Manon Genest, para athlète : "Le handicap a développé mes valeurs d’altruisme et d’empathie"

Publié le 25 janvier 2024 à 16h00

Source : JT 13h WE

Une médaille de bronze aux championnats du monde de saut en longueur, championne du monde de triathlon… Manon Genest s’est reconstruite grâce au sport après un grave accident de la route.
Aujourd’hui, elle a une chance de ramener l’or des Jeux paralympiques.
Pour Avec Elles, nous vous présentons une série de sportives médaillables du mercredi 28 août au dimanche 8 septembre prochain.

4,76 mètres. À son dernier essai, au stade Charléty de Paris, Manon Genest arrache son record personnel et décroche la médaille de bronze aux championnats du monde de para athlétisme de 2023. Un aboutissement qui offre à la militaire de 31 ans le costume de favorite dans l’épreuve de saut en longueur catégorie T37 aux Jeux paralympiques de Paris.

Manon Genest revient de loin. En 2015, sur les routes de l’Indre, elle subit un grave accident de la route. Depuis, elle souffre d’une hémiparésie du côté gauche : "Sur le coup, je fais un traumatisme crânien. Il s’agit d’un déficit partiel de la force musculaire et de spasticité, une raideur musculaire involontaire. Depuis, je ressens souvent des crampes et une orthèse appuie ma jambe gauche. Sur le plan neurologique, j’ai beau penser à ouvrir ma main, elle se referme. La concentration me demande beaucoup d’effort." Après 5 mois en centre de rééducation, elle est invitée à poursuivre sa reconstruction ailleurs : "Les éducateurs m’ont annoncé que j’avais un problème de mobilité irréversible et m’ont parlé de handicap. J’ai trouvé ça rude, ça m’a donné le cafard et je me suis demandé ce que j’allais devenir."

Le sport pour se sauver

Une éducatrice la prend en main et décèle de fortes aptitudes physiques. "Je ne connaissais pas le handisport, mais elle me propose de la suivre sur du triathlon. Quelques mois plus tard, je deviens championne du monde. Je retrouve le bonheur de me lever chaque matin", se réjouit l’athlète. Premier pari gagné. Le secret, le sport et l’hygiène de vie : "Je pratique du sport depuis que je suis toute petite : danse, natation, etc. J’ai toujours eu beaucoup d’énergie à canaliser. La bonne condition physique que j’entretenais avant l’accident m’a permise de la retrouver plus facilement après. Mentalement, je n’avais plus rien à perdre. Je ne me contente jamais de ce que je viens de réussir et je veux toujours aller au-delà et me dépasser."

Problème, Manon Genest ne participe pas aux Jeux paralympiques de Rio : "Ma catégorie de handicap n’est pas sélectionnée. Je vis ça comme un gros coup dur. Mon entraîneur propose de m’aider à me reconvertir." Elle choisit l’athlétisme, sport dans lequel elle dit ressentir le plus de plaisir : "J’ai commencé par du 400 mètres. Mais je tournais en rond. Je découvre le saut en longueur. Dès mon premier concours, je décroche les minimas pour les Jeux paralympiques de Tokyo. J’ai tout de suite pris un plaisir fou."

Manon Genest devient une sportive de haut niveau. À l’entraînement le matin, chargée de sécurité et santé pour l’armée l’après-midi, la Castelroussine sacrifie sa vie sociale, décale ses vacances et demande à ses proches de s’adapter : "Tous les ans, c'est pareil, nous ne faisons pas de grandes sorties et nous nous calons avec mon mari sur le calendrier des compétitions. C’est beaucoup de rigueur au quotidien, chaque minute compte. Je fais attention à la qualité de mon sommeil et à mon alimentation." L’athlète parvient à tout concilier, mais elle jure qu’un seul facteur l’arrêtera : "Si ma fille verbalise qu’elle ne me voit pas assez, je me poserai les bonnes questions."

La berrichonne fait partie des rares sportives de haut niveau qui ont interrompu leur carrière pour réaliser leur désir d’enfant. "J’ai choisi d’avoir un enfant et je l’assume. Elle a 21 mois et je continue de l’allaiter. Dans mon régiment, milieu d’hommes, ça n’a jamais posé problème. Ils me mettent dans les meilleures dispositions et privilégient le télétravail." Côté sportif, malgré les meilleures performances de sa carrière et une médaille mondiale, elle mène un combat de l’ombre : "On me signale que l’allaitement n’est pas compatible avec le sport de haut niveau. Nous sommes quelques-unes à nous battre."

Le handicap pour s’affirmer

Aujourd’hui, Manon Genest a accepté son handicap : "Si je devais revenir en arrière, je ne changerais rien et je laisserais l’accident bouleverser ma vie. Je considère ce virage nécessaire." Si elle mesure la difficulté des moments vécus, elle retient les qualités humaines que le handicap lui a inculquées : "Le handicap a développé mes valeurs d’altruisme et d’empathie. Je me sens plus à l’aise vis-à-vis de l’autre. Le handicap a renforcé ma relation avec ma maman : nous avons fait des courses toutes les deux, nous voyageons sur les lieux de compétition ensemble et nous n’avons jamais dramatisé ma situation."

Inspirée par les athlètes Marie-Josée Perec et Stéphane Diagana, elle loue leur résilience. En 2021 à Tokyo, sur les 54 médailles paralympiques décrochées par la délégation française, seules 13 femmes étaient montées sur un podium. Ce chiffre surprend Manon Genest qui reconnaît que les fédérations handisports doivent recruter : "Il faut dire aux femmes que nous pouvons assumer le rôle de sportive et de mère en même temps. Nous devons faire évoluer les mentalités et arrêter de nous imposer des limites. Décrocher une médaille à Paris sera le meilleur moyen de faire passer mon message", conclut l’athlète.


Geoffrey LOPES

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