Sabotage des gazoducs Nord Stream en mer Baltique : un an après, le point sur les enquêtes

Publié le 26 septembre 2023 à 12h33

Source : TF1 Info

Le 26 septembre 2022, quatre énormes fuites de gaz précédées d'explosions sous-marines se produisaient sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique.
En pleine guerre en Ukraine, les soupçons s'étaient rapidement portés vers la Russie.
Mais les trois enquêtes initiées ne pointent pas toute dans cette direction.

Dans ce dossier international aux airs de guerre froide, une seule certitude : l'accident est exclu. Le 26 septembre 2022, des explosions sous-marines, suivies par quatre énormes fuites de gaz, se produisaient en l'espace de quelques heures en mer Baltique sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2. Un an plus tard, et alors que trois enquêtes judiciaires distinctes ont été initiées, le flou le plus total demeure. 

Rappelons d'abord le contexte : à cette époque, sur fond de bras de fer énergétique avec les pays européens qui soutiennent l'Ukraine, la Russie a cessé de livrer du gaz via Nord Stream 1. Son jumeau, Nord Stream 2, n'est en revanche pas en service, et ne l'a jamais été. En cause, un désaccord entre Berlin et Washington depuis de nombreuses années, et ce alors même que sa construction s'est achevée en 2021.

Depuis les fuites, toutes survenues dans les eaux internationales, au large de l'île danoise de Bornholm et des côtes du sud de la Suède, trois enquêtes judiciaires ont été lancées séparément par l'Allemagne, la Suède et le Danemark. Mais aucune n'a encore abouti. Accusés tour à tour, l'Ukraine, la Russie ou encore les États-Unis ont vigoureusement démenti toute implication.

En avril dernier, le procureur suédois Mats Ljungqvist affirmait que la "principale hypothèse est qu'un État est derrière" le sabotage, ajoutant que ses auteurs savaient "très bien qu'ils laisseraient des traces". Interrogé le mercredi 20 septembre dernier par l'AFP, le magistrat précisait se situer "dans la phase finale de l'enquête", espérant pouvoir rendre une "décision" d'ici à 2024.

De la piste ukrainienne...

Côté allemand, le parquet général assure à l'AFP qu'il "n'est actuellement pas possible de faire des déclarations fiables" sur l'identité et les motivations des auteurs, ni "sur la question d'un soutien étatique". Expert au sein du Conseil allemand des relations extérieures (DGPA), Christian Mölling résume la situation du côté de Berlin : "Soit il n'y a vraiment pas de piste assez bonne, soit c'est politiquement sensible".

Dans le même temps, les médias ont, eux aussi, mené l'enquête. Début mars, le New York Times affirmait ainsi, sur la base d'informations consultées par le renseignement américain, qu'un "groupe pro-ukrainien" serait à l'origine du sabotage, mais sans implication du président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Au même moment, le parquet allemand annonçait enquêter sur un bateau soupçonné d'avoir acheminé les explosifs.

... à l'hypothèse russe

Suivant la même piste que leurs collègues du NYT, les médias allemands Spiegel et ZDF sont allés jusqu'à louer ce voilier de 15 mètres de long, nommé l'"Andromède". Objectif : reconstituer le périple qu'un équipage ukrainien constitué de cinq hommes et une femme, selon les journalistes allemands, aurait effectué du port allemand de Rostock jusqu'au large de l'île danoise de Bornholm.

Une hypothèse ukrainienne vers laquelle semblait aussi s'orienter plusieurs médias en juin dernier, affirmant que les services de renseignements militaires néerlandais avaient averti la CIA d'un projet ukrainien de faire sauter le gazoduc. Mais l'expert du Conseil allemand des relations extérieures Christian Mölling tempère auprès de l'AFP : "Il y a aussi des personnes vivant en Ukraine qui pourraient travailler pour les services secrets russes".

Du côté de Londres, en revanche, les soupçons se portent sur un autre suspect : cité par le Spiegel, un ancien officier de renseignement de la marine britannique soupçonne un navire scientifique russe, le Sibiriakov. Un son de cloche similaire à celui entendu au Danemark, où le quotidien Information pointe du doigt le SS-750, autre navire russe spécialisé dans les opérations sous-marines et présent dans la zone peu avant les explosions.

Cité lui aussi par l'AFP, Andreas Umland, analyste au centre d'études sur l'Europe de l'Est de Stockholm, abonde en ce sens. D'après lui, un scénario impliquant la Russie est "le plus probable". Il rappelle ainsi que Moscou avait coupé les fournitures de gaz vers l'Europe en représailles présumées des sanctions occidentales, et qu'un sabotage a donc pu permettre de "faire d'une pierre deux coups".

La Russie aurait ainsi voulu débarrasser Gazprom, actionnaire majoritaire des gazoducs, des demandes de dédommagement de ses clients en invoquant un cas de "force majeure". Dans le même temps, Moscou aurait aussi pu faire porter le soupçon sur Kiev et "détruire la réputation de l'Ukraine", poursuit Andreas Umland. Une hypothèse qui devra attendre les conclusions des différentes enquêtes pour être vérifiée.


Maxime MAGNIER

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