"Les Âmes Sœurs" : Noémie Merlant, portrait d’une actrice à 100 à l’heure

Publié le 12 avril 2023 à 16h46, mis à jour le 12 avril 2023 à 19h27

Source : Sujet TF1 Info

Césarisée pour sa performance comique dans "L’Innocent", Noémie Merlant est ce mercredi à l’affiche du nouveau film d’André Téchiné, "Les Âmes Sœurs".
De "Portrait de la jeune fille en feu" au récent "Tár" avec Cate Blanchett, son CV est déjà l’un des plus passionnants du cinéma français.
À la rentrée, elle succédera à Sylvia Kristel dans le remake très attendu du film érotique "Emmanuelle" réalisé par Audrey Diwan.

La troisième tentative était la bonne. Nommée en 2017 au César de la révélation pour son rôle de candidate au djihad dans Le Ciel peut attendre, puis trois ans plus tard de la meilleure actrice pour sa composition incandescente dans Portrait de la jeune en fille, Noémie Merlant a décroché celui du meilleur second rôle féminin, le 24 février dernier, pour sa performance hilarante dans L’Innocent de Louis Garrel. Presque un contre-emploi pour cette spécialiste des personnages sombres et ambigus. "Ma vie a complètement changé !", se marre-t-elle à propos de cette récompense qui marque un tournant dans une carrière. "Je vis même un rêve éveillé depuis que le César fait briller tout mon appartement !".

Après avoir donné la réplique à Cate Blanchett dans le glaçant Tár de Todd Fields, nommé aux Oscars, on la retrouve cette semaine dans Les Âmes Sœurs, le nouveau film du vétéran André Téchiné. Dans ce drame psychologique troublant, Noémie Merlant incarne Jeanne, la sœur de David, un soldat français joué par Benjamin Voisin. Suite à une explosion lors d’une mission au Mali, ce dernier perd la mémoire au grand désarroi de la jeune femme qui entretient avec lui un lien unique.

"Elle a un côté très solitaire, Jeanne, c’est le seul moment où elle est apaisée parce que dès qu’elle est avec l’autre, elle donne tout", nous explique son interprète. "C’est quelqu’un qui est dans le dévouement absolu. Jusqu’au moment où elle parvient à poser ses limites et à dire stop. Elle va s’ouvrir petit à petit au fur et à mesure du film et moi, c'est un personnage qui me parle, je me reconnais en certains endroits. En particulier parce que ma mère est une aidante." Une allusion à peine voilée à son histoire familiale douloureuse.

Si Noémie Merlant est née à Paris en 1988, c’est à Rezé, en Loire-Atlantique, qu’elle a grandi loin des lumières du showbiz, auprès de ses parents, agents immobiliers, et d'une grande sœur atteinte d'un lourd handicap. En la voyant s'épanouir enfant dans des spectacles de danse et de chant, tous sont persuadés de son potentiel. Plus tard, ce sont eux qui la poussent à tenter sa chance au Cours de Florent, alors qu’elle s’apprête à s’inscrire en école de commerce. "Ce métier, ils en ont rêvé ma place", avoue-t-elle. "À un moment donné, je crois qu’ils se sont demandés s’ils n’avaient pas été trop naïfs. Mais ils m’ont toujours soutenue et je suis contente de leur montrer qu’ils ont bien fait."

Je prends tout ce que je peux prendre. Tout ce que je peux vivre. Comme si la vie pouvait s’arrêter à tout moment.
Noémie Merlant

Lors de son discours aux César, Noémie Merlant a pris soin de remercier tout spécialement son père, victime d’un AVC lors de son arrivée à Paris en 2010. Un drame qui explique, en partie, sa boulimie de travail, elle qui collabore aussi bien avec des grands noms comme Jacques Audiard sur Les Olympiades que des talents prometteurs comme Zoé Wittock avec l'étonnant Jumbo. "Je vis la vie à 100 à l’heure", reconnaît-elle. "Je suis comme ça. Je prends tout ce que je peux prendre. Tout ce que je peux vivre. Comme si la vie pouvait s’arrêter à tout moment. Quand mon père a eu son accident, je me suis dit qu’on en avait qu’une et qu’il fallait en profiter."

En 2018, la comédienne croise la route de la réalisatrice Céline Sciamma et de l’actrice Adèle Haenel. Leur rencontre donne lieu à Portrait de la jeune fille en feu, romance en costumes sensuelle et engagée qui a fait le tour du monde. "C’est un film qui m'a libéré de plein de choses", avoue-t-elle. "Mon rapport aux réalisateurs et aux réalisatrices a évolué. J’ai compris qu’un acteur n’était pas juste un pantin, mais un artiste auquel il faut faire confiance. Mais c’est aussi un film qui a bouleversé mon rapport au monde, à la société, aux femmes, à mes désirs. Qui a questionné mes choix de vie aussi."

Après deux courts métrages, Noémie Merlant signe en 2021 son premier long Mi iubita mon amour. Elle s’y met en scène dans la peau de Jeanne, une Française qui part fêter son enterrement de jeune fille en Roumanie avec sa bande de copines lorsqu’elle croise la route d’un jeune garçon qui bouleverse ses certitudes. Une expérience qu’elle va rééditer l’été prochain, sur un scénario de Céline Sciamma, dans un deuxième film où elle donnera la réplique avec Sandra Codreanu, déjà au générique du premier, et de l’actrice suisse Souheila Yacub.

D’ici là, c’est sur la Croisette qu’on pourrait la retrouver le mois prochain avec toute l’équipe du nouveau Nakache-Toledano, Une année difficile, fortement pressenti dans la sélection qui sera dévoilé ce jeudi. "C’est un film qui fait du bien et qui est tellement dans l’actualité", s’enthousiasme-t-elle. "Jonathan Cohen et Pio Marmaï incarnent deux types ultra-endettés, victimes de la société de consommation, qui se retrouvent propulsés un peu par hasard dans un groupe d’activistes écologistes dont je fais partie. Ça va créer un trio un peu improbable et infernal. Et ça va être très très drôle."

Dans la nouvelle version, Emmanuelle ne sera pas objet. Elle sera sujet.
Noémie Merlant

Après le tournage de son film, Noémie Merlant mettra le cap à l’automne sur le projet sans doute le plus sulfureux de sa carrière : le remake d’Emmanuelle, le classique de l’érotisme des années 1970 dirigé par Audrey Diwan, la réalisatrice de L’Événement. "Pour moi, c'est un voyage ce film. Un voyage vers des choses qui m’intéressent comme la sexualité féminine, avec les désirs de ce personnage, ses fantasmes. Il y a une prise de risque, forcément. Mais c’est un risque intéressant et important", estime-t-elle.

Cette nouvelle version sera-t-elle aux antipodes du film controversé de Just Jaeckin avec la regrettée Sylvia Kristel. "Je ne l’ai jamais vu et je n’en avais même jamais entendu parler", reconnaît-elle, un peu gênée. "Je suis peut-être complètement à côté de la plaque. J’ai appris qu’il s’était joué pendant dix ans sur les Champs-Élysées à l’époque. Peut-être que je devrais le rattraper ? Je ne sais pas, car le projet d’Audrey n’a rien à voir. En revanche, je vais lire le livre d’Emmanuelle Arsan dont il est inspiré. Avec Audrey et Rebecca Zlotowski qui co-écrit le scénario, je suis entre de bonnes mains. Dans ce film, Emmanuelle ne sera pas objet. Elle sera sujet."


Jérôme VERMELIN

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