Côtes-d'Armor : une crêperie assignée en justice pour cause d'odeur de... crêpe

Publié le 19 janvier 2023 à 10h25, mis à jour le 20 janvier 2023 à 10h16

Source : JT 20h Semaine

Depuis août 2020, un conflit oppose les propriétaires de la Crêperie du pêcheur, à Erquy, à leur voisin.
Ce dernier se plaint du bruit et des odeurs émanant du restaurant et de ses dépendances.
Un premier rendez-vous au tribunal aura lieu le 16 février.

Le chant du coq ou du paon, la mare aux grenouilles, et maintenant... l'odeur des crêpes et des galettes. Voici ce qui oppose aujourd'hui deux couples de voisins à Erquy, dans les Côtes-d'Armor. 

C'est là que Marlène Dupont et Alex Polge, restaurateurs originaires de l'Aude, ont décidé fin 2019 de racheter la crêperie ouverte dix ans plus tôt par leur prédécesseur. Le restaurant est inauguré en février 2020 mais est contraint de fermer dès mars avec le confinement. "Nous avons rouvert en juin 2020. Nous étions déjà en difficulté suite au confinement. Mais nous avons tenu. Nous avons fait de la vente à emporter, et, en juillet août, nous avons rouvert. Nous étions contents. Jusqu'à la première lettre de notre voisin M.Boquet, en août 2020, dénonçant des nuisances : fumée émanant de la cuisine, odeur de friture alors que nous ne faisons que crêpes et de galettes, bruits des graviers et de portières des clients, choc de vaisselle à la plonge, mais aussi bruit de mon conjoint qui parlait trop fort en donnant les ordres aux employés...", relate Marlène Dupont contactée par TF1-LCI après qu'Actu.fr a relayé son histoire. 

Une tentative de conciliation

À la réception de cette lettre, le couple de restaurateurs apprend que des conflits de voisinage existaient déjà entre l'ancien propriétaire du restaurant et le riverain et que cela s'était réglé devant la mairie. Le couple décide alors de contacter le plaignant. "Nous lui avons signifié que nous allions faire changer la hotte pour le bruit et les fumées. Pour les odeurs, une crêperie sent forcément la crêpe, difficile de faire quelque chose ! Nous avons proposé de condamner l'un des deux parkings pour qu'il n'y ait plus de voitures près de chez lui. Nous avons mis un gainage pour les fumées. Pour le bruit de vaisselle, nous avons réorganisé la cuisine afin que la plonge soit plus loin et demandé aux employés d'éviter d'ouvrir les fenêtres", poursuit Marlène Dupont. 

Les restaurateurs croient que le dossier est clos. Mais en 2021, ils reçoivent un autre courrier de leur voisin qui se plaint à nouveau des effluves et y ajoute "les rires des clients, le bruit des portières, les pas sur les graviers..." Et la restauratrice de poursuivre : "Nous ne pouvions pas y croire. Nous n'avons pas répondu. Puis est arrivé le courrier de l'avocat de ce monsieur en août 2022".  

Suite à cette lettre, rendez-vous est pris chez le conciliateur en novembre 2022. "Nous avons proposé de mettre un filtre de bruit sur la hotte, de démonter la cabane pour enfant dans le jardin du restaurant, un filtre à odeur nous coûtait 10.000 euros par an, ça n'était pas possible financièrement. Nous avons aménagé une véranda à 150.000 euros. M. Boquet veut aussi une fermeture obligatoire du restaurant à 19h au lieu de 23h. Il nous dit que si nous ne faisons pas tout ça, il ira en justice", relate Marlène Dupont. 

Visite de l'huissier le 10 janvier

Peu après, le 10 janvier 2023, un huissier sonne à la porte du couple et lui remet une assignation en référé au tribunal pour le 16 février. "Ça nous a sidérés. Nous avons eu l'impression d'être considérés comme des criminels alors que nous ne faisons que des crêpes, se souvient la restauratrice. C'est là que nous avons décidé de contacter la presse, pour faire du bruit". 

Après la médiatisation de l'affaire et la mise en ligne d'une pétition de soutien - près de 13.000 signatures ce jeudi matin -, Patrick Boquet, plaignant dans cette affaire, explique en faire les frais. "Je me fais depuis insulter sur les réseaux sociaux. Je suis la victime et on fait de moi un coupable".

Ce Parisien dont la femme est Bretonne nous explique avoir fait construire sa maison en 1999 et avoir pu y résider dès 2000, avant d'en faire sa résidence principale en 2016. "À l'époque, il n'y avait pas de restaurant, mais une maison d'habitation occupée par un couple. Après son divorce, le mari a décidé de faire une crêperie, avec l'aide de la mairie. Elle a ouvert en 2009". L'habitant, qui ne se serait "jamais installé à côté d'un restaurant", se plaint très rapidement du bruit et des odeurs. "J'ai reçu des menaces orales du premier adjoint au maire de l'époque, qui était ami du propriétaire. Alors, j'ai tout arrêté. Puis les nouveaux propriétaires sont arrivés, et tout a recommencé. Ils ont fait des efforts, mais les nuisances sont toujours là. C'est pour cette raison que j'ai entamé une procédure judiciaire. Je n'ai pas d'autres solutions". 

Me Sanson, avocat du plaignant, se rendra au tribunal de Saint-Brieuc le 16 février prochain. Il nous précise que ce rendez-vous n'apportera pas de réponse immédiate à ce conflit. "C'est une assignation en référé expertise. Nous demandons au président du tribunal judiciaire de nommer un expert qui va, pendant six mois environ, réaliser sa mission avec notamment du mesurage acoustique et olfactif. Aucune décision ne sera pris à cette occasion, il faudra encore attendre plusieurs mois...". À suivre, donc.


Aurélie SARROT

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