"Ce n’est pas une prédatrice" : Catherine Breillat défend l'héroïne de "L'Été dernier", le film choc de Cannes 2023

par Jérôme VERMELIN à Cannes
Publié le 26 mai 2023 à 19h20

Source : TF1 Info

Catherine Breillat a secoué la Croisette avec "L'Été dernier".
L'histoire d'une passion incestueuse entre une avocate et son beau-fils mineur.
Un drame troublant interprété par Léa Drucker et le jeune Samuel Kircher, présents aux côtés de la réalisatrice ce vendredi face à la presse.

Dans la dernière ligne droite avant le palmarès, Catherine Breillat est venue redistributer les cartes avec L’Été dernier, sans doute le film qui suscite les réactions les plus contrastées depuis le début de cette 76ème édition. Dans ce remake du long-métrage danois Dronningen, Léa Drucker interprète Anne, une femme mariée qui entretient une liaison incestueuse avec Théo, son beau-fils de 17 ans. Le fait qu’elle soit avocate spécialisée dans les violences faites aux mineurs rend la situation d’autant plus dérangeante. C’est le producteur Saïd Ben Saïd qui a proposé à la cinéaste ce projet, dix ans après son dernier film et une hémorragie cérébrale qui l’a laissée en partie handicapée.

"Je fais des commandes ce que je veux", a prévenu d’emblée Catherine Breillat en conférence de presse ce vendredi. "Je les tords, je les distords, je les ramène à moi. Dans le film d’origine, il y avait un dispositif scénaristique parfait qui est la scène du mensonge", ajoute-t-elle à propos d’une séquence clé où l’épouse nie les faits face à son mari. "Je considérais qu’elle était tellement magnifique que je voulais l’utiliser. Ensuite, il y avait un adolescent et comme vous le savez, l’adolescence est ma passion", a rappelé la réalisatrice qui a débuté sa carrière en 1976 avec Une vraie jeune fille.

Les scènes d’amour, on ne les voit que dans les films porno ou alors les cinéastes les éludent. Moi je ne veux pas les éluder
Catherine Breillat

"Le changement avec l’original, c’est le personnage de Anne. Ce n’est plus une prédatrice", a pris soin de préciser la cinéaste de 74 ans, prononçant elle-même un mot qu'on entend beaucoup ici à Cannes au sujet de son héroïne. "Quand Anne et Théo tombent amoureux, c’est complètement à leur insu au début", a-t-elle plaidé. "Il y a une espèce de bonheur à être ensemble, une sorte de griserie qui s’installe. Ils n’analysent pas du tout ce qui va se passer. C’est pour ça qu’elle n’est pas une prédatrice réellement. C’est autre chose."

Dans le rôle de cette femme dont le désir n’a cure d’aucune forme de morale, Léa Drucker livre l’une des performances les plus puissantes de sa carrière. "C’était un plongeon dans le monde de Catherine dont j’avais vu beaucoup de films", a avoué la comédienne de 51 ans. "Ce plongeon, je savais qu’il fallait accepter le faire en découvrant des choses dans le moment sur le tournage. J’ai essayé en préparation de chercher la clé pour m’identifier à mon personnage. Et ne pas la juger et ne pas la condamner, évidemment. Ensuite je me suis réservée la possibilité d’être inspirée par les comédiens avec qui je jouais. Mais aussi par Catherine, par sa personnalité, par son regard sur le monde qui est singulier. Je me suis laissée transporter."

Cannes 2023 : la montée des marches émouvante de "L'Été dernier"Source : TF1 Info

Pour son premier grand rôle au cinéma, Samuel Kircher, 18 ans, incarne avec Théo avec un mélange subtil de noirceur et de naïveté. "En lisant le scénario, j’ai été assez touché par ce personnage qui n’a jamais été pris en compte par ses parents ni par personne", a souligné le jeune homme. "Tout à coup, il y a une main qui lui est tendue. Pour la première fois, il n’est pas considéré comme un enfant qu’on prend par le bras mais comme un adulte. C’est tout ça qui est bouleversant : pour la première fois, il y a quelqu’un pour qui il a l’impression de compter. Et tout d’un coup cette main se retire, avec tout le drame que ça peut engendrer."

Face à la presse, le trio a évoqué le tournage des scènes de sexe, d’un réalisme troublant. "C’était très orchestré, presque une chorégraphie. J’avais un peu le trac au début, mais Catherine me rassurait, elle m’appelait avant et après", a expliqué Samuel Kircher. "Je pense que j’avais autant le trac que lui, même si je n’ai pas le même âge", a reconnu Léa Drucker. "Ces scènes ne nous ont pas été imposées avec un flou artistique qu’on ne maîtrisait pas. On était en sécurité sur la cinématographie de ces scènes. Et à l’intérieur, ça nous laissait beaucoup de liberté pour apporter des émotions qu’on ne pouvait pas prévoir avant."

"Autrefois quand on détestait mes films, on me reprochait d’être féministe et c’était dégueulasse", a rappelé pour sa part Catherine Breillat. "Féministe, je le suis. Mais avant tout je suis cinéaste. J’aime scruter les choses et voir que tout d’un coup les doxas, les a priori s’effondrent (…) Pour se connaître il faut se reconnaître. Les scènes d’amour, on ne les voit que dans les films porno ou alors les cinéastes les éludent. Moi je ne veux pas les éluder. Je veux les montrer comme elles n'ont jamais été montrées. C’est-à-dire dans l’intimité absolue ou finalement on apparait à soi-même et on apparaît à l’autre."

>> L'Été dernier de Catherine Breillat. Avec Léa Drucker, Samuel Kircher, Olivier Rabourdin. 1h45. En salles le 23 septembre


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