La crise sanitaire a accentué les envies de nature des citadins.Nombre d’entre eux ont choisi de s’installer dans la Drôme, département où se trouve notamment la Biovallée, territoire qui se veut à la pointe du développement durable.Mais l’acclimatation ne se passe pas toujours comme prévu.
Quitter la ville n’apaise pas toujours les tensions. À Buis-les-Baronnies, Yvan Jarnias est agriculteur. Depuis des années, il louait des terres pour que ses vaches puissent paître. Mais depuis l’an dernier, il ne peut plus exploiter le territoire. Le nouveau propriétaire, venu de Marseille, et installé dans une immense bâtisse quelques mètres plus loin, a décidé de l’expulser.
"Ils veulent s’acheter leur petit coin de paradis pénard, et nous, on en fait les frais. On se fait virer de domaines magnifiques pour du plaisir personnel. Ces nouveaux arrivants n’ont aucun respect pour l’agriculture et pour les paysans locaux", regrette Yvan Jarnias. Les deux hommes ne s'adressent plus la parole et l'affaire est désormais devant le tribunal.
Des bruits ou des habitudes du monde rural qui dérangent
Mais l'éleveur n’est pas le seul à être confronté à de nouvelles habitudes. Le maire de la commune sans étiquette, Sébastien Bernard, est éberlué par les courriers envoyés par certains administrés. Une nouvelle résidente s’est par exemple plaint d’avoir chuté à cause d’une racine de platane sur la place du village. "Les livraisons, les Uber qui existent en ville, on ne les a pas ici. Pourtant, certains nous sollicitent pour avoir les mêmes services", cite encore l’élu.
Et on ne compte plus les litiges entre néoruraux et habitants locaux. À Ceyrat, dans le Puy-de-dôme, un nouvel habitant avait lancé une pétition pour que les cloches de l’église de la commune ne sonnent plus. À Sainte-Flaive-des-Loups, en Vendée, face aux plaintes, un maire s’est décidé à installer une pancarte qui conseille de passer son chemin si on ne supporte pas le bruit provoqué par les enfants, les vaches, les coqs, les cloches ou encore les loups, commun dans cette commune rurale.
Un peu plus au nord de la Drôme, à Crest, la cohabitation est également difficile. Alors que la commune gagne chaque année des centaines de nouveaux habitants, on mesure à la sortie de l’école les différents qui peuvent exister. "Ce qu’on a trouvé ici, c’est le côté 'nature', on est tombé amoureux du coin", s’extasie une nouvelle arrivante tandis que d'autres parents se montrent plus sceptiques face à des modes de vie auxquels ils sont peu habitués. "Avec leur vélo cargo, on a plus le droit de passer... À l’école, ils traitent les poux à la lavande, mais ce n'est pas comme ça qu’ils vont partir", s'offusque une habitante de longue date.
Hervé Mariton, maire LR de Crest avoue ne pas apprécier non plus le comportement de certains nouveaux venus. "C'est vrai que certains d’entre eux ont une petite attitude de donneurs de leçon et disent ‘on veut changer la ville’, c’est un peu curieux", regrette-t-il. Mais les nouveaux arrivants de leur côté s'opposent à tout sectarisme. "Je peux comprendre certaines crispations. Mais j’ai la sensation qu’on arrive aussi avec des envies de s’inscrire dans la vie sociale, de participer aussi, de pas être en retrait", se défend Amélie, originaire de Marseille et qui a créé un atelier de peinture pour les enfants.
Certains d'ailleurs sont bien décidés à imprimer leur marque. Nicolas Sizaret, arrivé de Lyon il y a sept ans, est désormais élu dans l'opposition au Conseil municipal. Il souhaite que plus de pistes cyclables soient installées sur la commune. Les opposants au maire ont également réussi à empêcher la construction d'un projet de parc aquatique à la sortie de la ville. Un vent nouveau semble souffler sur la ville de Crest.