Paiement des RTT : un spécialiste vous dit ce qui va (ou pas) changer pour vous

Propos recueillis par Matthieu Delacharlery
Publié le 27 juillet 2022 à 7h00

Source : JT 20h WE

L'Assemblée nationale a voté en fin de semaine dernière en faveur de la défiscalisation du rachat de jours de réduction de temps de travail.
Pour en savoir plus sur cette mesure qui vise à soutenir le pouvoir d'achat, TF1info a contacté Me Thierry Romand, avocat spécialisé en droit du travail.

Les députés ont voté en fin de semaine dernière, dans le cadre du projet de loi en faveur du pouvoir d’achat et le budget rectificatif, une mesure qui prévoit de défiscaliser le rachat des jours de réduction de temps de travail (RTT) auxquels les salariés auraient renoncé. Si elle est adoptée par le Parlement, les salariés du secteur privé pourront, jusqu'au 31 décembre 2023, monétiser leurs RTT non posées, qui seront alors défiscalisées, dans une limite de 7500 euros. Une mesure temporaire, qui vise à soutenir le pouvoir d’achat en cette période de forte inflation et se fera sur la base du volontariat, du salarié comme de son entreprise. Pour en savoir plus, TF1info a contacté Me Thierry Romand, avocat spécialiste en droit du travail et associé chez CMS Francis Lefebvre. 

TF1info : Concrètement, que va changer cette mesure pour les salariés ?

Me Thierry Romand : Les jours de RTT ont pour but de compenser les heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire de 35 heures. Imaginons par exemple qu'au cours de la semaine, un salarié travaille 37 heures, l'employeur va lui accorder en compensation des jours de repos en plus. Avec cette mesure, le rachat de jours de RTT non posés sera exonéré fiscalement et socialement, au même titre que les heures supplémentaires (avec la loi Sarkozy de 2007, ndlr). Le seuil d'exonération a été fixé à 7500 euros. Autrement dit, le salarié aura la capacité de vendre du temps de repos contre de la rémunération supplémentaire. Quelqu'un qui est aux 39 heures bénéficie en compensation de 22 jours de RTT dans l'année. Cela peut représenter une somme importante. Et il conserve de toute façon ses cinq semaines de congés payés ainsi que les jours fériés. Le seul risque, c'est qu'il y ait des pressions pour racheter les jours de repos, notamment dans les petites entreprises. Mais dans tous les cas, il faudra l’accord du salarié et aussi celui de l'entreprise.

Qui va bénéficier de cette défiscalisation du rachat de jours de RTT ?

En l'état actuel du texte voté à l'Assemblée, seuls les salariés du secteur privé soumis au régime horaire seront concernés. Il est possible que le dispositif soit élargi par la suite au secteur public. En tout cas, les déclarations du ministre de l'Économie Bruno Le Maire, qui est en charge du dossier, semblent aller dans ce sens, puisqu'il dit vouloir le pérenniser. En revanche, il ne s'appliquera pas aux salariés en forfait jours (lorsque la durée de travail du salarié n'est pas comptabilisée en heures, mais en jours, ndlr). Il s'agit principalement de cadres avec un niveau de rémunération élevé. Les concernant, un dispositif existant permet déjà à l’employeur de racheter les jours de repos (délivrés au salarié lorsqu'il effectue des heures au-delà du forfait, ndlr). Ces jours sont payés avec une majoration de 10% au minimum, mais sans exonérations à ce jour. Le dispositif actuel ne s'appliquant qu'aux jours de RTT, ils ne sont théoriquement pas concernés. Il serait pourtant logique que ces salariés en bénéficient aussi.

L’augmentation de salaires étant générée par les salariés, c'est un bon moyen pour les employeurs de ne pas passer à la caisse
Me Thierry Romand

Cette mesure a pour objectif d’améliorer le pouvoir d’achat, mais ne risque-t-elle pas d'être un frein aux augmentations de salaire ?

En effet, c'est possible. L’augmentation de salaire se faisant ici par les salariés, c'est un bon moyen pour les employeurs de ne pas passer à la caisse. C'est d'ailleurs ce qu'ont fait remarquer les députés de la Nupes et plusieurs organisations syndicales lors des débats à l'Assemblée nationale. 

Certains pointent également du doigt le fait que cette mesure va engendrer des pertes de recettes pour l'État et les organismes sociaux. Est-ce le cas ?

Dès lors que vous avez une mesure incitative qui comprend des exonérations fiscales et sociales, vous générez automatiquement des pertes de revenus pour l’État. Là, l’objectif est d’inciter les salariés à se faire racheter ces jours plutôt que de bénéficier de temps de repos. De toute façon, cet argent n'aurait pas été versée si le salarié avait pris ses jours, et ça n’affaiblit donc pas l’assiette de l’impôt. Au contraire, ce dispositif me parait plutôt vertueux. Cela donne au salarié qui en bénéficie une capacité de dépense supplémentaire, qui va se retrouver dans les caisses de l'État, notamment à travers la TVA et les impôts des commerçants.


Propos recueillis par Matthieu Delacharlery

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