Fusillades en série à Marseille : "Une stratégie d’intimidation, voire de terrorisation" des points de vente de drogue

Publié le 13 avril 2023 à 13h53, mis à jour le 13 avril 2023 à 14h04

Source : JT 20h Semaine

Deux fusillades ont fait cinq blessés, dont trois avec un pronostic vital engagé, dans la nuit de mercredi à jeudi à Marseille, sur fond de trafic de stupéfiants.
Ces événements interviennent moins de deux semaines après trois autres fusillades qui avaient trois morts dans la cité phocéenne.
Les syndicats de police réagissent face à cette situation devenue presque ingérable.

Marseille a connu la nuit dernière de nouvelles violences. Moins de deux semaines après trois autres fusillades au cours desquelles deux jeunes hommes de 21 et 23 ans, et un adolescent de 16 ans, ont été tués et douze personnes blessées. Dans la nuit de mercredi à jeudi, en l'espace de deux heures, dans les 3e, 4e, 14e et15e arrondissements, sur des secteurs connus pour le trafic de stupéfiants, cinq personnes, âgées de 15, 21, 26, 30 et 51 ans, ont été touchées par des tirs d'armes à feu. 

"Les trois victimes qui sont aujourd'hui entre la vie et la mort ne sont pas connus pour des faits de trafics de stupéfiants", a indiqué ce jeudi le parquet de Marseille à TF1info, pas plus que ne l’était le jeune homme de 16 ans décédée le week-end des 1er et 2 avril 2023. Un phénomène qu’observent désormais très régulièrement les enquêteurs, avec notamment des changements de cible parmi les auteurs des coups de feu.

"On est dans une stratégie d’intimidation, voire de terrorisation des points de vente. En témoignent ces trois récentes affaires... On a un gamin de 15 ans à qui on tire dans les jambes, au niveau de la cité Félix Pyat. On a des coups ensuite de feu en direction d’un guetteur qui n'a pas été atteint heureusement. On a aussi ces jeunes vingtenaires ou trentenaire, qui marchaient dans la rue et qui se sont fait tirer dessus en rafales", détaille Rudy Manna, secrétaire départemental Alliance Police des Bouches-du-Rhône. Selon nos informations, pour ce dernier fait, une quarantaine d'étuis de 7.62 ont été retrouvés au sol. 

Les cibles sont de plus en plus souvent des premiers maillons de la chaîne
Rudy Manna

 "Les malfaiteurs ne visent plus aujourd'hui les têtes de réseaux. Maintenant les cibles sont de plus en plus souvent des premiers maillons de la chaîne, avec des personnes très jeunes comme les guetteurs ou les consommateurs, comme ça a été le cas il y a quelques jours à Avignon. C’est un nouveau phénomène qui est assez impressionnant", insiste le policier. 

En 2022, 31 homicides directement liés au trafic de stupéfiants

En 2022, dans les Bouches-du-Rhône, les autorités ont dénombré 65 tentatives d'homicides et 32 morts victimes d'homicides en bande organisée, dont 28 à Marseille. Selon nos informations, sur les 32 homicides, 31 étaient directement liés au trafic de stupéfiants. Depuis le 1er janvier 2023, la cité phocéenne a été le théâtre de plus d’une trentaine de fusillades qui ont fait treize morts. 

Pourquoi les autorités ne parviennent pas à contenir ces violences sanglantes sur fond de trafic de stupéfiants ? "C’est très difficile. La police judiciaire marseillaise interpelle un auteur sur deux d’homicide volontaire de règlements de compte. Mais il y a tellement de faits, le business est tellement important et les armes en circulation très nombreuses, qu’il est impossible de tout endiguer", poursuit Rudy Manna. 

Bruno Bartocetti, délégué pour toute la zone sud du syndicat Unité SGP Police, constate lui aussi ce nouveau phénomène. "Aujourd’hui, on n’est plus dans les règlements de compte comme il y a une vingtaine d’années où celui qui sortait de prison réglait ses comptes avec celui qui l’avait balancé. On est maintenant dans des tentatives de prise de territoire ou d’intimidation", confirme-t-il. 

Ça rapporte tellement d’argent que rien ne les arrête"
Bruno Bartocetti, policier syndicaliste à Unité-SGP FO

Le délégué Unité SGP-FO évoque aussi les nouvelles méthodes des trafiquants. Car si les points fixes de deal sont toujours présents, il existe aussi désormais des ventes de drogue via les réseaux sociaux, les ubershit, les ubercoke… "Quand un vendeur sort de son territoire pour aller vers le consommateur qui se trouve sur un autre territoire, ça devient gênant pour les vendeurs. C’est comme si je venais vendre des pains au chocolat devant votre boulangerie", estime Bruno Bartocetti. 

Selon lui, les policiers ont le sentiment de faire face à du "narcobanditisme" similaire à celui que l’on pourrait voir dans des pays "comme la Colombie". "Vous pouvez mettre la présence policière que vous voulez, ça rapporte tellement d’argent que rien ne les arrête", constate le policier qui plaide pour "davantage d’enquêteurs en police judiciaire, du travail sur le long terme, et davantage de policiers pour gêner trafiquants et consommateurs sur les points de deal". 

La CRS 8 a été déployée en début de mois dans la cité phocéenne, dans la foulée de la triple fusillade du début du mois. Cela n'a malheureusement pas empêché ces nouveaux événements. 


Aurélie SARROT

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