VIDÉO - Dordogne : le combat des habitants d'un village pour se payer leur propre station-service

par La rédaction de TF1info | Reportage "Sept à Huit" Stéphane Sanchez et Marie-Laure Gauthier
Publié le 3 octobre 2023 à 15h22

Source : TF1 Info

À Saint-Saud-Lacoussière, dans le Périgord Vert, 35 des 900 habitants de la commune se sont payés leur propre station-service.
Derrière cette initiative, la bravoure d'un homme attaché à sa région.
Une équipe de "Sept à Huit" s'est rendue dans ce village en résistance.

C'est une histoire où l'on se dit que, parfois, l'union fait bel et bien la force. Plutôt que de faire 30 km pour chercher de l'essence, 35 habitants de Saint-Saud Lacoussière, une petite commune du Périgord Vert entre Limoges et Périgueux, se sont réunis pour financer leur propre station-service. 

En décembre 2023, la fermeture de l'ancienne station-service du village a été un coup dur pour les 900 habitants de la commune et ceux des environs, les obligeant à faire au moins 30 km aller-retour pour faire le plein de leur véhicule. Jérôme Garon, ancien technicien de recherche agricole à Poitiers, qui a tout plaqué pour devenir chef d'entreprise dans l'alimentaire, a décidé de prendre les choses en main et de réagir à la désertification du lieu. À ses côtés donc, un échantillon très dense d'une trentaine d'habitants, âgés de 20 à 95 ans. Parmi eux figure le maire, Pierre Duval. Grâce à ces gens, le village du Périgord a pu inaugurer il y a deux mois une toute nouvelle station-service. Une résurrection qui a coûté la peu modique somme de 290.000 euros. Dans le détail, tous ont investi entre 100 et 20.000 euros pour devenir actionnaires de cette station-service. Et c'est Jérôme qui les a démarchés, un par un. 

De "gros montants", admet-il dans le reportage de "Sept à Huit" à retrouver en tête de cet article. N'empêche, "les gens ont tout de suite donné". En dix jours, 169.000 euros ont été réunis. Grâce à ce capital, les actionnaires ont pu convaincre la banque de leur prêter 115.000 euros - une somme qu'il faudra rembourser dans les années à venir. Parmi les participants à cette cagnotte, Pierre, un habitant qui a donné 5000 euros au projet. "J'ai trouvé que c'était une très bonne initiative et que ça faisait du bien à tout le monde, à la commune comme aux commerces", explique-t-il, misant sur une "répercussion" commerciale.

Reconstruire ce qui a été détruit

Derrière ce combat pour une station-service, se cache l'histoire d'un village en décrépitude depuis des décennies : 1500 habitants le peuplaient dans les années 60 ; aujourd'hui, on en compte près de 900. Ne subsiste plus que douze commerces, loin des trente boutiques d'hier. Pour stopper cette hémorragie, Pierre Duval, le maire de Saint-Saud Lacoussière, du haut de ses 80 ans, n'a pas dit son dernier mot et fait montre d'une détermination sans faille, offrant des terrains municipaux pour faire venir de nouveaux commerces et des entreprises, incitant des Français à venir et donc à changer de vie. À l'instar de Jérôme Garon qui a tout plaqué pour sauver le village dans lequel il a grandi.

Celui qui a été nommé gérant de la station-service par les habitants actionnaires consacre chaque jour, en plus de son activité, une heure à la station sans être rémunéré, de l'entretien jusqu'aux commandes de carburant. "Je regarde mon stock, ce qu'il me reste en gazole, en sans plomb 98, avant d'appeler mon marchand de fioul", détaille-t-il. "On a appris sur le tas comme ça. C'était au feeling. On s'est dit 'allez, on y va et on verra bien par la suite comment il faut faire'." Reste qu'il n'a pas la force de frappe des grands groupes, obligé de réduire sa marge au maximum pour tout de même proposer de l'essence à un prix abordable aux habitants. Peu importe le profit : le dessein de Jérôme est avant tout de se rendre utile aux autres. 

C'est aussi pour cet enfant du village une mission intime, familiale, montrant à l'équipe de "Sept à Huit" l'ancienne boucherie tenue pendant 40 ans par ses parents ("là où j'ai passé toute mon enfance", dit-il).  Les parents de Jérôme ont baissé le rideau il y a trois ans, confrontés à une concurrence nouvelle sur laquelle se sont précipités les éleveurs : "Ça fait de la peine, c'est comme ça", dit-il, un peu désabusé. 

D'où son combat pour une station-service, qui est aussi celui d'une vie, où, derrière cette belle idée collective de sauver ensemble ce qu'il est encore possible de sauver, un homme s'accroche à tout ce qui l'a constitué, reprenant le flambeau de ses parents dépassés par des enjeux trop grands pour eux. Pas tant de la nostalgie que de rendre hommage à tout le savoir-faire d'un village et de ses habitants ravagés par les carnassières grandes entreprises sans pitié. Derrière cette reprise d'une station-service émane un acte de résistance salutaire contre tout ce qui menace de disparaître, rendant la lutte encore plus émouvante, justifiant cette immense solidarité. 


La rédaction de TF1info | Reportage "Sept à Huit" Stéphane Sanchez et Marie-Laure Gauthier

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