibilité. "Les filières ouvrières et techniques sont les plus touchées avec des effectifs plus importants et des agents plus âgés", confie à TF1 Emmanuel Grégoire, adjoint à la mairie de Paris. À Marseille, le secteur éducatif fait par ailleurs partie de ceux qui concentrent les tensions. 40% des agents manqueraient à l'appel dans les écoles, ont déploré auprès de TF1 des représentants d'associations de parents d'élèves, mettant notamment en avant la fermeture répétée de nombreuses cantines au cours de l'année scolaire. Relayées par les médias locaux, ces tensions sont reconnues par les syndicats, qui pointent régulièrement du doigt les sous-effectifs chroniques et la dégradation des installations, source de grèves et de mal-être au travail expliquent-ils.

Dans l'entourage du maire de Marseille, Benoît Payan, on prône le volontarisme. Quelque 300 embauches d'agents ont été effectuées, tandis que la gestion de la Ville par l'ancienne équipe municipale est mise à l'index. Emmanuel Macron, dans son discours, a d'ailleurs incité les élus marseillais à agir. Sans doute cela passera-t-il notamment par un alignement du temps de travail des agents municipaux, de 1.567 heures par an au lieu des 1.607 heures en vigueur dans la fonction publique. Une irrégularité que la cour régionale des comptes a, par le passé, épinglé à plusieurs reprises.

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La rédaction de TF1

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