500 "zones de non-droit" en France, selon Eric Ciotti : d'où vient ce chiffre souvent cité par le candidat LR ?

Publié le 15 novembre 2021 à 17h19
Eric Ciotti s'appuie sur une estimation réalisée par un ancien préfet.
Eric Ciotti s'appuie sur une estimation réalisée par un ancien préfet. - Source : BERTRAND GUAY / AFP

HORS DE CONTRÔLE - Le député des Alpes-Maritimes cite souvent l'existence de "zones de non-droit" sur le territoire, qu'il évalue à 500. Un décompte effectué à l'origine par un ancien préfet et que le ministère de l'Intérieur dément formellement.

Après un premier débat sur l'antenne de LCI, les candidats à l'investiture LR pour la présidentielle se sont retrouvés dimanche  pour tenter de convaincre les adhérents de leur famille politique. Des échanges au cours desquels Eric Ciotti a affiché sa fermeté sur les questions de sécurité intérieure, n'hésitant pas à souhaiter le recours à l'armée dans les quartiers lorsque la situation le nécessiterait.

"Il y a 500 zones de non-droit dans notre pays", a lancé l'élu LR lors du débat sur BFM. Une estimation sur laquelle il s'appuie régulièrement, sans toutefois expliquer d'où il la tient. Après des recherches, on observe que le député fait référence aux éléments avancés par un ancien préfet, dont les observations font l'objet de strictes contestations.

Des analyses divergentes

Avant de chercher à comptabiliser d'éventuelles zones de non-droit, l'enjeu est de parvenir à les définir. Une mission délicate puisque ce terme peut être utilisé dans diverses situations, compliquant de fait les estimations. De prime abord, il n'est fait mention dans aucun rapport officiel d'un tel nombre. On le trouve toutefois évoqué par un ancien préfet, Michel Aubouin, auteur d'un livre intitulé 40 ans dans les cités qui lui avait valu d'être interviewé par plusieurs médias en 2019.

C'est justement lors d'un entretien au site pro-russe Sputnik qu'il a évoqué les 500 zones de non-droit, "à peu près". Des territoires qui ont "globalement échappé à la régulation de l'État et à la loi commune", tel que les dépeignait l'intéressé auprès de Sud Radio, mais pour lesquels il convient lui-même que le terme de zone de non-droit n'est pas le plus approprié. "C'est un abus de langage puisqu'il existe toujours des droits : le Code de la route s'applique par exemple, l'école est aussi présente. C'est d'ailleurs la seule institution de la République qui demeure dans certains quartiers", glissait-il.

Si l'ex-préfet estime que dans ces territoires, la police judiciaire peut encore entrer, il rapporte que "la police de terrain n’entre plus volontairement dans certains quartiers depuis les émeutes de 2005". Sollicité par LCI, le sénateur LR des Bouches-du-Rhône Stéphane Le Rudulier accompagne Eric Ciotti dans sa campagne. Et confirme que c'est aux éléments rapportés par Michel Aubouin que le candidat fait référence en évoquant 500 zones de non-droit. Il évoque des "territoires perdus de la République, là où les forces de l'ordre ne rentrent qu'exceptionnellement pour une opération bien ciblée". 

Stéphane Le Rudulier apporte en passant quelques précisions : "On n'a jamais dit que les forces de l'ordre ne rentraient plus dans ces zones, mais elles n'y restent pas, n'y demeurent pas et sont obligées de s'y rendre en nombre." Faisant notamment référence à certains quartiers de Marseille, il évoque des lieux "où le trafic de drogue a vraiment inhibé la totalité du vivre ensemble".

Ce constat, les autorités le contestent avec fermeté. Frédérique Camilleri, préfète de police des Bouches-du-Rhône, indiquait ainsi récemment qu'il n'y avait "pas de zone de non-droit à Marseille". Un discours dans la droite lignée de celui du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Pour lui, "il n'y a pas de zone de non-droit dans notre pays", mais "il y a des endroits difficiles"

Soulignons qu'en 2012, des zones de sécurité prioritaire (ZSP) ont été mises en place. Désignant des territoires qui souffrent "plus que d’autres d’une insécurité quotidienne et d’une délinquance enracinée" ou qui font face "depuis quelques années une dégradation importante de leurs conditions de sécurité", ils permettent le déploiement de force de l'ordre en plus grand nombre. Aujourd'hui, on compte 80 de ces "ZSP" à l'échelle du territoire, qui ne peuvent toutefois pas être qualifiées de zones de non-droit.

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Thomas DESZPOT

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