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Gaza : la France a-t-elle refusé de voter à l'ONU un texte appelant à un cessez-le-feu humanitaire ?

Publié le 18 octobre 2023 à 20h30, mis à jour le 19 octobre 2023 à 11h19

Source : JT 13h Semaine

L'avocat Juan Branco accuse la France de s'être opposée à un appel au cessez-le-feu à Gaza, débattu à l'ONU.
Si Paris s'est en effet opposé à un projet de résolution porté devant le Conseil de sécurité, il convient d'en expliquer les raisons.
Il s'agissait en effet d'un texte porté par la Russie et qui ne condamnait pas l'action du Hamas.

Mise à jour du 19/10/2023 : cet article a été actualité suite au vote du Conseil de sécurité de l'ONU sur un nouveau projet de résolution, le 18 octobre. 

Opposant revendiqué d'Emmanuel Macron, l'avocat Juan Branco porte un regard très sévère sur l'attitude de la France en marge du conflit entre Israël et le Hamas. Se référant à un message du chef de l'État posté sur le réseau social X, il a déploré un manque de considération à l'égard des populations civiles de Gaza. "Le gouvernement français vient de refuser de voter une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu humanitaire", peste l'avocat. "Vos mots sont les parents de ces morts", ajoute-t-il, très remonté. Si un tel vote a bien été observé, il est cependant nécessaire d'en présenter les raisons.

Un texte porté par la Russie

Les résolutions "sont des expressions formelles de l'opinion ou de la volonté des organes des Nations unies. Elles concernent en général des questions de fond", précise le site de l'ONU. Le texte auquel fait référence Juan Branco est un projet de résolution que le Conseil de sécurité a été invité à étudier le 16 octobre, à New York. Il est important de souligner en préambule que ce document, dont nous trouvons des reproductions en ligne, a été soumis par la Russie. 

Le projet de résolution "appelle à un cessez-le-feu humanitaire immédiat, durable et pleinement respecté", puis "condamne fermement toutes les violences et hostilités dirigées contre les civils ainsi que tous les actes de terrorisme". On observe également qu'il "demande la libération sécurisée de tous les otages" et "appelle à la fourniture et à la distribution sans entrave de l'aide humanitaire". Un dernier paragraphe vise à acter que les Nations unies restent mobilisées pour s'assurer du sort des populations civiles et de leur accès à une aide humanitaire

"Alors que le projet de résolution a reçu le soutien d'un autre membre permanent du Conseil – la Chine – et de trois membres non permanents, dont le Gabon, le Mozambique et les Émirats arabes unis, les délégations de la France, du Japon, des États-Unis et du Royaume-Uni ont voté contre", a rapporté la délégation presse du Conseil de sécurité. Dans le même temps, "six autres membres [...] se sont abstenus de voter". Le résultat des votes est clair : avec 5 "pour", le texte a été rejeté.

Pas de condamnation du Hamas

Sollicité par TF1info afin de comprendre la raison du vote français, le Quai d'Orsay n'a pour l'heure pas répondu à nos sollicitations. Une explication de vote a toutefois été fournie sur le site de l'ONU. Le représentant permanent de la France auprès des Nations unies, Nicolas de Rivière, a ainsi fait savoir que "la France a voté contre le projet, car il lui manquait plusieurs éléments essentiels". Si ces éléments ne sont pas explicités, on les découvre dans les prises de positions des autres pays, à commencer par le Royaume-Uni. Son vote "non" s'explique par le fait que les Britanniques "ne peuvent soutenir un document qui ne condamne pas les attaques terroristes du Hamas". 

Un communiqué des Nations unies à l'issue du vote met en avant ce point précis et rapporte qu'il a cristallisé les tensions. "Les membres étaient divisés sur l'absence de condamnation spécifique du groupe extrémiste Hamas, qui a déclenché l'actuelle escalade de la violence, en envoyant des centaines de combattants perpétrer des massacres dans les colonies proches de la bande de Gaza le 7 octobre", apprend-on. À la lecture du document proposé par les Russes, on observe en effet que le Hamas, considéré par l'UE ou les États-Unis comme une organisation terroriste, n'est pas mentionné. Une ligne rouge pour des pays comme la France, qui ont – comme le rappelle Nicolas de Rivière – "condamné l'attaque terroriste menée par le Hamas le 7 octobre" avec la plus grande fermeté.

Un texte similaire porté par le Brésil

Les projets de résolutions, qui sont généralement le fruit d'intenses discussions, négociations et échanges entre pays membres du Conseil de sécurité, ne peuvent se voir amendés comme le seraient des textes de lois débattus par des parlementaires. Cela signifie que le document soumis par les Russes est abandonné. Pour autant, les États qui ont pris part au vote ont été invités à se réunir très rapidement afin de se prononcer sur un autre projet. Porté, cette fois, par le Brésil.

Similaire à celui des Russes, le texte a été partagé en ligne et reprendre des éléments de fond communs, à commencer par la demande d'une libération des otages ou un appel au respect du droit international, en complément d'une protection des convois d'aide humanitaire et de soutien aux victimes. Une différence majeure réside toutefois dans le projet brésilien : le Hamas est explicitement nommé, tandis que son attaque du 7 octobre se trouve fermement condamnée. 

Le représentant français à l'ONU Nicolas de Rivière avait laissé entendre que Paris soutiendrait un tel projet de résolution. "Le Conseil devrait s'unir derrière le projet présenté par le Brésil, convenir de condamner l'attaque terroriste, garantir la fourniture d'une aide humanitaire et protéger la population civile de Gaza", a-t-il glissé suite au "non" opposé au texte russe. Lors du vote intervenu le 18 octobre, la France a suivi cette ligne et apporté son soutien à l'initiative brésilienne, conformément à ce que prévoyaient ses diplomates. Malgré un soutien assez net des membres du Conseil de sécurité (12 votes "pour"), les Américains ont fait valoir leur droit de véto. En conséquence, ce nouveau projet de résolution a connu un sort identique à celui des Russes et n'a pas été adopté.

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Thomas DESZPOT

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