Nager avec des dauphins : une activité illégale et "très lucrative" traquée par la justice

Annick Berger avec AFP
Publié le 27 juillet 2022 à 19h13, mis à jour le 27 juillet 2022 à 19h23

Source : JT 20h WE

Depuis 2021, il est interdit de nager avec des cétacés en mer Méditerranée.
Une décision pourtant encore mal respectée sur la Côte d'Azur.
Trois entreprises viennent d'être convoquées devant la justice pour avoir proposé à leurs clients de se jeter à l'eau avec des dauphins.

Nager avec les dauphins, une activité qui fait rêver des milliers de vacanciers, mais qui est désormais interdite en France, dans la Méditerranée. Une mesure prise par décret en septembre 2020 et entrée en vigueur le 1er janvier 2021, que les autorités ont pourtant bien du mal à faire respecter. Le parquet de Grasse, dans les Alpes-Maritimes, a ainsi fait saisir, début juillet, les bateaux de trois entreprises qui proposaient de nager avec des cétacés, a appris mercredi l'AFP. 

Moyennant environ 300 euros par personne pour une journée, les sociétés basées à Mandelieu-la-Napoule et à Antibes, sur la Côte d'Azur, proposaient sur leur site internet de se jeter à l'eau, en pleine mer, avec masque et tuba, au milieu d'un banc de dauphins. Des animaux préalablement repérés à l'aide d'un ULM. Or, depuis le décret de 2021, il est interdit de s'approcher de moins de 100 mètres d'un dauphin et encore plus de se jeter à l'eau avec l'animal dans les eaux françaises de la Grande bleue. 

Jusqu'à deux ans d'emprisonnement

Ce n'est pas la première fois que ces sociétés se retrouvent dans le viseur des autorités. Elles avaient ainsi déjà fait l'objet, en avril 2021, d'un rappel de la gendarmerie maritime. Mais rien n'y a fait et les trois entreprises ont continué tout l'été 2021 à proposer à leurs clients de nager avec des dauphins, "parce que c'est très lucratif", selon le parquet. Une offre qu'elles ont ensuite de nouveau proposée en juillet 2022.

Mais leurs activités ont alerté les associations de défense des animaux et France nature environnement a fini par effectuer un signalement auprès de la gendarmerie, qui a elle-même constaté les faits. Le parquet a placé les trois gérants des trois sociétés en garde à vue et mené des perquisitions. Un juge des libertés et de la détention "a pris une ordonnance de saisie des quatre bateaux appartenant aux trois entreprises", a encore précisé le parquet auprès de l'AFP. 

Les responsables seront de nouveau entendus "pour être jugés d'ici à la fin de l'année", notamment pour "pratique commerciale trompeuse" et "perturbation volontaire d'espèce animale non domestiquée protégée", a ajouté le parquet. Les gérants risquent jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 300.000 euros d'amende.

Vif débat autour des dauphins

"Nous n'avons jamais été condamnés, nous travaillons avec des scientifiques et pourtant, nous sommes traités comme de lourds délinquants", a réagi Magalie Grimont, épouse du gérant du Bateau d'Annett, l'une des trois sociétés visées. "Alors que nous proposons d'autres activités, comme la pêche ou l'observation des cétacés, nous sommes privés de notre outil de travail et menacés de liquidation judiciaire", a-t-elle ajouté, estimant qu'une dizaine d'emplois sont en jeu.

Pour leur défense, les trois entreprises regroupées dans un Syndicat du collectif des opérateurs marins azuréens et français (COMPA) et qui, dans un communiqué, se présentent comme des "défenseurs d'un écotourisme responsable" assurent qu'elles organisaient ces nages avec dauphins "dans les eaux internationales". Un argument balayé par le parquet qui rétorque que, selon ses investigations, "98% de ces activités se faisaient dans les eaux territoriales françaises".

La question de la nage avec les dauphins provoque de vifs débats dans l'Hexagone, alors que l'activité est source d'importants revenus. Dans une question écrite au ministre de l'Intérieur datée du 13 juillet et consultée par l'AFP, le sénateur des Alpes-Maritimes, Henry Leroy, avait ainsi "alerté" sur la "nécessité de protéger l'activité de nage à proximité des dauphins" dans le département "face aux attaques répétées et infondées de différentes associations écologiques".

Ces dernières affirment, de leur côté, que si les dauphins s'approchent régulièrement des bateaux en Méditerranée, "dès qu'il y a une interaction du cétacé avec l'homme, il y a interruption d'un comportement naturel" et que l'activité est "une importante source de stress pour les animaux". Toute petite mer - 1% de la surface mondiale des océans -, la Méditerranée abrite plus de 10.000 espèces. Vingt-et-une sortes de cétacés - sur les 87 recensées dans le monde - ont été observées dans ses eaux et celles de la mer Noire, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). La plupart sont classées "en danger". Outre les rencontres avec des touristes trop entreprenants, ces animaux risquent des collisions avec les navires, dans une mer concentrant 25% du trafic mondial.


Annick Berger avec AFP

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