"Je suis tombé de haut" : Jean-François, retraité, a perdu 173.000 euros en investissant dans l'or

par Virginie FAUROUX | Reportage : Valentine Bossi-Bay et Agathe Soleranski
Publié le 2 février 2024 à 12h11, mis à jour le 5 février 2024 à 14h16

Source : JT 20h Semaine

Jean-François, 62 ans, retraité de l’armée, pensait arrondir ses fins de mois en transformant son or en rente régulière.
Victime d'un site frauduleux, il a perdu toutes ses économies, soit 173.000 euros.

Aujourd'hui, 1 kilo d'or vaut 55.000 euros, soit presque deux fois plus qu'il y a quatre ans. Une valeur refuge dans une période de crise. Alors, les Français se précipitent dans les agences d'achat et de vente, avec leurs lingots ou leurs pièces, dans l'espoir de faire fructifier leur épargne sur le long terme. Le problème, c'est que les arnaques sont fréquentes, surtout sur internet. Car en ligne, l'or s'achète et se vend en quelques clics. 

Dans le sud-ouest, Jean-François, 62 ans, l'a appris à ses dépens. Ce retraité coulait des jours paisibles jusqu'à ce qu'il tombe sur un site alléchant. "Je voulais investir dans l'or, j'avais un peu d'économies et puis tout le monde me disait : 'c'est un placement refuge, etc'. Donc j'ai commencé à regarder sur internet. Je suis tombé sur un site qui avait à priori une très bonne presse. Par exemple, le magazine Forbes, vantait un peu les mérites du site. Il expliquait que ça a 'dix ans d'expérience dans le secteur aurifère et 4 500 investisseurs satisfaits'. De quoi donner confiance. Du coup, je les ai appelés. J'ai eu quelqu'un qui m'a donné tout un tas d'explications, donc je me suis lancé comme ça", raconte-t-il.

On se sent vraiment trahi et puis, je ne suis pas tout seul. J'ai une épouse qui ne travaille pas. J'ai un fils de quatorze ans.
Jean-François

Cet ancien officier de l'armée est appâté par les taux d'intérêt que propose cette société. Plus on investit, plus ils grimpent et plus c'est rémunérateur. Le retraité verse d'abord 40.000 euros. Et reçoit très vite sa première mensualité. "C'était de l'ordre de 266 euros. Donc voilà, c'est exactement ce qui était convenu", dit-il. En confiance, Jean-François décide alors d'investir un peu plus. En quatre mois, il réalise trois autres versements, jusqu'à atteindre 173.000 euros, soit l'ensemble de ses économies. En retour, le site lui promet 783 euros de revenus. "Pour moi, la vie était belle", lâche-t-il. Il ne se méfie pas un seul instant de ce qui l'attend. D'autant qu'on lui explique que ses pièces d'or sont en lieu sûr dans une société de stockage très connue en Suisse. On lui envoie même un certificat qui l'atteste.

Mais au bout de huit mois et un peu plus de 7.000 euros perçus, les versements s'arrêtent. Et quand Jean-François tente d'avoir des explications, la plateforme est aux abonnés absents. Il ne verra plus jamais la couleur d'un retour sur investissement. "Je suis tombé de haut. J'ai été très déçu parce que je suis quelqu'un qui accord facilement sa confiance. On se sent vraiment trahi et puis, je ne suis pas tout seul. J'ai une épouse qui ne travaille pas. J'ai un fils de quatorze ans. J'ai même honte. Et j'en veux à ces personnes qui sont machiavéliques, qui n'ont rien à faire du devenir des clients qu'ils vont spolier", s'insurge-t-il.

Des escrocs très organisés

Pour tenter de sortir de ce piège, Jean-François fait appel à Marc Bouzy, spécialiste des arnaques financières. Une mission complexe, car derrière ces faux sites internet se cache des escrocs très organisés. "À première vue, quand on voit la qualité des contrats, des factures et des certificats, on se rend compte qu'on est sur quelque chose d'extrêmement sophistiqué qui reprend totalement les codes des vrais investissements dans de l'or avec du vrai stockage sécurisé dans des banques. C'est quelque chose qui est vraiment impeccable", reconnait l'enquêteur. "C'est pour ça que j'ai sauté là-dedans les deux pieds joints", admet le retraité.   

Marc, qui étudie le dossier depuis plusieurs mois, a une autre mauvaise nouvelle à lui annoncer. "En fait, le site d'origine a été copié. C'est une usurpation d'identité. Et donc vos certificats sont des faux et malheureusement, vous n'avez pas d'or stocké en Suisse", affirme-t-il. Pour tenter de résoudre cette arnaque, Marc va faire appel à son équipe d'experts et ils vont très vite découvrir que cette arnaque dépasse nos frontières.  "On a commencé à regarder quelles étaient les ramifications de cette entité. Le siège est en Belgique, on a aussi trouvé qu'ils avaient des bureaux en France, qu'ils agissaient aussi en Espagne", détaille Benoît, l'un des juristes. 

Leur but, constituer un dossier suffisamment solide pour que la justice s'en empare. Mais mettre la main sur les deux gérants de cette société fictive est un travail de longue haleine. "Ça demeure compliqué d'avoir des contacts avec les auteurs des infractions. Ces gens-là savent se cacher, sont au courant qu'ils sont en train de faire des actions illégales et ils tentent par tous les moyens de masquer leur réelle identité", avance le spécialiste du droit. 

Malgré une plainte déposée en France, l'affaire a été classée sans suite. Mais Benoît ne lâche pas. "On a eu la confirmation que l'enquête est ouverte au pénal en Belgique avec la saisie d'un procureur. Donc, il faut se constituer partie civile pour être  indemnisé lorsque le procès arrivera à son terme", souligne-t-il. C'est un début, mais cela suffit à donner de l'espoir à Jean-François. "C'est toujours très long les enquêtes, il ne faudra pas être pressé, mais si ça aboutit à un remboursement, ne serait ce que partiel, ce sera déjà une bonne chose", se rassure-t-il. L'enquête est maintenant entre les mains de la justice belge, mais elle devrait durer encore plusieurs années.  


Virginie FAUROUX | Reportage : Valentine Bossi-Bay et Agathe Soleranski

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