Des arbres, des chauves-souris et des fouilles archéologiques sur la route de l'A69

Publié le 6 février 2024 à 16h18

Source : JT 20h WE

Selon Atosca, le concessionnaire de l'A69 entre Toulouse et Castres, l'autoroute sera bien livrée fin 2025.
95% des arbres ont été abattus, mais les derniers, situés sur une propriété privée, font de la résistance.
Des fouilles archéologiques sont également en cours et un bâtiment hébergeant probablement des chauves-souris a été détruit.

Jusqu'à 1200 personnes qui travaillent sur le chantier, 1000 emplois créés, 200 millions d'euros dépensés sur les 450 millions d'euros prévus : lors d'une conférence de presse mardi, Martial Gerlinger, le directeur général d'Atosca, la société concessionnaire de l'A69 qui doit relier Toulouse à Castres sur 53 kilomètres, a voulu montrer que l'autoroute avance, malgré l'opposition au projet. "Le planning de livraison sera tenu", a-t-il ainsi assuré. À savoir : une autoroute mise en service à la fin de l'année 2025. Mais d'ici à cette échéance, il reste pourtant de nombreux obstacles sur la route de l'A69. 

D'abord, et toujours, la question de la destruction de centaines d'arbres, sujet qui a cristallisé les oppositions, incarnées par ces "écureuils", des militants écologistes qui occupent les cimes pour dénoncer le chantier, et le militant gréviste de la faim Thomas Brail. Selon Martial Gerlinger, "95% du déboisement a été réalisé". Et les travaux reprendront à la mi-février pour s'attaquer aux arbres restants. "On sera prêt à redémarrer les abattages", a-t-il ainsi assuré. 

Des arbres sur un terrain privé

Problème : les derniers arbres sont notamment situés sur une propriété privée située à Saïx. Les propriétaires ont été expropriés, "et nous sommes juridiquement les propriétaires du terrain", assure Atosca, mais les habitants ont conservé leur droit de jouissance des lieux. "Nous sommes en train de négocier avec le propriétaire", précise Martial Gerlinger. En attendant le retour des machines, des défenseurs de l'environnement occupent la zone.

Ensuite, le projet a fait l'objet de deux mises en demeure par la préfecture : la première concerne les mesures compensatoires mises en œuvre pour contrebalancer l'impact environnemental de l'autoroute. Les états d'inventaires des écosystèmes réalisés ont ainsi été jugés insuffisants. "On a rajouté 147 mètres carrés de mesures compensatoires", assure le directeur, rappelant que 55 hectares de zones humides vont être "renaturés".

Des zones humides et des chauves-souris

Dans les faits, le projet va artificialiser 300 hectares de terres agricoles et de zones humides, refuges de biodiversité. "On impacte deux hectares de zone humide vraiment intéressante d'un point de vue environnemental et environ une vingtaine d'hectares de zones humides potentielles", admet le directeur général d'Atosca. Ces dégâts seront "compensés" par la renaturation de deux carrières situées à proximité du chantier et par 400 plantations d'arbres : des éléments qui ne viendront pas compenser la nature préexistante, rappellent les scientifiques.

Ensuite, le concessionnaire a été mis en demeure pour avoir potentiellement délogé des chiroptères : or, toutes les chauves-souris en France sont protégées depuis 1976. "Dans la précipitation, on a détruit un bâtiment qui était menacé de squat, mais on est allé un peu vite, a admis Martial Gerlinger. Nous n'avons pas fait de contrôle pour vérifier la présence de chiroptères dans ce bâtiment." Là aussi, pour "compenser", trois nichoirs ont été installés.

Ce n'est pas cancérigène.
Martial Gerlinger, directeur général d’Atosca A69, la société concessionnaire de l’autoroute

Dans le déploiement du chantier, Atosca doit aussi évacuer les craintes des riverains des deux centrales qui vont transformer les gravillons en bitume. "Ce n'est pas cancérigène", balaie Martial Gerlinger, qui multiplie les réunions publiques sur le sujet. 

Par ailleurs, lors du chantier, une vingtaine de "zones d'intérêt" ont été identifiées par les services de l'Inrap (Institut national des recherches archéologiques préventives) pour mener des fouilles archéologiques. "Il y a des endroits où des choses ont été trouvées", a répondu vaguement le directeur, selon lequel ces fouilles ont été intégrées au planning et ne retarderont pas la mise en service. Sauf à y trouver des "choses" intéressantes au titre de l'archéologie.

Un château trop près de l'autoroute ?

Enfin, deux obstacles encore pour Atosca : une commission d'enquête parlementaire a été lancée sur le chantier, avec des auditions à venir et un calendrier non précisé à ce stade ; puis l'examen des recours sur le fond par la justice administrative. Car si tous les recours suspensifs ont été rejetés, l'essentiel, sur le fond, demande encore à être jugé ; là aussi dans un calendrier imprécis. Le temps de la justice administrative n'est pas celui des chantiers, et ceux-ci peuvent se poursuivre, en attendant une décision sur le bien-fondé du projet. 

Deux recours doivent être examinés : l'un, notamment porté par France nature environnement, demande l'annulation de l'autorisation dans sa globalité ; l'autre porte sur le château de Scopont, dans le Tarn, dont le propriétaire assure que la règle des 500 mètres n'a pas été respectée pour le pavillon gothique classé aux Monuments historiques. "Nous n'avons aucune inquiétude car les éléments indiqués sont sans fondement", répond Atosca. 

Dernière inconnue : le tarif de la future autoroute, initialement annoncé à 6,77 euros, mais qui pourrait être plus élevé selon ses détracteurs. Il s'agit en effet du tarif dans le contrat de base, qui précise qu'il peut être augmenté. Trop tôt pour le dire, répond Atosca. Il faudra attendre 2025 pour savoir.

Critiqué, le concessionnaire met en avant les mesures prises pour compenser les dégâts causés sur l'environnement et celles dites de "transition énergétique" liées à l'autoroute : ainsi, les véhicules électriques paieront moins cher le tronçon de 53 kilomètres, l'autoroute sera en flux libre avec des points de péage automatique sans arrêt évitant les files polluantes, des aires de covoiturage seront aménagées et des bornes de recharge électrique disponibles sur les aires de repos. 

Insuffisant pour associations et scientifiques, qui dénoncent un projet réalisé à rebours de l'urgence climatique. Rappelons qu'une fois un nouveau ministre des Transports nommé, le gouvernement doit dévoiler les projets d'autoroutes appelés à être gelés en France.


Marianne ENAULT

Tout
TF1 Info