Accusations de viols : Judith Godrèche estime qu'elle ne s'est "pas fait beaucoup d'amis" au sein du cinéma français

Publié le 13 février 2024 à 12h32, mis à jour le 14 février 2024 à 9h35

Source : JT 20h WE

Une semaine après avoir déposé plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon, Judith Godrèche assume les critiques et les répercussions éventuelles.
Interrogée lundi soir sur France 5, elle s'est dit prête à payer les conséquences pour la suite de sa carrière en dénonçant tout un système.
La comédienne dit ressentir la culpabilité d'avoir donné "l'image glamour d'une femme très jeune avec un homme plus vieux".

Grâce à Judith Godrèche, le cinéma français est peut-être en train de faire son #MeToo, plus de cinq après l'affaire Weinstein aux États-Unis. Le 6 février dernier, la comédienne de 51 ans a déposé plainte pour viols sur mineure contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour des faits datant du début des années 1990, une démarche qui a entraîné l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris.

Interrogée dans l’émission "C ce soir" lundi sur France 5, celle qui fut la compagne de Benoît Jacquot lorsqu’elle avait 14 ans et lui 39 est revenue sur sa difficulté à dénoncer les faits dont elle se dit victime. "La culpabilité est extrêmement ancrée en moi, à toutes sortes d’endroits", a-t-elle reconnu. "On a le sentiment quand on a vécu avec quelqu’un qu’il y a une forme de pacte qu’on dénonce. Et on a le sentiment de désavouer une partie de soi." 

"Je me sens aussi responsable"

Un quart de siècle après avoir été la vedette de La fille de 15 ans de Jacques Doillon et de La Désenchantée de Benoît Jacquot, deux films qui ont lancé sa carrière, Judith Godrèche dit également ressentir "la culpabilité de la femme qui a été une petite fille, une très jeune femme avec un homme plus vieux. Donner cette image glamour : je me sens aussi responsable du fait que des jeunes filles se soient retrouvées avec des hommes plus vieux."

La comédienne devenue réalisatrice s’est inspirée de ce passé douloureux dans sa série Icon of French Cinema, diffusée en décembre sur Arte. Ce qu'elle reconnaissait en interview, sans toutefois donner de noms. Mais c’est au mois de janvier qu’elle a dénoncé publiquement Benoît Jacquot, lorsqu’un internaute a exhumé un extrait d’un documentaire de Gérard Miller, lui aussi accusé d'agressions sexuelles, datant de 2011, dans lequel le cinéaste assume avoir des relations sexuelles avec la comédienne lorsqu'elle était mineure.

J’ai peur de ne plus travailler, de ne pas être soutenue
Judith Godrèche sur Instagram en janvier

"Il s’appelle Benoît Jacquot. La petite fille en moi ne peut plus taire ce nom", avait réagi la comédienne sur Instagram, après avoir redécouvert ces images, anticipant les conséquences de cette révélation pour la suite de sa carrière. "J’ai peur de ne plus travailler, de ne pas être soutenue", avouait-elle. Ce qu’elle confirme un mois plus tard, alors qu’une comédienne plus âgée comme Anny Duperey a mis un doute la sincérité de ses propos, avant de reconnaître une maladresse.

"Je m’en prends à beaucoup de trucs établis", admet Judith Godrèche. "Je m’en suis prise à Télérama. Je m’en suis prise aux Cahiers du cinéma, je m’en suis prise au CNC, je parle de l’Etat, du parquet de Paris qui n’ouvre pas une enquête quand il voit un homme à la télévision dire ‘je couche avec une mineure et je n’ai rien à foutre de la loi (…) On peut dire que je ne suis pas en train de me faire beaucoup d’amis."

Lundi, Judith Godrèche a également participé à une émission en ligne diffusée sur le site Mediapart. Elle est revenue sur le tournage en 1989 du film La fille de 15 ans dans lequel le réalisateur Jacques Doillon, également acteur, lui a fait tourner une scène de sexe et l'a embrassé à de nombreuses reprises devant les caméras. "À mon époque, la possibilité du non n'existait pas", a-t-elle rappelé. "Je me souviens détester Doillon et éprouver un dégoût impossible à formuler".

Également mis en cause par Isild Le Besco et Anna Mouglalis dans Le Monde, Jacques Doillon a nié les faits qui lui sont reprochés dans un communiqué à l'AFP. "Que Judith Godrèche et d'autres femmes à travers elle aient à cœur de dénoncer un système, une époque, une société, est courageux, louable et nécessaire", écrit-il. "Mais la justesse de la cause n'autorise pas les dénonciations arbitraires, les fausses accusations et les mensonges".


Jérôme VERMELIN

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