Primaire écologiste : le vrai/faux du débat entre Sandrine Rousseau et Yannick Jadot

Thomas Deszpot et Felicia Sideris
Publié le 23 septembre 2021 à 0h14, mis à jour le 23 septembre 2021 à 0h30

Source : TF1 Info

DÉBAT - L'équipe des Vérificateurs a suivi avec attention le débat entre Sandrine Rousseau et Yannick Jadot ce mercredi sur LCI. L'occasion de passer en revue la véracité des propos tenus par les deux candidats à la primaire des écologistes.

Au coude-à-coude après le premier tour de la primaire écologiste, Yannick Jadot et Sandrine Rousseau ont eu l'occasion de préciser les lignes directrices de leurs programmes respectifs ce mercredi soir sur LCI. Un débat d'environ deux heures au cours duquel les candidats se sont montrés assez précis, comme en témoignent nos vérifications.

13.000 oiseaux sauvages "sacrifiés" ?

La question du bien-être animal s'est évidemment invitée dans le débat. Défenseure de l'écologie, Sandrine Rousseau a rappelé qu'elle voulait "reconnaitre à la nature un statut juridique" tandis que Yannick Jadot a proposé la création d'un ministère dédié à la condition animale. Mais les deux candidats ont surtout critiqué la gestion gouvernementale actuelle sur le sujet. L'eurodéputé a ainsi accusé le Président de la république d'avoir "sacrifié 113.500 oiseaux protégés par la loi" au profit du "lobby cruel".

Théoriquement, c'est vrai. Ce chiffre représente la somme du nombre maximum d'oiseaux sauvages pouvant être capturés en France par le biais de techniques dites "traditionnelles". Interdites par une directive européenne, elles ont été autorisées via une série d'arrêtés ministériels relatifs à la capture de ces oiseaux, datés 27 juillet et portant sur la campagne de 2020-2021. On y lit ainsi que les chasseurs peuvent capturer 106.500 alouettes des champs dans 4 départements du Sud-Ouest (Landes, Gironde, Lot-et-Garonne et Pyrénées-Atlantiques). Auxquels s'ajoutent 1200 vanneaux huppés, 30 pluviers dorés et 5800 grives ou merles noirs dans les Ardennes. 

La surface d'une feuille A4 pour les poules en cage ?

Au-delà de la protection de la biodiversité, le candidat à la présidentielle s'est aussi positionné en faveur d'une interdiction de l'élevage des volailles en cage, qu'il juge inacceptable. "Vous savez quelle est la place d'une poule dans son élevage en cage ?", a-t-il lancé face aux caméras, "c'est ça", a-t-il assuré, brandissant une feuille de papier au format A4. À celle-ci, "vous rajoutez une carte postale", a-t-il complété.

Cette affirmation concorde avec les normes européennes en vigueur. En effet, depuis le 1er janvier 2012, ces dernières ont évolué pour que l'espace vital dédié à chaque poule évolue de 550 cm2 (la surface d'une feuille A4) à 750 cm2, dont 600 cm2 de surface utilisable. En pratique, les volailles ont donc "gagné" 50cm2, soit environ la surface d'une carte postale. On retrouve donc ici une correspondance avec les éléments avancés par l'élu EELV.

Réduire de 65% les émissions de gaz à effet de serre en Europe ?

"Il nous faut être à 1,5 degré maximal de réchauffement climatique" par rapport au niveau préindustriel, a rappelé Yannick Jadot lors de ses échanges avec Sandrine Rousseau. Une référence directe aux objectifs fixés dans le cadre de l'Accord de Paris. Or, pour y parvenir, "il faut qu'on soit au niveau européen à moins de 65% de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre", a-t-il souligné. 

D'où vient ce chiffre ? "Il provient d’études faites par les ONG sur les chiffres du GIEC", indiquait l'an passé Neil Makaroff, responsable Europe du Réseau Action Climat. "Il prend en compte la nécessité de baisser drastiquement les émissions de GES le plus rapidement possible, mais aussi la responsabilité historique des plus gros émetteurs qui doivent faire davantage d’efforts." Les associations reprennent aujourd'hui en chœur ces estimations, déplorant que les États affichent des ambitions plus réduites. Rappelons qu'en 2014, l'Union européenne avait fixé comme objectif de diminuer ses émissions de gaz à effet de serre de 40% à l'horizon 2030, au grand dam des experts des ONG, qui réclamaient davantage de volontarisme de la part de l'UE.

42% des trajets de moins d'un kilomètre réalisés en voiture ?

Sandrine Rousseau a défendu à travers sa candidature le besoin d'une "démobilité". Pour appuyer son propos, elle a expliqué que "42% des trajets de moins d'un km" sont effectués en voiture. Une affirmation qui se révèle incorrecte. Ce chiffre ne sort pas de nulle part, puisqu'on le retrouve dans un rapport de l'Insee publié en janvier 2021. Toutefois, il ne porte pas sur l'ensemble des déplacements de moins d'un kilomètre. Il désigne la proportion de salariés qui choisissent de prendre leur voiture lorsqu'il s'agit de réaliser un trajet domicile-bureau de moins d'un kilomètre. Dans une telle situation, l'automobile reste utilisée dans 42% des cas. Sans surprise la part des salariés qui prennent leur véhicule augmente à mesure que la distance avec le lieu de travail s'allonge.

Quelle position de Yannick Jadot sur l'ISF ?

Avoir des propositions, c'est une chose, encore faut-il les financer. Et sur ce point précis, Sandrine Rousseau a taclé son adversaire. Sur le plateau de LCI, elle a accusé Yannick Jadot de ne pas avoir précisé dans son programme sa position sur l'imposition des plus fortunés. Il est vrai que cette thématique n'apparaît pas dans les "premières propositions structurantes" disponibles sur le site de Yannick Jadot. Ceci dit, et comme lui a rétorqué le principal concerné, il porte bien "comme tous les écologistes" le retour de l'Impôt sur la fortune (ISF). 

Défenseur du programme d'Europe Écologie-Les Verts (EELV), on retrouve bien dans ce texte, parmi "les propositions fiscales des écologistes", le "renforcement de l'ISF". Une question sur laquelle l'eurodéputé n'hésite d'ailleurs pas à prendre position. Depuis plusieurs mois dans les médias, il plaide pour un retour de cet impôt, supprimé par Emmanuel Macron.

"Contrôle au faciès", mythe ou réalité ?

Autre élément de conflit entre les deux candidats, la question du "racisme" dans la police. Car si Yannick Jadot était présent au côté des policiers lors de la manifestation de soutien aux forces de l’ordre le 18 mai, ce n'était pas le cas de Sandrine Rousseau, qui a préféré par le passé apporter son "soutien" à Assa Traoré. Alors, la candidate estime-t-elle que "la police est raciste" ? Interrogée sur la question, la candidate a préféré répondre que les forces de l'ordre avaient des "consignes qui aggravent les discriminations dans la population française", soulignant notamment le problème du contrôle au faciès. Alors, mythe ou vrai phénomène ? Malheureusement, il n'y a pas de statistiques officielles sur la question, le recensement ethnique étant interdit en France.

Ceci dit, au moins deux enquêtes sur le sujet soulignent effectivement l'existence de ces discriminations. Ainsi, en 2017, le Défenseur des Droits avait publié une étude portant sur les contrôles de police subis par un panel représentatif de 5000 personnes. Résultat : pour les jeunes hommes issus de l'immigration, la probabilité d'être contrôlés apparaît vingt fois plus élevée que pour le reste de la population. Un constat similaire à celui fait, dix ans auparavant, par le CNRS. Cette fois-ci, les sociologues n'ont pas interrogé les Français, mais ont directement observé le comportement des forces de l'ordre dans différentes gares parisiennes. Et dans le hall de la Gare du Nord, à Paris, le constat était sans appel. Tandis que seuls 29% des usagers étaient des personnes de couleurs, ils représentaient 82% des contrôles de la police.

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