Interview

Chéri Samba s'expose au Musée Maillol : "Je préfère qu'on me considère comme un artiste universel"

Publié le 17 octobre 2023 à 11h54, mis à jour le 20 octobre 2023 à 11h57

Source : Sujet TF1 Info

Du 17 octobre 2023 au 7 avril 2024, le musée Maillol consacre une grande rétrospective de l'œuvre du peintre congolais.
L'exposition qui retrace 40 ans de création nous plonge dans l'univers coloré et engagé du peintre au style bien particulier.
Rencontre avec ce fils de forgeron autodidacte devenu aujourd’hui l’un des plus célèbres peintres africains.

Des toiles qui mettent en joie et qui incitent aussi à la réflexion. Le Musée Maillol donne ce mardi le coup d'envoi d'une grande exposition consacrée à Chéri Samba, le peintre africain le plus célèbre de sa génération. Issues de la collection de Jean Pigozzi – la plus importante collection d’art contemporain africain au monde –, les œuvres exposées reviennent sur la vie et les engagements de l'artiste congolais autodidacte dont les œuvres se trouvent aujourd'hui aussi bien au Museum of Modern Arts à New York qu’au Centre Pompidou à Paris.

Âgé de 66 ans, Chéri Samba – qui se définit comme un "peintre journaliste" – s'est fait connaître grâce à ses peintures figuratives aux couleurs franches qui interpellent, dénoncent et provoquent le spectateur pour le pousser à la réflexion. Fin observateur de la vie quotidienne, mais aussi du monde qui l'entoure, ce fils de forgeron, qui a quitté l'école à 16 ans, pose un regard très personnel et critique sur les travers des sociétés africaines et occidentales. 

Dans un style mêlant image et texte, il aborde des sujets aussi variés que l'esclavage, le racisme, la géopolitique, la guerre ou la place de la femme dans la société. Le tout avec un humour à toute épreuve, à l'image de l'artiste que nous avons eu la chance de rencontrer lors de son passage à Paris. 

Chéri Samba, Little Kadogo - I am for peace, that is why I like weapons, 2004.
Chéri Samba, Little Kadogo - I am for peace, that is why I like weapons, 2004. - Chéri Samba / Photo : Maurice Aeschimann Courtesy The Jean Pigozzi African Art Collection

On vous présente généralement comme l'artiste africain contemporain le plus populaire de sa génération. Qu'est-ce que ça vous inspire ? 

Chéri Samba : J'en suis évidemment fier, car je suis un artiste africain. Mais parfois ça me gêne. Même si je suis né quelque part en Afrique, je préfère qu'on me considère comme un artiste universel. Avant, on ne croyait pas qu'il y avait des artistes en Afrique. Si on nous donne ce titre, c'est parce qu'on est enfin sortis du lot. 

Votre travail est très pétillant, très coloré, mais aussi très engagé. Quel message voulez-vous faire passer à travers votre œuvre ? 

Ce n'est pas à moi qu'il faut le demander, il suffit juste de regarder ce que je fais. Parler de soi pour un artiste, ce n'est vraiment pas facile. Je préfère écouter les gens dire de ce qu'ils ressentent face à mes toiles. En voyant mon travail présenté au Musée Maillol, je peux dire que je suis fier de moi, du chemin parcouru et de toutes les personnes qui m'ont soutenu. 

Chéri Samba, Quel avenir pour notre art ?, 1997 (Triptyque 1).
Chéri Samba, Quel avenir pour notre art ?, 1997 (Triptyque 1). - Chéri Samba / Photo : Maurice Aeschimann Courtesy The Jean Pigozzi African Art Collection

Vos toiles poussent toujours à la réflexion. On a le sentiment qu'elles sont là pour ouvrir un dialogue…

Oui, voilà. Et j'aime les personnes se posent des questions et se mettent dans ma peau. Quand je peins, j'ai trois soucis : être fidèle à la réalité, dire la vérité et faire de l'humour. J'aime voir les gens sourire devant mes tableaux. Les messages passent mieux quand on les dit avec humour et dérision.

Pourquoi le texte a-t-il autant d'importance dans vos toiles ? 

Vous savez, moi, je suis très pauvre en lecture. Lire un journal, par exemple, ça me prend beaucoup de temps. Je me suis dit qu'il y avait surement beaucoup de personnes comme moi, qui lisent lentement. Le fait de mettre un peu de texte va attirer ces gens-là et leur donner envie de regarder mes tableaux.

Chéri Samba, Quelle solution pour les hommes ? Les femmes étant beaucoup plus nombreuses sur la terre, 2001.
Chéri Samba, Quelle solution pour les hommes ? Les femmes étant beaucoup plus nombreuses sur la terre, 2001. - Chéri Samba / Photo : Maurice Aeschimann Courtesy The Jean Pigozzi African Art Collection

La femme a également une place centrale dans votre œuvre...

Sans la femme, le monde n'existerait pas. Je ne sais pas comment la remercier. Peut-être que sans l'homme, le monde n'existerait pas non plus, mais moi, je vois d'abord la femme.

Est-ce que vous peignez encore aujourd'hui ? 

J'ai toujours avec moi une valise pleine d'idées. Mais le problème, c'est le temps. À l'époque, j'étais capable de peindre dix tableaux par semaine. Bon, il fallait voir la qualité de ce que je peignais ! Mais maintenant, finir un tableau, c'est vraiment difficile, surtout parce que je peins en série. 

Vous êtes né à Kinshasa, fils d'un forgeron. Ça fait quoi de savoir que vos tableaux sont exposés au MoMa de New York et au Centre Pompidou à Paris ? 

C'est une fierté, un sentiment de joie. J'ai toujours été le chouchou des Français. Même dans les expositions collectives auxquelles j'ai participé, il y avait toujours des autorités qui venaient aux inaugurations. Je ne suis pas inconnu ici. Pareil chez les Belges, je suis aussi leur chouchou !


Rania HOBALLAH

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