Sa passion pour Adam Driver, son dernier roman bientôt en série : Delphine de Vigan se confie à Deauville

Propos recueillis par Jérôme Vermelin, à Deauville
Publié le 8 septembre 2021 à 18h01, mis à jour le 8 septembre 2021 à 20h46
Sa passion pour Adam Driver, son dernier roman bientôt en série : Delphine de Vigan se confie à Deauville
Source : AFP

INTERVIEW – Membre du jury du 47e Festival de Deauville, la romancière Delphine de Vigan nous raconte sa passion pour le cinéma américain et sa fascination pour le métier d’acteur. Elle nous révèle également que son dernier best-seller, "Les Enfants sont rois" (Gallimard), va être adapté en série.

Cinéphile avertie, Delphine de Vigan a accepté avec enthousiasme de faire partie du jury du 47e Festival américain de Deauville, présidé par la comédienne Charlotte Gainsbourg. Un univers qu’elle connaît bien puisqu’elle a été portée à l’écran à plusieurs reprises, notamment par Roman Polanski avec D’après une histoire vraie, en 2017. Nous sommes allés à sa rencontre ce dimanche, alors que Johnny Depp s’apprêtait à embraser les planches…

Le cinéma américain vous fait-il autant rêver que lors de votre adolescence ? 

Je ne pense pas qu’on puisse aujourd’hui dire "le cinéma américain". J’ai l’impression que ça recouvre des réalités, des économies, des industries très différentes. Entre le cinéma d’auteur indépendant et les grosses productions des studios, il y a un monde. Quand je dis "le cinéma américain", ça correspond à des souvenirs de la jeune cinéphile que j’ai été à travers les films des années 1970. Parmi mes premiers émois cinématographiques, il y a Un après-midi de chien de Sidney Lumet qui reste pour moi un film culte. Je pense aussi aux films de Jerry Schatzberg, à ceux de John Cassavetes. Surtout, je crois qu’il y avait à l’époque quelque chose de très identifié. Aujourd’hui ça me semble plus difficile même s’il y a encore des films que j’adore. 

Le dernier qui vous vient à l’esprit ?

Un de mes grands coups de cœur ces derniers temps, c’est The Florida Project de Sean Baker dont le nouveau film Red Rocket, est présenté ici à Deauville. Ça m’a profondément ému, impressionné. J’avais beaucoup aimé Tangerine, déjà.

C’est l’un des derniers représentants d’un cinéma américain qui offre une alternative aux films de superhéros. Les Marvel & co, vous êtes cliente ?

Ça m’arrive. J’en ai vu lorsque j’accompagnais mes enfants à un âge où ils aimaient ces films-là. Je ne suis pas réfractaire non plus. Il y a des X-Men que j’ai trouvé super, je ne boude pas mon plaisir. Mais ce n’est pas tout à fait le même plaisir.

Est-ce qu’il y a des stars de la nouvelle génération qui vous fascinent autant que, disons, De Niro ou Pacino ? 

Alors moi j’étais Team Pacino ! (Rires). J’ai vu tous ses films, quasiment ! C’est peut-être le signe que je vieillis, mais il n’y a pas aujourd’hui d'acteur ou d'actrice dont je suis la carrière en particulier. 

Même pas un DiCaprio ? 

Je le trouve formidable, mais je ne vais pas aller voir un film parce qu’il est dedans. Ah si, il y a un acteur que j’aime beaucoup, c’est Adam Driver. Je l’avais vu dans Mariage Story de Noah Baumbach avec Scarlett Johansson. Je l’avais trouvé génial, incroyable, il est très fascinant.

Et vous avez-vu Annette

J’ai vu Annette, oui ! Et là je suis tombée amoureuse de lui. 

Vous savez qu’il y a des gens qui détestent ce film et qui sont partis au bout d’un quart d’heure ? 

Mais non ! Les scènes de stand-up sont incroyables, il est complètement dément. Et j’ai adoré le film. J’ai écouté la bande originale après en boucle… j’ai été transportée par ce film. J’aime beaucoup Leos Carax et je ne comprends pas : je suis allée avec une amie qui n’a pas du tout aimé. C’est atroce parce que lorsque vous ressortez, vous avez envie de partager votre enthousiasme et moi j’ai été complètement captée, émue. Je trouve la mise en scène vraiment brillante. D’une manière générale j’aime beaucoup les films musicaux, mais je trouve que celui-là est super gonflé. Et encore une fois Adam Driver est juste immense !

Votre amie, elle disait quoi ?

Ben elle n’a rien aimé ! Elle n’a pas aimé la musique… Elle m’a dit qu’elle n’aimait de toute façon pas le cinéma français, mais je lui ai répondu que ce n’était plus du cinéma français à ce stade, c’est juste du cinéma ! Tellement du cinéma !

En lisant votre dernier roman, Les enfants sont rois, je me suis demandé si les stars de téléréalité n’avaient pas remplacé les stars de cinéma dans le cœur de la nouvelle génération…

Je ne crois pas et je vais vous dire pourquoi. Je pense qu’il y a un truc très nouveau avec l’écho qui est fait à ces stars sur les réseaux sociaux. J’ai le sentiment d’une fracture. Les stars de cinéma, à notre époque, étaient des stars pour tout le monde. Tout le monde les connaissait, tout le monde les admirait. Même si on ne les voyait pas au cinéma, on les voyait à la télévision. Avec ces grands acteurs et ces grandes actrices, français comme étrangers, il y avait un truc qui embarquait tout le monde. La téléréalité, ça ne concerne qu’une partie du public. Une certaine génération et même au sein de cette génération, pas tout le monde. Je crois même qu’il y a un clivage social assez fort. Si bien que des stars absolues pour certaines personnes n’existent pas pour d’autres. C’est vraiment un truc qui me fascine : il y a des stars de téléréalité sur lesquels j’ai fait des recherches qui sont devenues des influenceuses de premier plan… et que plein de gens ne connaissent pas. Comme si le monde se divisait en sous-groupes, en petites communautés, avec chacune ses idoles.

Certains critiques littéraires ont semblé totalement découvrir cet univers dont vous parlez dans le livre…

De même que certains estiment que la littérature ne devrait pas s’emparer d’un sujet aussi bas, aussi vil ! Ce qui n’est pas du tout mon avis ! Mais ça montre bien à quel point ces mondes sont séparés. Ce monde de l’influence encore plus. Parce que la téléréalité, c’est une chose. Ça passe à la télé. Mais aujourd’hui beaucoup de ces jeunes gens qui ont fait des apparitions assez brèves, et pas forcément très marquantes dans des émissions de télé, sont devenus des influenceurs de premier plan. Alors que mes enfants ne les connaissent même pas.

Adapter le livre en film, "j’avoue que je n’y aurais pas pensé

Est-ce que le livre va devenir un film ? 

Les droits ont été achetés pour en faire une série. J’avoue que je n’y aurais pas pensé. Une adaptation au cinéma me semblait possible, or j’ai eu plusieurs propositions pour en faire une série. C’est vrai qu’il y a pas mal de personnages qui peuvent tout à fait être développés. 

Vous allez participer à l’adaptation ?

De loin. On m’a proposé d’en prendre le pilotage et j’avoue que j’ai hésité parce que ça fait longtemps que je tourne autour de cette écriture. Après quelques tergiversations, je me suis dit que ce serait mieux que j’écrive un jour une série et de partir sur autre chose, pas une adaptation d’un de mes romans. Parce que c’est difficile de décaler son regard, de renoncer à des choses lorsqu’on est soi-même l’auteure. Ce travail qui consiste à tordre ce que vous avez fait, je ne suis pas la meilleure personne pour le faire.

Ce qui me chatouille depuis longtemps, c’est d'écrire sur le métier d’acteur ou d’actrice
Delphine de Vigan

Vous avez été adaptée deux fois au cinéma. Par Zabou Breitman avec No et moi et Roman Polanski avec D’après une histoire une vraie

Il y a aussi eu Les Heures Souterraines de Philippe Harrel pour la télévision que j’aime beaucoup. 

Vous en avez été contente à chaque fois ? 

Plus ou moins (rires). Pour moi, c’est un pari à chaque fois et je considère que si l’on accepte d’être adapté, on accepte d’être interprété voir trahi. Ensuite, c’est comme ça… J’ai aimé plus ou moins, sans rentrer dans les détails. Mais c’est toujours intéressant de voir comment un autre créateur au sens large va s’emparer de votre travail. Après, suis-je la bonne personne pour en juger ? Mon regard, c’est celui de la personne qui voit tout ce qu’il y avait dans le roman et qui n’est pas dans le film. Tout ce qui a été mis de côté ou interprété différemment. Donc je n’ai pas du tout un regard neutre ou objectif. L’important, c’est lorsque des gens vous disent que le film leur a donné envie de lire le livre. Ce qui est arrivé pour les trois.

Deauville rend cette année hommage à Johnny Depp, un personnage "larger than life". Vous aimeriez écrire sur un homme comme lui ?

Ce qui me chatouille depuis longtemps, c’est d'écrire sur le métier d’acteur ou d’actrice. C’est quelque chose qui me fascine complètement. Essayez de comprendre ce qui se joue avant, pendant, après. Qui sont ces gens ? Ce n’est pas très gentil à dire, mais quand on les entend en interview, certains sont un peu comme des coquilles vides qu’il faut remplir ! D’autres sont d’une intelligence, d’une spiritualité, d’une sensibilité spectaculaire. Il y a aussi l’idée qu’ils sont tout le temps à la recherche du regard d’un réalisateur ou d’une réalisatrice. Sans aller jusqu’aux extrêmes comme Johnny Depp, certains acteurs doivent être en permanence dans l’angoisse de savoir si ça ne va pas retomber. Et puis il y a la question de l’image physique. Moi, je ne supporterais pas de me voir vieillir sur un écran. Je trouve ça déjà assez compliqué à travers les photos en tant qu’écrivain ! Je ne sais pas si ce sera le prochain roman, peut-être pas, mais ça fait un moment que j’y pense. Et le fait de m’en être approchée moi-même me donne un peu de billes pour écrire.


Propos recueillis par Jérôme Vermelin, à Deauville

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