Inceste : "Il faut que la parole se libère à l’intérieur de la famille", défend sur LCI Charlotte Caubel

par Maëlane LOAËC
Publié le 30 septembre 2023 à 13h10

Source : TF1 Info

Le gouvernement diffuse depuis quelques semaines une campagne choc pour alerter sur le fléau de l'inceste et des violences sexuelles faites aux enfants.
Invitée sur LCI, la Secrétaire d'État chargée de l'Enfance, Charlotte Caubel, appelle à mieux écouter la parole des victimes en se débarrassant du "tabou" sur ce fléau, dont a été victime un adulte sur dix en France.

Un fléau enraciné dans la société, mais encore largement passé sous silence. Le gouvernement a lancé depuis la mi-septembre une campagne choc contre l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, un spot qui sera notamment diffusé lundi soir sur TF1, à l'occasion d'une soirée spéciale avec la diffusion du téléfilm Les Yeux Grands Fermés et un documentaire sur le sujet. "C'est la première fois qu'un gouvernement utilise le mot inceste" dans une campagne gouvernementale, le mot ne figurant "pas dans le code pénal", a insisté la Secrétaire d'État chargée de l'Enfance Charlotte Caubel, invitée sur LCI ce samedi. 

Elle a ainsi déploré un "triple tabou" autour de l'inceste, "qui fait que les choses ne sortent pas" : "le tabou des violences sur les enfants", celui de "la sexualité dans notre pays", et enfin celui des "violences sexuelles sur enfants dans les familles". Or le spot du gouvernement rappelle l'ampleur du fléau, sous cette chape de silence : toutes les trois minutes, un enfant est victime d'inceste, de viol ou d'agression sexuelle, des violences qui surviennent "souvent dans l'environnement familier", a souligné la ministre. 

"L'environnement doit protéger et mieux écouter"

Selon les travaux de la Commission Inceste (Ciivise), 160.000 enfants sont victimes chaque année d'inceste. À l'échelle d'une classe d'école, cela représente entre deux à trois enfants qui ont été concernés par le passé ou qui continuent de l'être. Toujours selon les chiffres officiels, un adulte sur dix en France a ainsi été victime d'inceste au cours de sa vie. "Dans votre environnement, vous croisez non seulement des victimes mais aussi des auteurs, forcément", a appuyé Charlotte Caubel.

 

Pour tenter d'endiguer le fléau, la campagne appelle ainsi l'entourage à ouvrir les yeux sur ces violences et tendre l'oreille aux témoignages des plus petits. "L’idée de ce spot, c’est de dire que ce n’est pas les enfants qui doivent libérer leur parole, même si on en a besoin pour exprimer ce qu'ils ont vécu, mais c'est l’environnement doit se saisir de cela, les protéger et mieux les écouter", a expliqué la Secrétaire d'État, qui fut par le passé directrice de la protection judiciaire de la jeunesse.

Elle a ainsi souligné que de nombreux adultes "continuent à vivre avec ce secret", parce que "quand vous parlez, vous détruisez une famille" : "il y a ceux qui sont d’accord ou pas, ceux qui protègent, etc", a-t-elle illustré, insistant sur le "conflit de loyauté très fort" que subissent les victimes. Un tiraillement abordé dans le téléfilm qui sera diffusé lundi soir sur TF1, Les Yeux Grands Fermés, mettant en scène une grand-mère, campée par Muriel Robin, qui découvre que son petit-fils a été victime de son propre fils, son père. Pour autant, "il faut que la parole se libère à l’intérieur de la famille, il faut que les parents et les grands-parents en parlent avec les enfants", a insisté la ministre, martelant l'importance d'ouvrir la "conversation" à ce sujet. 

L'intimité et le consentement évoqués "dès la maternelle"

Charlotte Caubel a souligné au passage le travail mené conjointement avec le ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal pour "enfin structurer l’éducation à la vie affective, au corps et à la sexualité" au cours de la scolarité, en mettant l'accent "dès la maternelle" sur le concept de consentement et d'intimité, et appelé les parents à "le faire avec nous". "On ne va pas parler de sexualité en maternelle, mais parler de l’intimité du corps, du fait que personne ne doit toucher au corps (d'un enfant) sans son autorisation. C’est très important, c’est de la pédagogie", a-t-elle défendu.

Quant à l'arsenal judiciaire, la ministre a assuré qu'un accent a été porté sur la prescription, pour permettre le dépôt de plainte "tard après la majorité". Mais aussi sur l'âge du seuil de non-consentement, fixé à 15 ans par un texte voté en 2021 : "en dessous, il n'est plus question de consentement" dans une relation sexuelle entre un adulte et un mineur, a-t-elle rappelé. Elle a aussi évoqué le "déploiement unités d'accueil pédiatrique pour recueillir la parole des enfants" ou encore la formation des enquêteurs renforcée sur le sujet. Mais s'il faut "bien sûr une chaine pénale, des enquêteurs et magistrats", la Secrétaire d'État a exhorté à "remonter en prévention, en éducation" sur le sujet, d'où l'objectif affiché par la campagne gouvernementale. 

Charlotte Caubel est également revenue sur le drame survenu dans l'Eure le week-end dernier, la mort d'une petite fille de trois ans battue à mort, un meurtre dont sa mère et son beau-père sont soupçonnés. "On a un sujet de violences au sein des familles qu’il ne faut pas minimiser", a-t-elle estimé, rappelant les "chiffres effrayants" d'un enfant tué tous les cinq jours dans son environnement familial en France. Face à ce constat vertigineux, elle a jugé que "nous avons du mal à voir les violences faites aux enfants" et appelé à "réveiller la France" à ce sujet. Quant à l'affaire en cours, la ministre a rappelé qu'une enquête pénale et administrative avait été ouverte, tout en déplorant un "échec", après l'absence de signalements des violences endurées depuis des mois par l'enfant. Le numéro d'urgence du 119 a été renforcé, a-t-elle également indiqué.


Maëlane LOAËC

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