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Joe Biden n'a "aucune confiance dans les chiffres utilisés par les Palestiniens" : que sait-on de la fiabilité du décompte de victimes à Gaza ?

Publié le 29 octobre 2023 à 12h19, mis à jour le 29 octobre 2023 à 12h58

Source : JT 20h Semaine

Le Président américain a dit n'avoir "aucune confiance dans les chiffres utilisés par les Palestiniens" lorsqu'ils viennent estimer l'ampleur des pertes dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre.
Joe Biden met en doute le ministère de la Santé du Hamas, l'autorité qui effectue les bilans.
Nous faisons le point sur ce que l'on sait de ces décomptes.

Les frappes israéliennes s'abattent sur la bande de Gaza sans interruption depuis l'offensive sanglante du Hamas en Israël. Mais avec quel bilan ? Depuis le 7 octobre, TF1info, comme d'autres médias, se réfère aux chiffres publiés par le ministère de la Santé de Gaza. Dimanche, ce sont plus de 8.000 Palestiniens, "dont la moitié sont des enfants", qui ont été tuées dans la bande de Gaza depuis le début de la riposte israélienne, a déclaré le ministère de la Santé du Hamas. Une source remise en question par Washington le 25 octobre, puisqu'elle est contrôlée par le Hamas. Alors, qu'elle est la fiabilité de cette autorité ? Nous faisons le point. 

Une source qui a déjà fait ses preuves

C'est Joe Biden qui a mis en doute le décompte. Tandis que le ministère de la Santé de Gaza était déjà au cœur d'une controverse après son bilan de l'explosion sur un parking de l'hôpital Ahli Arab de Gaza, jugé "surévalué, le président des États-Unis a déclaré mardi n'avoir "aucune preuve que les Palestiniens disent la vérité au sujet du nombre de personnes tuées". "Je suis sûr que des innocents ont été tués, et c'est le prix à payer pour faire la guerre. Mais je n'ai aucune confiance dans les chiffres utilisés par les Palestiniens", avait-il ajouté depuis la Maison-Blanche. 

La critique de Washington, reprise également par Berlin qui appelle aussi à "une certaine prudence", s'appuie sur la source qui établit ce bilan, à savoir une branche du gouvernement contrôlée par le Hamas, cette organisation considérée comme terroriste par les États-Unis. Pourtant, par le passé, Washington a cité à de très nombreuses reprises les statistiques du ministère de la Santé de Gaza. Et ce jusqu'à très récemment : on le retrouve encore dans un rapport publié en mars dernier

Et pour cause, la totalité des organisations internationales, y compris les Nations unies, se sont toujours appuyées sur cette source. D'une part, parce qu'elle est considérée comme la plus fiable disponible sur place. "Nous savons que ministère de la Santé va se baser sur des informations provenant des hôpitaux, des morgues, etc.", souligne par exemple Omar Shakir, le directeur pour Israël et les territoires palestiniens à Human Rights Watch. "Ils ont la capacité de collecter ces informations", rappelle-t-il dans les pages du Washington Post. En plus, les experts s'accordent à dire que cette autorité a démontré par le passé l'exactitude de ses estimations. "Lorsque nous avons vérifié nous-mêmes les chiffres relatifs à certaines frappes, je n'ai pas connaissance d'une seule fois où il y ait eu une divergence majeure", se remémore Omar Shakir. 

Idem du côté d'un haut responsable de l'ONU. Lors d'une conférence de presse à Jérusalem, Philippe Lazzarini, le patron de l'Agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a balayé les critiques, notant que lors des "cinq, six cycles de conflit dans la bande de Gaza, ces chiffres étaient considérés comme crédibles". "Personne n'a jamais vraiment contesté ces chiffres." Devant la presse, le patron de l'UNRWA utilise par ailleurs un autre argument. Confirmant qu'"au moins 57 collègues" employés de l'agence ont été tués dans la bande de Gaza, il estime que le bilan du ministère de la Santé est crédible. "Nous retrouvons plus ou moins la même proportion" de victimes que dans la population totale de 2,4 millions d'habitants.

Aucune vérification indépendante possible à ce stade

Le ministère de la Santé de Gaza a publié jeudi dernier un document de 212 pages renseignant l'identité exacte de toutes les victimes. La liste de 6747 noms précise le sexe, l'âge et le numéro d'identité de personnes tuées dont l'identité a été vérifiée, sans toutefois faire de distinction entre les combattants et les civils. Dans un document joint à la liste, le ministère a expliqué sa méthodologie. Pour les hôpitaux relevant du "gouvernement", les "informations personnelles et le numéro d'identité" de chaque Palestinien tué sont entrés dans la base de données informatisée de l'établissement après l'arrivée du corps où après le décès sur place. Ces données sont ensuite transmises "quotidiennement" vers le "registre central des martyrs" du ministère de la Santé à Gaza. Quant aux victimes évacuées vers des établissements privés, leurs informations personnelles sont consignées sur une fiche spéciale transmise ensuite "dans un délai de 24 heures" au ministre de la Santé. Il assure que son "centre d'informations" vérifie par la suite que les informations ne contiennent ni doublon ni erreurs. 

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Reste tout de même un problème de taille. Il est impossible à l'heure actuelle de vérifier de manière indépendante les noms figurant dans le document. Depuis l'offensive du Hamas, Gaza est complètement verrouillée. Pour s'assurer de la fiabilité des chiffres, il faudra se tourner vers la base de données du Bureau de la coordination des affaires humanitaires

(OCHA), dont l'objectif est de contrôler les chiffres venus des deux parties du conflit. Une procédure qui prend du temps. L'agence n'a pas mis à jour sa base de données depuis le 7 octobre.

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Felicia SIDERIS

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