Comment la France compte se débarrasser de son carbone dans les "cimetières à CO2" de la mer du Nord

Publié le 5 mars 2024 à 13h47

Source : JT 20h Semaine

La France et le Danemark ont signé lundi un accord pour permettre le transport et le stockage de CO2 émis dans l'Hexagone vers le royaume du Nord.
L'an passé, des discussions similaires avaient été menées avec la Norvège dans le même but.
Un moyen pour Paris d'atteindre son objectif de baisser de 55% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030.

Stocker son carbone dans des cimetières à CO2. C'est le but de l'accord bilatéral, signé lundi 4 mars, entre la France et le Danemark. Un texte qui doit permettre à Paris, à terme, de transporter et de stocker du carbone issu de l'industrie française dans les sous-sols danois. 

"Roland Lescure a signé avec son homologue danois un accord bilatéral sur le transport transfrontalier de carbone à des fins de stockage géologique permanent entre la France et le Danemark", a indiqué à la presse le cabinet du ministre français de l'Industrie et de l'Énergie, en marge d'un conseil européen de l'énergie à Bruxelles. 

Ce n'est pas la première fois que la France cherche à nouer de tels partenariats. L'année dernière, Paris avait signé une "lettre d'intention" avec la Norvège pour mettre en place un processus similaire.

Les "cimetières" à CO2

Le "Carbon Capture and Storage" (CCS) consiste à récupérer le CO2 émis par les activités humaines pour le stocker ensuite, notamment dans d'anciens gisements pétroliers ou gaziers devenus obsolètes. Largement débattues, ces technologies sont utilisées pour réduire la pollution de l'air des industries pour lesquelles il n'existe pas aujourd'hui d'alternative bas-carbone, pour le ciment ou les engrais par exemple.

La France estime ainsi que le CCS est un moyen nécessaire pour atteindre son objectif de réduire de 55% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Et si elle développe aujourd'hui la capture de carbone, elle ne dispose que de peu d'espaces pour l'enfouir, ne bénéficiant pas d'importants sites de stockages géologiques comme les puits à pétrole. Elle doit donc se tourner vers des partenaires pour pouvoir leur envoyer ce CO2 capturé. 

Les pays nordiques, comme le Danemark et la Norvège, sont quant à eux particulièrement actifs dans ce domaine, en raison du nombre important de sites présents en mer du Nord. En mars 2023, le gouvernement danois avait ainsi lancé son projet "Greensand". Qualifié de "cimetière" à CO2, il doit permettre d'enfouir jusqu'à huit millions de tonnes de carbone à l'horizon 2030. Les Norvégiens, eux, disposent déjà de leur plateforme Sleipner, qui enfouit près d'un million de tonnes chaque année. 

Des sites déjà en travaux

Selon l'accord signé lundi entre la France et le Danemark, Paris pourrait envoyer dès cette année son CO2 vers la Scandinavie par bateau, au titre de la convention de Londres. Un texte qui régit le transport de différents déchets, comme les gaz industriels, par voie maritime. À terme, l'idée est même d'aller plus loin en construisant "un réseau de partenariats européens" avec les pays qui "disposent d'ores et déjà de ressources géologiques pour stocker du CO2 dans leurs sous-sols profonds", indique le ministère de l'Industrie et de l'Énergie. Des discussions avec les Pays-Bas et l'Italie sont notamment en cours. 

L'objectif de la France est d'envoyer vers des pays tiers huit mégatonnes de CO2 par an d'ici à 2030 et 20 mégatonnes d'ici à 2050. Pour y parvenir, le gouvernement va un vaste chantier pour déterminer les sites sur lesquels capter le carbone, avant de présenter dans les prochains mois une "stratégie nationale de capture et de stockage de carbone". 

Deux sites industriels de l'Hexagone, situés près de Dunkerque (Nord), ont déjà entamé des travaux pour capturer puis transporter leur CO2 liquéfié vers la Norvège, précise l'entourage de Roland Lescure. "Ils devraient capturer leurs premières tonnes de CO2 d'ici à la fin du quinquennat à l'horizon 2027-2028", ajoute Bercy, qui espère le lancement de nouveaux projets dès cette année. 

À noter par ailleurs que si ce sont dans un premier temps des navires qui transporteront le CO2 liquéfié vers les pays nordiques, d'autres solutions sont envisagées à plus long terme. Selon le ministère, lorsque les quantités atteindront "plusieurs mégatonnes par an entre la France et la mer du Nord, il sera plus économique de le faire par carboduc", soit des sortes de pipelines permettant de transférer directement le carbone d'une région à l'autre.


Annick BERGER

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