Compteurs Linky trafiqués : comment les enquêteurs traquent les pirates de l'électricité

par Hamza HIZZIR | Reportage TF1 Martin Bornet, Axel Charles-Messance
Publié le 8 mars 2024 à 11h40, mis à jour le 8 mars 2024 à 11h46

Source : JT 20h Semaine

Le gestionnaire du réseau électrique Enedis alerte : de plus en plus de compteurs Linky sont trafiqués pour faire baisser la note.
Derrière ces piratages, de faux agents qui promettent à des particuliers de réduire leur facture contre une somme d'argent.
Le 20H de TF1 vous explique la combine et la manière dont les fraudeurs sont traqués.

Jamais les gendarmes de Besançon (Doubs) n'avaient réalisé une aussi grosse saisie : 24 compteurs Linky, tous piratés. Au moins 40 personnes, principalement des commerçants de la région, en ont profité pour faire baisser, illégalement, le montant de leur facture d’électricité. Selon nos estimations, un opticien aurait fait passer la facture d'électricité de ses deux magasins d'optique de 6.000 à 1.200 euros sur dix mois. Un boulanger, lui, nous a indiqué avoir ainsi gagné 50 euros par mois, pendant onze mois… Des exemples parmi tant d’autres.

Mercredi, Enedis, par voie de communiqué, a tenu à mettre en garde "ses 37,5 millions de clients" contre ces "pratiques frauduleuses", l’entreprise ayant été "informée de l’utilisation de son nom et de l’identité de certains de ses collaborateurs à des fins de modifications dangereuses et illégales sur le tableau électrique de ses clients, faussant ainsi leur consommation d’électricité". Des pratiques "pouvant affecter la sécurité des tiers ou de toute personne intervenant sur le réseau électrique", que le groupe "condamne fermement".

Pour démanteler un de ces trafics, le Groupement de gendarmerie départementale du Doubs (GGD25) a mené une enquête d'envergure. "C’est un travail basé sur des écoutes téléphoniques, sur des analyses de comptes bancaires, sur des filatures", détaille au micro de TF1, dans le reportage du JT en tête de cet article, le colonel Lionel James. Les fraudeurs fonctionnaient ici en binôme : un apporteur d'affaires, chargé de trouver des clients, et un technicien procédant à l'ouverture puis à la modification du compteur, pour faire chuter la note, contre une somme de 1.000 à 1.500 euros.

Concernant le profil des clients fraudeurs, Étienne Manteaux, procureur de la République de Besançon, parle de "gens très, très insérés, qui avaient des ressources très, très supérieures à la moyenne de nos concitoyens, mais enfermés dans la logique du ‘toujours plus d’argent’"...  En quelques clics sur les réseaux sociaux, nous avons trouvé une annonce illégale. Son auteur promet de se déplacer "n’importe où" pour pirater votre compteur, sans laisser "aucune trace".

"C’est comme tu veux toi. On peut réduire la facture de 20, 50, 70 ou 80%", nous assure-t-il au téléphone, sans savoir qu’il est enregistré. Il confesse avoir travaillé "directement pour Enedis" et trafiquer aujourd’hui "énormément", "à la demande", parce que "les risques sont nuls"… Pourtant, en observant l’installation d’un compteur Linky par un technicien d’Enedis, équipé d’une combinaison spéciale, de gants et d’un casque, force est de constater une dangerosité certaine. 

"Le fraudeur, en ouvrant la partie scellée, aura les bornes sous tension. Donc il est en danger pour lui, d’électrisation et d’électrocution", explique Rémi Pirsoul, technicien d’intervention polyvalent (TIP). Longtemps passés inaperçus, les fraudeurs s’exposent, en outre, à la plus grande sûreté des compteurs, le Linky envoyant un signal à Enedis à chaque ouverture. "Via le compteur, on peut aussi s’apercevoir qu’il y a une variation brutale de consommation et envoyer quelqu’un", ajoute enfin Éric Salomon, directeur clients chez Enedis. Pour mémoire, les vols d’énergie sont passibles de lourdes sanctions pénales, allant jusqu’à un million d’euros d’amende et dix ans d’emprisonnement.


Hamza HIZZIR | Reportage TF1 Martin Bornet, Axel Charles-Messance

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