Pourquoi suivre votre partenaire sur les réseaux sociaux est une mauvaise idée

Publié le 28 septembre 2022 à 15h26

Source : Sujet TF1 Info

On peut se demander s'il est judicieux d'être ami avec son ou sa conjoint(e) sur les réseaux sociaux.
Entre tout savoir de l'autre et préservation de son jardin secret, faut-il céder à cette tentation du "follow" ou s'en tenir éloigné ?
Les psys que nous avons interrogés penchent clairement pour la seconde option.

Suivre ou ne pas suivre son homme ou sa femme sur Facebook ou Twitter, that's the question... On le sait trop bien, couple et réseaux sociaux ne font pas toujours bon ménage, n'en déplaise aux amoureux qui s'exhibent tout sourire sur Instagram avec séduction de surface (oh, les belles photos) et miasmes pathologiques (hyperactivité, surexposition de soi...). S'ils peuvent rapprocher deux partenaires en leur permettant de partager leurs passions, leurs hobbys, et créer une proximité affective, ces réseaux peuvent très souvent ébranler la relation en instillant le doute. Pire encore, la simple présence du conjoint(e) dans un fil d'actualité peut réveiller chez certains de vilains sentiments comme la jalousie ou le ressentiment. D'où notre question : suivre son partenaire sur les réseaux sociaux est-il à proscrire ? 

Selon la psychanalyste Elsa Godart, auteure de "Je selfie donc je suis : Les métamorphoses du moi à l'ère du virtuel", "quand on 'se tient la main' sur les réseaux sociaux, cette manière de mettre en scène son couple peut se révéler 'cool', à l'image de ceux qui n'ont qu'un seul compte Facebook ou Instagram, comme une unité sans équivoque. Mais pas la peine de rêver, cela concerne une infime minorité et c'est souvent d'une durée limitée : quand chacun a son identité propre sur les réseaux sociaux, ce n'est vraiment pas la même chanson." Et les réseaux sociaux de s'avérer tout d'abord un outil particulièrement propice aux gaffes : "On ne compte plus les cas très classiques de couples où l'un des deux a un amant ou une maîtresse et où, au lieu d'envoyer un message à ce ou cette dernière, un acte manqué a lieu et c'est la mauvaise personne qui le reçoit", nous raconte-t-elle.

Perte de contrôle

Surtout, selon la psychanalyste, la simple présence numérique de l'autre a tendance à exacerber les sentiments : "Dans les couples en crise que je reçois, il s'est toujours passé 'quelque chose" sur les réseaux sociaux. C'est quasiment inévitable. La pire des souffrances, c'est de voir son ou sa conjointe en ligne alors qu'il ou elle n'a pas répondu aux sms qu'on lui envoie. Le signal de cette présence autorise l'autre, jaloux, à faire des enquêtes, à espionner, à se faire des films...". En d'autres termes, certains éprouvent la sensation que l'autre leur échappe dès lors qu'il batifole sur les réseaux sociaux, ouvert à toutes les propositions.

Les amoureux les plus paranos peuvent d'ailleurs suivre l'autre à la trace chaque jour grâce à la géolocalisation, aux stories des amis en commun ou à la mention sur Facebook... Et ne parlons même pas du simple "like", générateur de tremblements de terre dans le couple : "Quand l'homme 'like' la photo d'une femme sur Facebook ou sur Twitter, sa compagne peut le voir à distance. Bien sûr, si un couple se dispute à cause d'un tel motif, c'est sa fragilité qui éclate au grand jour. Ce genre de conflit témoigne du fait que nous vivons sous le règne du factice avec interprétations, élucubrations, angoisses".

Problème de l'investissement

L'autre confusion qui peut provoquer de la souffrance, c'est l'investissement numérique de l'autre au détriment de la communication au sein du couple. La question peut légitimement se poser quand vous avez quelqu’un en face de vous, ou à côté de vous, qui préfère regarder ailleurs : qu'est-ce qu'il ou elle fabrique sur ces réseaux sociaux apparemment plus passionnants que ce que l'on vit ensemble au quotidien ? Un problème se pose aussi pour l’intimité du couple, selon le psychothérapeute Alexis de Maudhuy, que nous avons également interrogé : "Il y a des choses qui peuvent être partagées à deux mais pas avec les autres. Avant, les femmes parlaient de visu avec leur meilleure amie dans une relation de confiance et de confidentialité. Maintenant, il y a une perte de contrôle du fait de la nature de la relation électronique de type Instagram, Snapchat... on partage plus, avec plus de monde et parfois, on partage sans l’avoir vraiment voulu. Ce qui peut créer des frictions avec le conjoint."

Et qui dit jalousie dit souffrance. Selon une étude réalisée en 2017 par Gleeden, près de 72 % des Européens estiment que leur partenaire passe trop de temps sur les réseaux sociaux, et plus de la moitié (57 %) se sentent délaissés par leur conjoint hyper-connecté. Ainsi, le risque est grand de voir se creuser un fossé entre les deux partenaires, chacun évoluant dans une vie parallèle qui n’a plus rien à voir avec la vie réelle : "Un paradoxe notable que montrent les études est que plus on interagit sur les réseaux sociaux, et moins on est capable d’empathie et de disponibilité pour l’autre, souligne auprès de TF1info le sociologue Rémy Oudghiri. La vie en réseau et la vie de couple entrent en collision directe : la survie d’un couple demande du temps long, alors que la logique des réseaux est celle du temps court.

La solution : ne pas se suivre

D’après le psychothérapeute américain Ian Kerner, dont l'étude a été reprise par le site américain spécialisé en médias numériques Daily Dot, "ne pas s’ajouter sur Facebook serait vital pour le couple". Alexis de Maudhuy cite de son côté l'exemple de Nicole Kidman, qui avait déclaré que le secret de ses années de mariage avec Keith Urban était le refus de la communication électronique. Elsa Godart confirme également la nécessité de s'éloigner de ces lieux virtuels où l'on retrouve facilement d'anciennes amours non terminées, des fantasmes exacerbés : "La meilleure manière d'éviter l'érosion du couple, c'est de s'éviter sur les réseaux sociaux". 

Certes, mais comment faire comprendre à son ou sa conjoint(e)que vous refusez sa demande d'amitié sur Facebook ? "Si vous tenez à lui ou à elle, la meilleure façon, répond la psychanalyste, c'est de lui dire franchement 'je trouve que les réseaux sociaux sont sources de quiproquos, de malentendus, et ne favorisent pas la bonne entente'. C'est faire preuve d'honnêteté et de confiance que de dire que l'on préfère avoir des relations réelles avec son ou sa partenaire, plutôt que des relations virtuelles." En d'autres termes, une relation qui fonctionne bien n’a pas besoin d’Instagram, Facebook, Twitter ou Snapchat. On peut s'y suivre, mais à bonne distance. 


Romain LE VERN

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