Quand des oiseaux jettent les déchets dans une poubelle

Publié le 1 juin 2023 à 10h12

Source : JT 13h Semaine

Près d’Aix-en-Provence, une start-up développe une BirdBox pour éduquer certains oiseaux à ramasser les déchets.
Autonomes, les corbeaux apprennent à identifier et jeter des détritus contre une récompense alimentaire.

"Il vit d’air pur et d’eau fraîche, l’oiseau", chantait Michel Fugain. Aujourd’hui, rien n’est moins sûr : la pollution, les pesticides, le bruit ou la luminosité nocturne font beaucoup de mal aux volatiles. D’après une étude publiée dans le magazine Proceedings of the National Academy of Sciences, un quart des oiseaux européens a disparu depuis 1980. Ce chiffre grimpe à 60 % en milieu agricole. Empoisonnés par des déchets ou des pesticides, étouffés par des sacs plastiques, dépourvus de nichoirs ou de quoi manger ou boire, beaucoup d’oiseaux se retrouvent piégés par une forte artificialisation des sols. Ils ne peuvent plus vivre correctement à l’état naturel et, attirés par la nourriture, ils se rapprochent des humains jusqu’à devenir des nuisibles dans certains quartiers urbains.

En 2020, Jules Mollaret, alors étudiant en école de commerce, constate que les oiseaux s’intéressent aux déchets. Près des parcs, il les voit fouiller dans les poubelles. Il se rend compte que certains corvidés s’exercent à une forme de tri. "J’ai pensé que si les oiseaux se mettaient à ramasser les déchets, ils nous donneraient une bonne leçon", s’amuse le jeune entrepreneur. Il se rapproche de scientifiques et imagine une coopération inter espèce pour débarrasser les parcs des déchets. Avec Thibault Cour, ils créent Birds For Change, une start-up pour développer une nouvelle poubelle intelligente. Objectif, confier la gestion de petits déchets aux corvidés en échange d’une récompense alimentaire.

Une machine intelligente pour apprendre aux oiseaux à ramasser

La poubelle se présente sous la forme d’un gros boîtier, avec un conduit en dessous fermé par une trappe. Juste à côté, une petite mangeoire propose des croquettes à base d’insectes lorsque l’oiseau réussi sa mission. "La boîte permet d’apprendre, sans intervention humaine, aux corvidés (corbeaux, pies, corneilles ou geais des chênes), à collecter des déchets. L’entreprise met entre 4 et 6 mois en fonction du lieu et de la volonté des corvidés", décrit Jules Mollaret, cofondateur du projet. La boîte est équipée de petites caméras. Elles analysent en temps réel les objets ramenés par les oiseaux et l’intelligence artificielle détermine s’il s’agit bien de détritus ou de poussières naturelles. "Les corvidés comprennent vite que ça ne sert à rien de ramener des feuilles puisqu’elles ne rapportent pas de récompense", ajoute le jeune entrepreneur.

Pour entraîner ces oiseaux d’une grande intelligence, les fondateurs de la BirdBox ont élaboré, avec des scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle et des éthologues du CNRS, un apprentissage en 4 étapes :

- Attirer l’oiseau près de la boîte pour qu’il l’identifie

- S’il se pose dessus, l’oiseau obtient une récompense alimentaire

- Laisser des déchets sur la boîte et l’inciter à les jeter dans le trou en échange d’une croquette

- L’encourager à aller chercher des déchets en échange d’une nouvelle croquette

Installée près d’un parc, dans une zone de passage, la boîte doit mettre en confiance l’oiseau. "Une fois qu’un oiseau est éduqué, il va en convaincre d’autres de faire pareil par mimétisme. Les oiseaux ramassent entre 5 et 30 déchets par jour en fonction de leur motivation", s’enthousiasme Jules Mollaret. Quatre BirdBox font déjà travailler les corvidés : deux au jardin des plantes de Paris, une à Strasbourg en partenariat avec le CNRS et l’INRA et une autre au Technopôle de l’environnement de l’Arbois-Méditerranée (Bouches-du-Rhône). De nombreuses collectivités locales, entreprises et fondations se disent prêtes à se procurer une boîte pour débarrasser les environs.

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Réconcilier l’homme et le corbeau

Après deux ans de recherche, la poubelle arrive sur le marché. "Le plus difficile pour nous, c’était de concevoir des boîtes résistantes aux intempéries", raconte Jules Mollaret. La start-up fabrique ses BirdBox en 3D à partir de matériaux biosourcés et biodégradables. Le jeune entrepreneur n’envisageait pas ce projet sans impact environnemental. "Je ne prends plus l’avion, je lis beaucoup et je remets en question ce qui nous entoure", explique le jeune startuper. Il espère réconcilier les corbeaux et les humains : "Les citadins perçoivent les corvidés comme une espèce invasive. En France, on en tue environ 1 million par an. Une solution complètement inefficace puisque les oiseaux reviennent. Les chercheurs estiment que notre poubelle intelligente redorera leur blason", promet le cofondateur de la BirdBox.

Et quant aux potentiels dangers auxquels les volatiles seraient exposés, que les amis des animaux se rassurent, les oiseaux ne peuvent pas s’empoisonner. "Ils se servent de leur bec comme une pince. Leur langue, très reculée, n’est jamais en contact avec le déchet. Ils n’ont pas de gorge donc ils ne risquent pas de s’infecter", conclut Jules Mollaret.


Geoffrey LOPES

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