Observe-t-on une hausse des incendies à travers le monde ?

Publié le 21 août 2021 à 21h30, mis à jour le 21 août 2021 à 23h00

Source : JT 20h WE

EMBRASEMENT - Marqué par des feux de forêt massifs, l'été 2021 est-il plus touché que ceux des années précédentes ? Les incendies sont-ils en hausse à travers le globe et multipliés par le changement climatique ? LCI fait le point sur cette question complexe.

Dans le Var, les pompiers sont toujours mobilisés afin de lutter contre d'importants feux de forêts toujours non maitrisés. La France, cet été, n'est pas le seul pays en proie aux flammes, puisque l'on se souvient des incendies qui ont touché ces dernières semaines la Grèce, l'Algérie ou encore la Turquie. Des images qui interpellent et inquiètent, faisant écho aux flammes qui ont ravagé l'Amazonie en 2019, où aux 18 millions d'hectares partis en fumée la même en Australie.

Alors que le dernier rapport du Giec s'est montré plus alarmiste que jamais, doit-on imputer ces événements au changement climatique ? Si 2021 pourrait constituer une année record, les progrès technologiques nous permettent aujourd'hui de disposer de données à l'échelle mondiale et d'augmenter notre compréhension des risques. Il en résulte des observations très contrastées.

Une tendance à la baisse à l'échelle mondiale

Comme pour n'importe quel autre phénomène naturel, il est périlleux de tirer des conclusions en n'observant qu'un secteur géographique précis. Longtemps, il fut difficile de mesurer l'ampleur et la fréquence des incendies à travers le globe, des écueils dépassé ces dernières décennies grâce aux progrès de la science et au développement de l'imagerie satellite. 

Depuis l'espace, il est possible de cartographier les départs de feu et de calculer les surfaces touchées par les incendies. La Nasa, notamment, propose un outil de visualisation qui détaille les départs de feu et les lieux touchés jour après jour par les flammes. Accessible en ligne, il illustre la prédominance des incendies en Afrique centrale (RDC, Zambie, Angola) ou en Amazonie. 

Les récents départs de feux sont matérialisés par des points orange sur cette carte.
Les récents départs de feux sont matérialisés par des points orange sur cette carte. - Nasa

Il est plutôt logique que ces zones soient les plus vulnérables aux incendies, regroupant certaines des forêts les plus vastes de la planète. Le Sahara, où la végétation est quasi inexistante, se trouve pour sa part logiquement épargné, tout comme le Groenland ou l'Himalaya. 

Notons que les États-Unis s'apprêtent à enregistrer pour 2021 un triste record, celui des surfaces totales parties en fumées en un an. Les niveaux de 2020, déjà marquée par un pic, ont été dépassés. Il en va de même pour la Turquie, qui a fait face à des feux d'une rare intensité ces dernières semaines.

Pourtant, si ces événements marquent par leur ampleur, il se trouve que les surfaces rasées chaque année par des feux dans le monde tendent à diminuer en valeur absolue. C'est une tendance observée depuis deux décennies, période durant laquelle les observations satellites ont permis d'obtenir des données fiables. 

De 1998 à 2015, des chercheurs ont estimé que cette réduction à l'échelle de la planète avoisinait 24,3%. Cette diminution doit toutefois être observée avec prudence : en effet, elle s'explique surtout par le fait que des zones très vulnérables d'ordinaire aient été moins touchées, notamment l'Amazonie. Cela s'explique entre autres par la déforestation, qui réduit les surfaces potentiellement touchées ou par le développement agricole. Moins d'arbres dans ces régions signifie logiquement moins de feux. 

À travers le monde, notons également que les moyens de lutte contre les incendies progressent au fil du temps. Si l'on fait exception des zones tropicales, Renaud Barbero précise en tout cas que les tendances sont clairement à la hausse dans d'autres régions, que ce soit en Amérique du Nord ou en Australie. Chercheur en climatologie au sein de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea), il n'hésite pas à pointer du doigt l'activité humaine.

Un impact majeur du réchauffement climatique

Avec des collègues de l'Inrae et de Météo-France, le spécialiste a montré que le rôle central joué par le réchauffement climatique dans la récurrence des incendies. Les conditions observées lors de l'été 2003 (année record en termes d'incendies en France) "ont une période de retour d'environ 500 ans sous un climat naturel", explique-t-il, désignant par ce terme un climat "hypothétique sans réchauffement induit par les activités humaines"

Lorsque l'on transpose ces mêmes conditions observées en 2003 dans le climat actuel réel, la période de retour diminue considérablement, pour être "environ de 10 ans". Le constat du chercheur est sans appel : "le danger a fortement augmenté en réponse au réchauffement", et ce "indépendamment des politiques de lutte contre les incendies".

"Les feux de forêt sont un phénomène naturel", rappelait Noklas Hagelberg à l'automne dernier. Mais le coordonnateur d'un programme sur les changements climatiques pour les Nations Unies notait également que "ces dernières années, nous avons constaté une augmentation de la température moyenne, ce qui a entraîné une augmentation de l'évaporation" à laquelle s'ajoutent "des sécheresses prolongées"

Conséquence : "le paysage est tellement sec après plusieurs années de changements progressifs que la fréquence et l'intensité des incendies ont soudainement augmenté". Il cite en passant un rapport de l'université de Californie à Berkley, qui "a révélé que la saison des incendies dans l'ouest des États-Unis est maintenant plus longue de 75 jours que dans les années 1970".

La fréquence des incendies de forêt devrait augmenter sur plus de 37,8 % de la superficie terrestre mondiale

Les publications des chercheurs ont de quoi nous alerter. Le dernier rapport du Giec fait notamment référence aux conclusions d'une étude de 2019, pour le moins claire : à l'avenir, "selon les projections, [...] une nette augmentation de la fréquence des incendies de forêt devrait se produire dans l'ouest des États-Unis, au Canada, dans les pays méditerranéens, en Asie centrale et en Australie avec un réchauffement de 2,0°C"

Sur la base de travaux antérieurs, il est par ailleurs estimé que "la fréquence des incendies de forêt devrait augmenter sur plus de 37,8 % de la superficie terrestre mondiale", et que le risque d'incendies de forêt sous un réchauffement de 2°C deviendrait "particulièrement élevé au Canada, aux États-Unis et dans les pays méditerranéens". 

"La zone méditerranéenne est actuellement déjà la zone la plus sensible au risque et continuera sans doute à être la plus exposée", confirme à LCI Mathieu Regimbeau, ingénieur en agrométéorologie chez Météo-France. "En l’état actuel des prévisions climatiques, au-delà des signaux sur l’augmentation de température sur tout le territoire, tous les modèles convergent vers une diminution des précipitations sur le bassin méditerranéen", ajoute-t-il. "Tous les éléments nécessaires" sont réunis pour que la saison des feux de forêt méditerranéenne se révèle dans le futur "plus intense, mais aussi plus étalée dans le temps".

Incendie : les indispensables canadairsSource : JT 20h Semaine

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Thomas DESZPOT

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