Changement de présidence, démissions... que se passe-t-il à la Commission sur l'inceste ?

Publié le 15 décembre 2023 à 16h15

Source : JT 20h Semaine

Alors que le sort de la Commission sur l'inceste était en suspens, le gouvernement a décidé de son maintien ce lundi 11 décembre.
Sa présidence a été néanmoins changée, provoquant la colère d'une partie des membres de cette commission.
11 d'entre eux ont annoncé leur démission.

Des changements qui ne passent pas. Ce lundi 11 décembre, le gouvernement a acté le maintien de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), dont le travail devait théoriquement prendre fin le 31 décembre 2023. Sa présidence a néanmoins été changée, le juge Edouard Durand étant remplacé par l'ex-rugbyman Sébastien Boueilh. 

Une "éviction" dénoncée par plusieurs membres de la Ciivise, qui ont déposé leur démission, craignant que ce changement de présidence annonce "un affaiblissement de la lutte contre l'inceste". Explications.

Le maintien de la Ciivise

La Ciivise a vu le jour en mars 2021 dans le sillage de la publication du livre "La Familia Grande" de Camille Kouchner, accusant son beau-père, le politologue Olivier Duhamel, de viols sur son frère jumeau. Le livre provoque l'émergence de milliers de témoignages sous le hashtag #MeTooinceste et ouvre la nécessité d'une prise en charge de la parole des enfants victimes de violences sexuelles, ce que la commission s'efforce de faire. 

En l'espace de deux ans, la Ciivise recueille près de 30.000 témoignages et rendu au gouvernement un rapport de 82 recommandations pour lutter contre ce "crime de masse" qui touche, selon elle, 160.000 enfants chaque année. Si son travail était salué, mais le sort de la commission était en suspens, son mandat devant se terminer le 31 décembre 2023. Ce lundi 11 décembre, la secrétaire d'État à l'Enfance, Charlotte Caubel, a finalement maintenu la commission tout en dévoilant plusieurs changements.

Une nouvelle feuille de route

Alors que la Commission sur l'inceste était présidée jusque-là par le juge des enfants Edouard Durand et Nathalie Mathieu, c'est l'ancien rugbyman Sébastien Boueilh, fondateur de l'association "Colosse aux pieds d'argile", qui lutte contre les violences sexuelles dans le milieu sportif, qui a pris sa tête. Il mènera cette mission aux côtés d'une vice-présidente, l'experte judiciaire Caroline Rey-Salmon.

La feuille de route de la commission a également changé. En plus de l'inceste, elle se penchera sur la prise en charge des mineurs, victimes de prostitution ou de pédocriminalité en ligne, la prise en charge des auteurs de violences sexuelles sur mineurs et la formation des professionnels au contact des enfants "aux gestes les plus protecteurs", a détaillé un communiqué du gouvernement.

Ces changements n'ont pas été vus d'un bon œil par la plupart des membres de la Ciivise. Dans un communiqué, onze d'entre eux, soit la moitié des personnes qui composent cette commission, ont annoncé leur démission, en signe de protestation. Mettant en avant l'"espace de parole et de réflexion" qui a été créé grâce au travail de la commission, les signataires ont déploré que "les deux coprésident.es n’aient pas été préalablement informé.es ni du maintien de la CIIVISE, ni de la nomination de Sébastien Boueilh, et donc de l’éviction d’Edouard Durand (...). Nous dénonçons ce silence en réponse à nos sollicitations." Associations et experts plaidaient effectivement pour un maintien du juge à la tête de la commission, notamment dans un souci de continuité pour les victimes.

"On a l'impression qu'on cherche à mettre un couvercle sur la libération de la parole que la Ciivise a entraînée", a estimé à l'AFP Laurent Boyet, fondateur d'une association de victimes et membre démissionnaire, à propos du changement de présidence. Le juge Edouard Durand était apprécié pour son indépendance et son franc-parler. Mais son aura médiatique et la mise en cause répétée des dysfonctionnements du traitement judiciaire des violences sexuelles agaçaient, selon des observateurs.

Ancien président de la Commission sur les abus sexuels dans l'Église, Jean-Marc Sauvé a également fait part de son "incompréhension" dans la Croix. 

"C'est une étrange manière de dire merci que d'évincer aussi brutalement les responsables de ce travail". "Nous craignons que cela marque un affaiblissement de la lutte contre l'inceste, qui n'est plus au cœur de la feuille de route de la Ciivise", a par ailleurs indiqué la psychiatre Muriel Salmona.


Aurélie LOEK

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